Syndrome d'ingestion de produits corrosifs
Parmi les produits corrosifs, les bases (soude caustique, lessive
de potasse...) évoluent plus facilement vers la sténose
digestive, en particulier au niveau de l'œsophage par nécrose
profonde des tissus ; le risque hémorragique est important.
Les acides provoquent une nécrose superficielle avec
un risque de perforation précoce ; les effets sont plus
marqués au niveau gastrique du fait d'un pylorospasme secondaire.
L'action corrosive des oxydants (eau de Javel, permanganate
de potassium...) nécessite un temps de contact prolongé.
Certains produits ont de plus une toxicité systémique
prédominante : antirouilles, phénol, paraquat...
Clinique
La gravité des brûlures dépend de la nature
chimique du produit (acide, base, oxydant), du pH (pH > 11,5
ou < 2 : corrosifs forts entraînant
des lésions significatives), de sa concentration, de la
quantité ingérée (> 150 mL = intoxication
massive) et de sa présentation (forme liquide plus agressive,
avec des lésions œso-gastriques plus étendues).
Les symptômes sont trompeurs et pas toujours en relation
avec l'importance des lésions.
Les formes cliniques sont variables dans leur intensité
et leur délai d'apparition
- Les lésions oropharyngées : langue dépapillée,
ulcérations, zones de nécrose associée ou
non à une dysphagie ou à une dysphonie
Chez l'enfant, dans 15% des cas, elles sont absentes alors que
les lésions sous-jacentes sont retrouvées au niveau
œsophagien ou gastrique
- Les signes digestifs : dysphagie, hypersialorrhée,
vomissements plus ou moins sanglants, douleurs sternales ou épigastriques
d'intensité variable, défense et contracture abdominale
évoquant une perforation digestive
- Brûlures cutanées provoquées par les
vomissements
- Signes respiratoires par inhalation ou réexposition
du pharynx après vomissements : risque de pneumothorax,
pneumomédiastin, médiastinite aiguë, œdème
de la glotte et détresse respiratoire
- Signes généraux : angoisse, agitation, tachycardie
Dans les formes sévères : état de choc
par hypovolémie avec acidose métabolique et CIVD.
L'urgence absolue est représentée par le tableau
associant des brûlures endobuccales, hypersalivation, vomissements
sanglants, détresse respiratoire, état de choc avec
acidose.
Le risque secondaire est celui de l'évolution des lésions
corrosives vers une sténose œsophagienne ou gastrique.
L'endoscopie œsophago-gastrique
Elle est indiquée dans les cas suivants
- Faible quantité d'un "corrosif fort" ou
concentré
- Quantité importante d'un produit corrosif faible ou
dilué
Elles est réalisée précocement dans les
6 heures pour faire le bilan des lésions et décider
de la mise au repos du tube digestif et du traitement
- Stade 0 = aspect normal
- Stade 1 = érythème muqueux
- Stade 2a = ulcérations superficielles peu nombreuses
- Stade 2b = ulcérations peu étendues mais circulaires
- Stade 3 = ulcérations profondes et hémorragiques
- Stade 4 = nécrose étendue circonférentielle
Les stades 2b, 3 et 4 peuvent évoluer vers la sténose
: il faut réaliser un contrôle endoscopique 3 semaines
après.
Les autres examens éventuellement utiles
- Radiographie de l'abdomen : pour repérer les comprimés
radio-opaques et les complications digestives (iléus,
dilatation gastrique, pneumopéritoine)
- Radiographie pulmonaire : signes d'inhalation du produit,
pneumomédiastin, emphysème sous-cutané,
épanchement pleural, œdème lésionnel
- Fibroscopie bronchique : pour rechercher les lésions
bronchiques, une fistule
- Fibroscopie ORL au tube rigide : pour apprécier l'état
pharyngo-laryngé
- Transit œsophago-gastro-duodénal aux hydrosolubles
si l'endoscopie est impossible à réaliser et s'il
n'y a pas de trouble respiratoire.
Réalisé sous la direction
du Pr Vincent Danel, Université Grenoble Alpes
Dernière révision : Décembre 2019