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12/12 2024
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URGENCE: UN "CLUB" DES SAS PSYCHIATRIQUES POUR IMPULSER UNE NÉCESSAIRE HARMONISATION NATIONALE

(Par Valérie LESPEZ)

PARIS, 12 décembre 2024 (APMnews) - La dizaine de services d'accès aux soins (SAS) psychiatriques existante s'est récemment constituée en "club" pour partager leurs pratiques mais aussi faire entendre une voix commune auprès des pouvoirs publics, dans l'optique d'harmoniser les prises en charge, ont expliqué à APMnews des promoteurs de ces dispositifs.

Cet article a été réalisé dans le cadre d'un dossier APMnews sur les SAS psychiatriques, qui comprend aussi une dépêche sur le fonctionnement et la régulation permise par ces dispositifs (cf dépêche du 12/12/2024 à 09:45), un entretien avec l'agence régionale de santé (ARS) Bourgogne-Franche-Comté qui va lancer un appel à manifestation d'intérêt (AMI) pour créer un SAS psychiatrique (cf dépêche du 12/12/2024 à 09:47), et une dépêche sur une extension possible de ces dispositifs vers des "Smur psy" (cf dépêche du 12/12/2024 à 09:46).

La psychiatrie constitue aujourd'hui la filière spécialisée la plus communément déployée dans les SAS, en s'appuyant souvent sur des organisations préexistantes, énonçait la direction générale de l'offre de soins (DGOS) lors d'un bilan des SAS, en janvier 2024 (cf dépêche du 30/01/2024 à 17:35).

Selon la liste transmise à APMnews par la DGOS, il existe 15 "SAS psy", deux en Auvergne-Rhône-Alpes (Lyon et Saint-Etienne), deux en Bretagne (Rennes et Brest), un dans les Hauts-de-France (Lille), quatre en Ile-de-France (Paris, Val-de-Marne, Yvelines, Seine-Saint-Denis), deux en Nouvelle-Aquitaine (Poitiers et Bordeaux), un en Occitanie (Toulouse), un en Pays de la Loire (Nantes), un à La Réunion et un en Centre-Val de Loire (Blois).

Pour rappel, la deuxième circulaire de la campagne budgétaire 2024 des établissements de santé a prévu une délégation de 1,6 million d'euros (M€) pour financer un SAS psychiatrique dans les quatre régions qui en sont dépourvues, à savoir Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est, Normandie et Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) (cf dépêche du 05/11/2024 à 18:56).

Si les pouvoirs publics, notamment à travers la feuille de route santé mentale et psychiatrie (cf dépêche du 03/03/2023 à 13:00), encouragent ainsi vivement ces dispositifs, leur développement se fait en ordre dispersé.

"Globalement, ces dispositifs sont portés par les services d'urgence psychiatrique", précise à APMnews la Dr Eve Bécache, psychiatre au Vinatier-Psychiatrie universitaire Lyon Métropole (ex-CH du Vinatier) et chef de service de "Live", nom du SAS psy du Rhône.

Certains ont été à l'origine autofinancés, d'autres soutenus par une enveloppe spécifique SAS ou dans le cadre du Fonds d'innovation organisationnelle en psychiatrie (Fiop).

Schématiquement, deux grands modèles cohabitent, synthétise Eve Bécache: "A Rennes, Saint-Etienne ou Paris, [où les dispositifs] existent depuis assez longtemps, un infirmier [ou plusieurs, NDLR] est posté dans le centre 15". A Lyon ou à Bordeaux, "une plateforme téléphonique préexistante s'est ensuite organisée pour s'associer avec le Samu afin de devenir un SAS".

"On va de la présence d'un infirmier seul sur le plateau du Samu, jusqu'à trois, voire quatre répondants, qui peuvent être aussi sur un site excentré par rapport au Samu" comme c'est le cas à Lyon et Bordeaux, complète le directeur de la politique générale du Vinatier, Piero Chierici. "Et tout cela avec des horaires et des jours d'ouverture très variables" (voir le tableau récapitulatif, cf dépêche du 12/12/2024 à 09:45).

