Veille bibliographie
Arrêt cardiaque extrahospitalier et COVID-19 : aucun survivant
La pandémie de COVID-19 a eu de nombreuses conséquences directes et indirectes. L’arrêt cardiaque extrahospitalier n’y a pas échappé. Une étude sur le RéAC entre 03/2020 et 12/2020 a été réalisée pour analyser les différences de prise en charge et de survie chez les victimes d’ACEH atteintes du COVID-19 (N=127) par rapport aux victimes suspectées atteintes du COVID-19 (N=473) ou aux victimes non malades (N=6 024).
On observe des conséquences directes du COVID-19, notamment les patients positifs au COVID-19 font beaucoup plus d’ACEH de cause respiratoire. Lorsque l’ACEH est de cause médicale, on note 53,7% de cause respiratoire chez les patients COVID confirmés, 56,5% chez les COVID suspectés et 14,0% chez les non COVID. Les victimes du groupe « COVID-19 confirmé » avaient plus d’antécédents respiratoires que les autres patients. Ces chiffres nous poussent à inciter le suivi des patients atteints de COVID-19, qu’ils soient à risques ou non. Ces chiffres montrent que le syndrome respiratoire aigu sévère peut rapidement mener à des défaillances multiviscérales ou des arrêts cardiaques.
On note un taux de réanimation par le SMUR beaucoup plus faible chez les patients « COVID-19 confirmés » (57,5%) ou « suspectés » (64,5%) par rapport aux patients non atteints (70,6%). Cependant, les recommandations sur les gestes de réanimation à réaliser face à un patient confirmé ou suspecté COVID-19 sont arrivées très tardivement. L’ERC préconise une défibrillation avant le massage cardiaque et la ventilation, le temps que le personnel porte l’équipement de protection personnel. Le contexte et les antécédents des patients doivent être pris en compte avant de débuter une réanimation. Dans ce cadre, le taux de réanimation (57,5%) sur une population affectée par le coronavirus semble élevé, ceci souligne l’impaction des médecins urgentistes en France.
Le chiffre le plus marquant de cette étude reste le taux de survie. Un taux de survie de 0% (IC 0,00 ; 2,93) a été observé 30 jours après l’ACEH dans le groupe « COVID-19 confirmé ». Le taux de reprise d’activité circulatoire spontanée (RACS) était de 17,3%, et le taux d’admission en vie à l’hôpital était de 11,8% dans ce groupe (fig 1).
Fig 1. Survie des victimes d’ACEH pendant la pandémie de COVID-19
Baert, V., Beuscart, J. B., Recher, M., Javaudin, F., Hugenschmitt, D., Bony, T., Revaux, F., Mansouri, Nadia., Larcher, F., Chazard, E. & Hubert, H. (2021). Coronavirus Disease 2019 and Out-of-Hospital Cardiac Arrest: No Survivors. Critical care medicine.
Revue de la littérature par l’ILCOR autour de la réanimation
L’ILCOR a publié sa cinquième revue de la littérature en matière de réanimation. Cette revue est publiée de manière annuelle depuis la mise en place de l’actualisation des recommandations au fil de l’eau et non plus tous les 5 ans. Les sujets traités par cet article sont : la régulation basée sur la vidéo, la position de la tête pendant la RCP, la coronarographie précoce post-RACS, la réanimation en décubitus ventral, gestion des prématurés et bébé à terme ainsi que la famille, éducation et formation à la réanimation, les risques pour les sauveteurs pendant l’épidémie de COVID-19, la réhydratation orale en cas de déshydratation due à l’effort, la gestion des brûlures ou encore le contrôle de l’hémorragie pédiatrique à l’aide d’un garrot tourniquet.
Vous pouvez consulter en libre accès cette revue de l’ILCOR via le lien : https://www.ahajournals.org/doi/10.1161/CIR.0000000000001017?utm_campaign=sciencenews21-22&utm_source=science-news&utm_medium=phd-link&utm_content=phd-11-11-21
Vous aurez ainsi accès à toutes les conclusions de groupes de travail sur les derniers articles concernant les thématiques citées, le niveau de preuve associé aux études ainsi que l’exposition des faiblesses de la littérature et donc les domaines qui nécessitent un approfondissement des connaissances.
L’adrénaline dans la prise en charge de l’arrêt cardiaque extra-hospitalier
L’adrénaline, bien qu’utilisée de manière quasi systématique dans la prise en charge de l’ACEH, est très controversée. Plusieurs études s’interrogent sur l’efficacité de ce médicament. La première question posée a été « adrénaline : oui ou non ? ». Pour obtenir des réponses, plusieurs équipes, françaises et étrangères ont menées des études. Sur le RéAC, une étude observationnelle sur 27 008 patients nous a permis d’observer que l’utilisation d’adrénaline semblait entraîner systématiquement un taux de survie plus faible lorsque les patients présentaient un rythme choquable (OR= 0,508 [0,440,0,586]). Lorsque les patients avaient un rythme non choquable, cet effet délétère n’était observé qu’à 30 jours (sur la survie et le devenir neurologique). L’effet bénéfique plus important lorsque le rythme est non choquable est également retrouvé dans l’étude anglaise PARAMEDIC-2 qui visait à comparer l’utilisation d’adrénaline face à un placebo dans un cadre contrôlé randomisé. Ils ont montré un effet bénéfique de l’adrénaline lorsque le rythme cardiaque du patient était non choquable et une absence d’effet lorsqu’il était choquable. Ils montent également que globalement, quel que soit le rythme, l’adrénaline entraînerait des effets délétères sur le devenir neurologique chez les patients survivants. Les réponses apportées ne permettent pas d’enterrer, ou pas, définitivement l’adrénaline. La réflexion amène à penser que la question « adrénaline : oui ou non ? » est peut-être mal posée. Une deuxième question émerge alors « adrénaline : comment ? ». Une étude a donc été menée sur le RéAC, une comparaison sur la survie a été réalisée entre 3 groupes : 1) les patients ayant reçu la dose d’adrénaline recommandée 2) les patients ayant reçu une dose plus faible que recommandée 3) les patients ayant reçu une dose plus élevée que recommandée. Aucune différence n’est observée sur la survie entre le groupe « dose recommandée » et « faible dose », en revanche, le groupe « forte dose » a une survie à 30 jours plus faible (respectivement OR = 0.9 [0.7;1.1] et OR = 0.5 [0.5;0.6]). Les mêmes résultats sont observés sur le devenir neurologique favorable à 30 jours. Il semblerait donc qu’une faible dose d’adrénaline serait efficace dans la prise en charge de l’ACEH. Cette hypothèse devra être testée dans une étude avec un haut niveau de preuve. To be continued … Perkins, G. D., Ji, C., Deakin, C. D., Quinn, T., Nolan, J. P., et al. (2018). A randomized trial of epinephrine in out-of-hospital cardiac arrest. New England Journal of Medicine, 379(8), 711-721. Jaeger, D. Baert, V. Javaudin, F. Debaty, G., Duhem, H., Koger, J., Duchaois, C., Gueugniaud, P-Y., Tazarourte, K., Hubert, H., T. Chouhied. (2021) Neurologic outcome after less than recommended adrenaline administration in out-of-hospital cardiac arrest: A nationwide propensity score analysis from the RéAC Registry, Resuscitation, (In press) Baert, V., Hubert, H., Chouihed, T., Claustre, C., Wiel, É., Escutnaire, J., Jeager, D., Vilhelm, C., Segal., N., Adnet, F;, Gueugniaud, P-Y., Tazarourte, K., Mebazaa, A., Fraticelli, L., El Khoury, C. (2020). A Time-Dependent Propensity Score Matching Approach to Assess Epinephrine Use on Patients Survival Within Out-of-Hospital Cardiac Arrest Care. The Journal of Emergency Medicine, 59(4), 542-552. Jaeger D., Baert V., Javaudin F, Debaty G., Duhem H., Koger J, Gueugniaud P-Y., Tazarourte K., El Khoury C, Hubert H, Chouihed T (2021). Effect of adrenaline dose on neurological outcome in out-of-hospital cardiac arrest: a nationwide propensity score analysis. European of emergency medicine (sous presse)
L’angiographie en post arrêt cardiaque en l’absence de sus décalage ST.