De plus, la régulation n'est pas exactement la même partout, relève le Dr Kévin Rossini, psychiatre au CH spécialisé en psychiatrie Charles-Perrens à Bordeaux et responsable de Régul'Psy, le SAS psy de la Gironde. "A Rennes, Paris, ou chez nous à Bordeaux, tous les appels passent de l'assistant de régulation médicale [ARM] au médecin régulateur, lequel choisit d'orienter vers l'infirmier de psychiatre. A Saint-Etienne ou à Lyon, il n'y a pas de passage par le médecin régulateur, l'appel est directement passé par l'ARM."

"Les SAS psy sont des initiatives venues du terrain, là où les terrains étaient mûrs pour le faire", résume Piero Chierici. Ils sont aujourd'hui "soutenus par les pouvoirs publics, avec des financements et une incitation forte des ARS" et "vont progressivement couvrir tout le territoire". Mais, prévient-il, "cela va être plus long, plus compliqué, et dans une logique davantage remontante que descendante" que pour d'autres dispositifs partis du national pour se développer en local, comme le 3114 (cf dépêche du 04/10/2021 à 12:30).

Une première réunion du "club" le 18 octobre dernier

"Au niveau national, personne ne s'est vraiment emparé du sujet. Il n'y a pas eu de volonté, de l'administration centrale notamment, de donner le ton, d'essayer d'homogénéiser [les dispositifs]", remarque le Dr François Ducrocq, responsable des urgences médico-psychologiques au Samu de Lille, qui accueille en son sein depuis août des infirmiers psy dans le cadre du SAS psychiatrique baptisé Prisme.

Alors que les plus vieux dispositifs de régulation psychiatrique ont trois-quatre ans et que les projets fleurissent un peu partout, "cela fait à peu près six mois qu'entre SAS psy, on s'écrit, on se parle, on se coordonne", rapporte Eve Bécache.

Sous l'impulsion notamment des équipes de Lyon, Bordeaux et Lille, une rencontre a été organisée au Vinatier le 18 octobre. "On s'est dit que c'était important de créer ce 'club des SAS', pour créer de l'émulation, du partage sur nos fonctionnements", synthétise Eve Bécache, décrivant cette première réunion comme "une journée de cuisine interne".

Mais l'idée, derrière, "s'il y a lieu, est d'être force de proposition au niveau national, qu'on puisse faire part de notre expérience et de nos besoins", ajoute-t-elle.

"Je pense que tout le monde sera preneur de propositions venant du terrain, surtout si elles sont consensuelles entre les dizaines de SAS qui sont déjà en place", note Piero Chierici. De plus, "c'est très pertinent d'essayer d'identifier quelques bonnes pratiques, quelques points communs, quelques éléments incontournables, pour que les autres ne réinventent pas tout. C'était d'ailleurs la demande des deux ou trois SAS en devenir présents à la réunion du 18 octobre, venus observer ce qui existe déjà".

"La structuration en 'club des SAS' est un début", estime le Dr David Travers, responsable de l'unité de psychiatrie Samu/SAS urgences liaison au CHU de Rennes. Au-delà des "initiatives à droite à gauche, il va être temps de commencer à réfléchir, sinon à une harmonisation, en tout cas à des dispositifs équitables pour la population", considère-t-il.

"Il faut arriver à un système uniforme, modulo bien sûr les particularités territoriales, puisqu'on dépend complètement de l'existence de l'offre d'aval", précise-t-il.

"Cela me fait penser au début des Samu", observe François Ducrocq. "J'ai vu des choses très disparates qui au final, avec le temps, avec les énergies des uns et des autres, grâce aux sociétés savantes aussi, ont fini par s'harmoniser, établir un dénominateur commun."