Desch S, Freund A, Akin I, Behnes M, Preusch MR, Zelniker TA, Skurk C, Landmesser U, Graf T, Eitel I, Fuernau G, Haake H, Nordbeck P, Hammer F, Felix SB, Hassager C, Engstrøm T, Fichtlscherer S, Ledwoch J, Lenk K, Joner M, Steiner S, Liebetrau C, Voigt I, Zeymer U, Brand M, Schmitz R, Horstkotte J, Jacobshagen C, Pöss J, Abdel-Wahab M, Lurz P, Jobs A, de Waha-Thiele S, Olbrich D, Sandig F, König IR, Brett S, Vens M, Klinge K, Thiele H; TOMAHAWK Investigators. Angiography after Out-of-Hospital Cardiac Arrest without ST-Segment Elevation.N Engl J Med. 2021 Dec 30;385(27):2544-2553. doi: 10.1056/NEJMoa2101909 .
Etude multicentrique randomisée comparant deux stratégies chez les patients ayant obtenu un retour à une activité circulatoire avec succès au décours d’un arrêt cardiaque et ne présentant pas de sus décalage ST sur l’ECG post-réanimation : angiographie immédiate vs. angiographie différée. Dans cet essai, l’hypothèse repose sur la supériorité d’une stratégie de coronarographie immédiate sur la mortalité à J30 de l’événement. Les patients sont randomisés dès l’obtention de l’ECG ne montrant pas de sus-décalage ST soit directement et le plus rapidement vers une salle de cathétérisme soit vers une unité de soins intensif. Dans ce second bras, selon l’évolution du patient, les arguments cliniques et/ou biologiques, le patient sera adressé secondairement vers un plateau de coronarographie dans un délai minimum de 24h. Si aucun élément oriente vers une étiologie coronaire, l’angiographie ne sera pas réalisée. Entre Nov 2016 et Sep 2019, 558 patients ont été randomisés, 265 dans chaque bras de randomisation. Dans le groupe coronarographie immédiate 95% des patients ont bénéficié de l’examen, parmi eux 60,7% avait des lésions coronaires, et 38,1% avait une lésion coronaire identifiée comme responsable de l’arrêt cardiaque. Dans le groupe coronarographie différée, les proportions étaient respectivement de 62,1% d’examen réalisé, dont 72,1% montraient des anomalies et 43% de lésion jugée coupable. Sur le critère de jugement principal, 54% des patients du groupe angiographie immédiate sont décédés J30 et 46 % dans le groupe angiographie différée. Il n’existe pas de différence significative entre les deux stratégies (HR=1.28 [1-1.63], p=0.06). Les deux bras étaient par ailleurs comparables dans les analyses de sous-groupe. Cette étude complète un essai précédent (Lemskes et al., NEJM 2020) qui comparait les deux mêmes stratégies avec des résultats similaires. L’avantage de la présente étude est l’élargissement de la population analysée incluant les patients ne présentant pas de rythme initial choquable, dont la prévalence est forte dans cette situation. En revanche, les patients instables électriquement ou hémodynamiquement qui pourraient bénéficier de cette intervention n’ont pas été inclus. Cet essai bien conduit avec une méthodologie rigoureuse conclut que la réalisation d’une angiographie immédiate ne donnait pas de bénéfice par rapport à une stratégie différée sur la survie à J30 après un arrêt cardiaque réanimé avec succès ne montrant pas de sus-décalage ST.
Des doses réduites d’adrénaline durant la réanimation cardio-pulmonaires pour limiter la vasoconstriction cérébrale ? Quels effets hémodynamiques ? Par Déborah Jaeger (Nancy)
Jaeger, D.; Koger, J.; Duhem, H.; Fritz, C.; Jeangeorges, V.; Duarte, K.; Levy, B.; Debaty, G.; Chouihed, T. Mildly Reduced Doses of Adrenaline Do Not Affect Key Hemodynamic Parameters during Cardio-Pulmonary Resuscitation in a Pig Model of Cardiac Arrest. J. Clin. Med. 2021, 10, 4674. https://doi.org/10.3390/jcm10204674
L’utilisation de l’adrénaline est recommandée au cours de la RCP notamment pour obtenir un RACS par l’élévation de la pression de perfusion coronarienne. Les effets délétères de l’adrénaline, notamment sur la microcirculation cérébrale, ont déjà été largement démontrés. L’hypothèse testée est qu’une dose réduite d’adrénaline permettrait d’obtenir un RACS en limitant les lésions neurologiques.
Méthodologie : Il s’agit d’une étude expérimentale dont l’objectif principal était de comparer l’augmentation de la pression de perfusion coronaire après l’injection de doses réduites d’adrénaline par rapport à la dose recommandée de 1mg. L’étude a été mené sur un modèle porcin d’arrêt cardiaque en fibrillation ventriculaire. La pression de perfusion coronarienne, l’EtCO2 et les NIRS cérébraux et tissulaires ont été enregistrés durant toute la manipulation. 15 spécimens ont été randomisés en trois groupes : 1mg, 0.5mg et 0.25mg d’adrénaline. Après induction de la FV, 5 minutes de No-Flow ont été observés. 5 bolus d’adrénaline ont été administrés à 5 minutes d’intervalle.
Résultats : La pression de perfusion coronarienne (PPC) était significativement plus basse, 90 secondes après le premier bolus, dans le groupe 0.25mg par rapport au groupe 1mg : : 28.9 (21.2; 35.4) vs. 53.8 (37.8; 58.2) (p=0.008). Il n’y avait pas de différence significative entre le groupe 0.5mg et 1mg : 39.6 (32.7; 52.5) (p = 0.056). La PPC était également significativement plus basse dans le groupe 0.25mg pour le deuxième et le troisième bolus alors qu’il n’y avait pas de différence significative entre le groupe 0.5mg et 1mg. Il n’y avait pas de différence significative entre les 3 groupes sur les variations du NIRS cérébral. Le NIRS tissulaire était significativement plus élevé dans les 2 groupes avec doses réduites par rapport au groupe 1mg après 32 minutes de RCP (p=0.03). Le nombre de RACS était le même dans les 3 groupes (80%).
Limites : Cette étude présente plusieurs limites liées à l’utilisation d’un modèle animal et au petit nombre de spécimens. De plus, le NIRS cérébral est un reflet très indirect de la circulation cérébrale et ne permet pas d’avoir de réponse sur les effets de cette réduction de la dose d’adrénaline sur le pronostic neurologique.
Conclusion : Toutefois, cette étude a permis de démontrer qu’une dose réduite d’adrénaline au cours de la RCP permet d’obtenir une augmentation de la PPC non significativement inférieure à celle avec la dose recommandée de 1mg. Une dose réduite à 0.25mg semble quant à elle ne pas être suffisante. Un essai clinique semble nécessaire pour confirmer l’effet bénéfique de la réduction de la dose d’adrénaline à 0.5mg.
Extrait de Figure 2: Variation of CPP, for each group induced by adrenaline injection, T7, T12, T17, T22 and T27 represent adrenaline injection
Effet de l’hypothermie thérapeutique modérée (31°C) ou légère (34°C) sur la mortalité et le devenir neurologique après un arrêt cardiaque extrahospitalier par Nicolas Segond (SAMU/Urgences, CHU Grenoble Alpes)
Le May M, Osborne C, Russo J, So D, Chong AY, Dick A, Froeschl M, Glover C, Hibbert B, Marquis JF, De Roock S, Labinaz M, Bernick J, Marshall S, Maze R, Wells G. Effect of Moderate vs Mild Therapeutic Hypothermia on Mortality and Neurologic Outcomes in Comatose Survivors of Out-of-Hospital Cardiac Arrest: The CAPITAL CHILL Randomized Clinical Trial. JAMA. 2021 Oct 19;326(15):1494-1503. doi: 10.1001/jama.2021.15703 . PMID: 34665203.