A noter qu'en septembre, Claire Defives, l'adjointe de la cheffe du bureau santé mentale de la DGOS, avait annoncé le démarrage "en 2025 [d']une réflexion pour homogénéiser les pratiques", évoquant même la possibilité d'"un groupe de travail pour cadrer et voir ce que l'on veut faire de ces SAS psy" (cf dépêche du 20/09/2024 à 18:32)…

Par ailleurs, dans leur tout récent rapport sur les urgences psychiatriques (cf dépêche du 11/12/2024 à 16:23), les députées Nicole Dubré-Chirat (Ensemble pour la République, Maine-et-Loire) et Sandrine Rousseau (Ecologistes, Paris) demandent à "formaliser au niveau national un parcours de prise en charge des urgences psychiatriques, commun à tous les territoires, clair et gradué impliquant la généralisation de la compétence psychiatrique à l'ensemble des SAS", relève-t-on.

vl/nc-ab/APMnews

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(Par Valérie LESPEZ)

PARIS, 12 décembre 2024 (APMnews) - La dizaine de services d'accès aux soins (SAS) psychiatriques existante s'est récemment constituée en "club" pour partager leurs pratiques mais aussi faire entendre une voix commune auprès des pouvoirs publics, dans l'optique d'harmoniser les prises en charge, ont expliqué à APMnews des promoteurs de ces dispositifs.

Cet article a été réalisé dans le cadre d'un dossier APMnews sur les SAS psychiatriques, qui comprend aussi une dépêche sur le fonctionnement et la régulation permise par ces dispositifs (cf dépêche du 12/12/2024 à 09:45), un entretien avec l'agence régionale de santé (ARS) Bourgogne-Franche-Comté qui va lancer un appel à manifestation d'intérêt (AMI) pour créer un SAS psychiatrique (cf dépêche du 12/12/2024 à 09:47), et une dépêche sur une extension possible de ces dispositifs vers des "Smur psy" (cf dépêche du 12/12/2024 à 09:46).

La psychiatrie constitue aujourd'hui la filière spécialisée la plus communément déployée dans les SAS, en s'appuyant souvent sur des organisations préexistantes, énonçait la direction générale de l'offre de soins (DGOS) lors d'un bilan des SAS, en janvier 2024 (cf dépêche du 30/01/2024 à 17:35).

Selon la liste transmise à APMnews par la DGOS, il existe 15 "SAS psy", deux en Auvergne-Rhône-Alpes (Lyon et Saint-Etienne), deux en Bretagne (Rennes et Brest), un dans les Hauts-de-France (Lille), quatre en Ile-de-France (Paris, Val-de-Marne, Yvelines, Seine-Saint-Denis), deux en Nouvelle-Aquitaine (Poitiers et Bordeaux), un en Occitanie (Toulouse), un en Pays de la Loire (Nantes), un à La Réunion et un en Centre-Val de Loire (Blois).

Pour rappel, la deuxième circulaire de la campagne budgétaire 2024 des établissements de santé a prévu une délégation de 1,6 million d'euros (M€) pour financer un SAS psychiatrique dans les quatre régions qui en sont dépourvues, à savoir Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est, Normandie et Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) (cf dépêche du 05/11/2024 à 18:56).

Si les pouvoirs publics, notamment à travers la feuille de route santé mentale et psychiatrie (cf dépêche du 03/03/2023 à 13:00), encouragent ainsi vivement ces dispositifs, leur développement se fait en ordre dispersé.

"Globalement, ces dispositifs sont portés par les services d'urgence psychiatrique", précise à APMnews la Dr Eve Bécache, psychiatre au Vinatier-Psychiatrie universitaire Lyon Métropole (ex-CH du Vinatier) et chef de service de "Live", nom du SAS psy du Rhône.

Certains ont été à l'origine autofinancés, d'autres soutenus par une enveloppe spécifique SAS ou dans le cadre du Fonds d'innovation organisationnelle en psychiatrie (Fiop).

Schématiquement, deux grands modèles cohabitent, synthétise Eve Bécache: "A Rennes, Saint-Etienne ou Paris, [où les dispositifs] existent depuis assez longtemps, un infirmier [ou plusieurs, NDLR] est posté dans le centre 15". A Lyon ou à Bordeaux, "une plateforme téléphonique préexistante s'est ensuite organisée pour s'associer avec le Samu afin de devenir un SAS".