Etude comparant l’effet d’un contrôle ciblé de la température de façon modérée (31°C) ou légère (34°C) chez les patients comateux ayant survécu après un arrêt cardiaque extrahospitalier.
Il s’agit d’une étude monocentrique dans un centre spécialisé de cardiologie au Canada menée en double aveugle. Immédiatement après la reprise d’une activité cardiaque spontanée, les paramedics ont initié un refroidissement du patient. Une fois arrivé à l’hôpital, l’hypothermie était réalisée à l’aide d’un cathéter fémoral dédié et était maintenue durant 24 heures. Le patient, sa famille ainsi que le médecin étaient en aveugle de l’objectif de température, celle-ci étant contrôlée par les infirmiers.
L’objectif principal de l’étude était composite et comprenait la mortalité toute cause ou un mauvais pronostic neurologique à 180 jours défini par une échelle DRS supérieure à 5 (Disability Rating Scale, échelle comprenant 8 items allant de 0 (aucune invalidité) à 29 (état végétatif extrême)).
Les critères secondaires étaient multiples comprenant les potentiels effets secondaires (épilepsie, pneumonies, thromboses etc…). Au total, 389 patients ont été randomisés et 366 ont été analysés dans les 2 bras. Environ 85% des patients avaient un rythme initial choquable, 13% étaient en asystole, une RCP a été initiée par les témoins pour 70% des patients et l’étiologie était cardiologique dans 95% des cas.
Concernant le critère de jugement principal, le taux de mortalité toute cause ou de mauvais pronostique neurologique est survenu pour 89 patients (48,4%) dans le groupe 31°C et 83 patients (45,4%) dans le groupe 34°C (RR = 1,07 (0,86, 1,33) ; p = 0,56). Concernant les critères secondaires, la durée d’hospitalisation en soins critiques était significativement moins élevée dans le groupe 34°C (médiane à 10 jours (7-15) vs 7 jours (6-12) ; p < 0,004). Aucun autre critère secondaire était significatif en particulier en fonction du rythme initial choquable ou non.
Cette étude a une méthodologie robuste mais comporte plusieurs biais : étude monocentrique, l’étiologie cardiologique très majoritaire et proportion de rythme non choquable faible.
Au total, un contrôle ciblé de la température à 31°C comparé à 34°C ne réduit pas la mortalité toute cause ou le risque de mauvais pronostic neurologique à 180 jours après un arrêt cardiaque extrahospitalier.
Cette nouvelle étude n’est pas en faveur d’une cible de température plus basse pour limiter les lésions de reperfusion, en particulier dans cette population majoritairement de rythme choquable et d’origine cardiologique. Avec l’étude TTM2 paru récemment, l’hypothermie thérapeutique est remise en question. Il est important de noter que les conditions expérimentales avec des hypothermie très précoce post arrêt cardiaque n’ont pu être reproduite en clinique (délai souvent entre 2h et 6h après l’arrêt cardiaque) expliquant peut-être le bénéfice plus modeste observé.
L’intubation oro-trachéale des arrêts cardiaques pédiatriques pendant la réanimation améliore-t-elle le pronostic ? par François JavaudinLe Bastard Q, Rouzioux J, Montassier E, Baert V, Recher M, Hubert H, Leteurtre S, Javaudin F. Endotracheal intubation versus supraglottic procedure in paediatric out-of-hospital cardiac arrest: a registry-based study. Resuscitation. 2021.
Il s’agit d’une étude à partir des données du registre français RéAC incluant tous les arrêts cardiaques (AC) pédiatriques (< 18 ans) quelle que soit la cause. L’objectif de ce travail était de comparer la survie à 30 jours des enfants selon deux méthodes de ventilation au cours de la réanimation cardio-pulmonaire (RCP) des AC pédiatriques : intubation oro-trachéale (IOT) contre dispositifs supra-glottiques (masque facial ou laryngé). L’analyse portait sur 1579 enfants (inclusion de juillet 2011 à mars 2018) dont 86% avaient bénéficié d’une IOT. Parmi les 224 enfants dans le groupe dispositif supra-glottique 93% ont été ventilé au masque facial et 7% au masque laryngé. Après ajustement de la population par score de propension la survie était plus faible dans le groupe IOT (7.7% vs. 14.3%, différence absolue, 6.6 points ; IC95% 2.3–12.0 ; odds ratio ajusté, 0.39 ; IC95%, 0.25-0.62) ainsi que le pronostic neurologique qui était moins bon (aOR, 0.32 ; IC95%, 0.19–0.54). Il n’y avait pas de différence entre les deux groupes concernant la fréquence de retour à une activité circulatoire spontanée (RACS ; aOR, 1.15 ; IC95%, 0.80–1.65). Ces résultats sont en accord avec les autres analyses de cohortes ajustées par score de propension. Néanmoins dans cette étude la prise en charge des voies aériennes était réalisée par un médecin SMUR et non par un paramedics comme dans les études nord-américaines. Nous sommes dans la même situation chez l’enfant qu’avant l’étude randomisée CAAM publiée en 2018 pour l’adulte qui finalement n’avait pas montré de grande différence entre la ventilation au masque et l’IOT.
Étude très attendue comparant un traitement par hypothermie à 33°C (28h d’hypothermie suivie d’un réchauffement contrôlé de 0,3°/h) contre une normothermie stricte (maintenant la température < 37,8°C). Dans les 2 bras les patients étaient ensuite maintenus en normothermie pendant jusqu’à 72 h après randomisation.
L’étude était ouverte, randomisée, contrôlée avec une évaluation neurologique à l’aveugle du bras de traitement. Le critère principal de jugement était la mortalité à 6 mois, un critère secondaire principal sur le devenir fonctionnel à 6 mois était également défini.
Au total, 1900 patients ont été randomisés et 1861 analysés en intention de traitement dans les 2 bras. Le taux de Réanimation Cardio-Pulmonaire (RCP) par les témoins étaient élevés à 82% des patients, et 74% des patients étaient en fibrillation ventriculaire (FV) initiale, 12% en asystole et 12% en rythme sans pouls. La mortalité à 6 mois était de 465 sur 925 patients (50%) dans le groupe hypothermie contrôlée contre 446 sur 925 (48%) dans le groupe normothermie (risque relatif, 1,04; IC95% 0,94 to 1,14; P = 0,37). L’évolution neurologique fonctionnel défavorable évaluée par le score de Rankin modifié entre 4 et 6, concernait 488 sur 881 patients (55%) dans le groupe hypothermie et 479 sur 866 patients (55%) dans le groupe normothermie (risque relatif avec hypothermie 1,00; 95% CI, 0,92 to 1,09). L’effet était identique dans tous les sous-groupes et en particulier pas de différence en fonction du rythme initial. Il y avait plus d’arythmie induisant une instabilité hémodynamique dans le groupe hypothermie (17 vs 24%, p<0,001).
L’étude est bien menée, avec une méthodologie de très bonne qualité et peu de biais.
Au total, cette étude importante et bien menée sur le plan méthodologique ne retrouve pas de bénéfice à un traitement par hypothermie contrôlé par rapport à une normothermie contrôlée dans les suites d’un arrêt cardiaque extra-hospitalier. Ces résultats doivent également être discutés en complément des autres études existantes sur la thématique. En effet certains pourraient argumenter la place des circonstances de l’arrêt cardiaque et notamment la sévérité des patients pour déterminer l’intérêt d’un contrôle cible de la température dans une population plus sélectionnée.
France-Canada : Quelles différences dans l’arrêt-cardiaque extrahospitalier ? Le registre ReACanROC
Les systèmes préhospitaliers français et canadien (ou franco-allemands et anglo-américains) diffèrent en termes d’organisation et de pratiques professionnelles, notamment dans la stratégie du niveau de soin sur les lieux d’intervention (« stay and play » vs. « scoop and run »). Les hétérogénéités de recueil de données ou de définition des variables des registres d’ACEH limitent la comparaison des déterminants de l’incidence puis de la survie après un ACEH entre ces deux types de systèmes. De plus, la survie après un ACEH varie fortement entre les pays, car elle dépend d’une chaîne complexe principalement expliquée par les variables Utstein. Or il semble que certains déterminants géographiques, territoriaux, architecturaux ou socio-économiques soient responsable d’une variabilité supplémentaire et mal expliquée à ce jour : l’incidence et la mortalité des ACEH sont plus élevés dans les zones urbaines et défavorisées sur le plan socio-économique, et les temps de réponse des secours sont retardés dans les zones rurales, éloignées ou celles en milieu urbain peu accessible.
Afin de mieux analyser les stratégies d’amélioration des pratiques et du pronostic après un ACEH entre la France et le Canada, le registre international ReACanROC a été créé en 2020 par l’homogénéisation puis la fusion des bases de données issues des deux registres nationaux de l’ACEH (France : RéAC, Canada : CanROC). ReACanROC est le premier registre Europe-Amérique du Nord créé dans l’ACEH. À ce jour, il couvre près de 80 millions de personnes sur les deux pays, et comprend environ 200 000 cas sur une période de 10 ans. Sous la supervision d'un comité directeur international et d'un réseau de recherche, l'ensemble de données ReACanROC servira à l’analyse des différences de prédicteurs organisationnels, pratiques et géographiques de la survie après un ACEH.
Les résultats préparatoires à ReACanROC, avant fusion des bases, sur la période 2011-2016, suggèrent de nombreuses différences, notamment sur 1) les pratiques préhospitalières, avec une grande variabilité de la proportion de réanimations tentées (82 % en France contre 60 % au Canada), 2) les délais de réponse des premiers intervenants professionnels (délai médian appel-arrivée sur place 10 min en France vs 6 min au Canada), et 3) le pronostic (survie globale 5% en France vs 11% au Canada). Les résultats des analyses tirées de la base commune ReACanROC serviront de cadre pour de futures études cliniques internationales. Les nouvelles pratiques, après avoir été potentiellement mises en évidence par des techniques d'appariement par propension ou des modèles de simulation, seront explorées plus avant par le biais d'essais cliniques randomisés à grande échelle.
Les principales limites de ReACanROC sont, premièrement, sa constitution rétrospective par la fusion de deux bases de données inhomogènes (variables, définitions et catégories propres à chaque registre national), ayant nécessité un lourd travail de data management qui pourrait réduire l’interprétation des analyses en raison d’une perte de données. Deuxièmement, les différences culturelles et sociétales entre les deux pays, non mesurées par ReACanROC, pourraient expliquer des variabilités mal comparables.
Heidet M, Fraticelli L, Grunau B, Cheskes S, Baert V, Vilhelm C, Hubert H, Tazarourte K, Vaillancourt C, Tallon J, Christenson J, El Khoury C; Gr-ReAC CanROC investigators. ReACanROC: Towards the creation of a France-Canada research network for out-of-hospital cardiac arrest . Resuscitation. 2020 Jul;152:133-140
Heidet M, Hubert H, Grunau B, Cheskes S, Baert V, Fraticelli L, Freyssenge J, Lecarpentier E, Stitt A, Tallon JM, Tazarourte K, Truong C, Vaillancourt C, Vilhelm C, Wysocki K, Christenson J, El Khoury C; Gr-ReAC and CanROC investigators. Rationale, development and implementation of the ReACanROC registry for out-of-hospital cardiac arrests in France and Canada . Emerg Med J. 2021 Jun 2:emermed-2020-211073
Revue de la littérature par l’ILCOR autour de la réanimation
L’ILCOR a publié sa cinquième revue de la littérature en matière de réanimation. Cette revue est publiée de manière annuelle depuis la mise en place de l’actualisation des recommandations au fil de l’eau et non plus tous les 5 ans. Les sujets traités par cet article sont : la régulation basée sur la vidéo, la position de la tête pendant la RCP, la coronarographie précoce post-RACS, la réanimation en décubitus ventral, gestion des prématurés et bébé à terme ainsi que la famille, éducation et formation à la réanimation, les risques pour les sauveteurs pendant l’épidémie de COVID-19, la réhydratation orale en cas de déshydratation due à l’effort, la gestion des brûlures ou encore le contrôle de l’hémorragie pédiatrique à l’aide d’un garrot tourniquet.
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