"On va de la présence d'un infirmier seul sur le plateau du Samu, jusqu'à trois, voire quatre répondants, qui peuvent être aussi sur un site excentré par rapport au Samu" comme c'est le cas à Lyon et Bordeaux, complète le directeur de la politique générale du Vinatier, Piero Chierici. "Et tout cela avec des horaires et des jours d'ouverture très variables" (voir le tableau récapitulatif, cf dépêche du 12/12/2024 à 09:45).

De plus, la régulation n'est pas exactement la même partout, relève le Dr Kévin Rossini, psychiatre au CH spécialisé en psychiatrie Charles-Perrens à Bordeaux et responsable de Régul'Psy, le SAS psy de la Gironde. "A Rennes, Paris, ou chez nous à Bordeaux, tous les appels passent de l'assistant de régulation médicale [ARM] au médecin régulateur, lequel choisit d'orienter vers l'infirmier de psychiatre. A Saint-Etienne ou à Lyon, il n'y a pas de passage par le médecin régulateur, l'appel est directement passé par l'ARM."

"Les SAS psy sont des initiatives venues du terrain, là où les terrains étaient mûrs pour le faire", résume Piero Chierici. Ils sont aujourd'hui "soutenus par les pouvoirs publics, avec des financements et une incitation forte des ARS" et "vont progressivement couvrir tout le territoire". Mais, prévient-il, "cela va être plus long, plus compliqué, et dans une logique davantage remontante que descendante" que pour d'autres dispositifs partis du national pour se développer en local, comme le 3114 (cf dépêche du 04/10/2021 à 12:30).

Une première réunion du "club" le 18 octobre dernier

"Au niveau national, personne ne s'est vraiment emparé du sujet. Il n'y a pas eu de volonté, de l'administration centrale notamment, de donner le ton, d'essayer d'homogénéiser [les dispositifs]", remarque le Dr François Ducrocq, responsable des urgences médico-psychologiques au Samu de Lille, qui accueille en son sein depuis août des infirmiers psy dans le cadre du SAS psychiatrique baptisé Prisme.

Alors que les plus vieux dispositifs de régulation psychiatrique ont trois-quatre ans et que les projets fleurissent un peu partout, "cela fait à peu près six mois qu'entre SAS psy, on s'écrit, on se parle, on se coordonne", rapporte Eve Bécache.

Sous l'impulsion notamment des équipes de Lyon, Bordeaux et Lille, une rencontre a été organisée au Vinatier le 18 octobre. "On s'est dit que c'était important de créer ce 'club des SAS', pour créer de l'émulation, du partage sur nos fonctionnements", synthétise Eve Bécache, décrivant cette première réunion comme "une journée de cuisine interne".

Mais l'idée, derrière, "s'il y a lieu, est d'être force de proposition au niveau national, qu'on puisse faire part de notre expérience et de nos besoins", ajoute-t-elle.

"Je pense que tout le monde sera preneur de propositions venant du terrain, surtout si elles sont consensuelles entre les dizaines de SAS qui sont déjà en place", note Piero Chierici. De plus, "c'est très pertinent d'essayer d'identifier quelques bonnes pratiques, quelques points communs, quelques éléments incontournables, pour que les autres ne réinventent pas tout. C'était d'ailleurs la demande des deux ou trois SAS en devenir présents à la réunion du 18 octobre, venus observer ce qui existe déjà".

"La structuration en 'club des SAS' est un début", estime le Dr David Travers, responsable de l'unité de psychiatrie Samu/SAS urgences liaison au CHU de Rennes. Au-delà des "initiatives à droite à gauche, il va être temps de commencer à réfléchir, sinon à une harmonisation, en tout cas à des dispositifs équitables pour la population", considère-t-il.

"Il faut arriver à un système uniforme, modulo bien sûr les particularités territoriales, puisqu'on dépend complètement de l'existence de l'offre d'aval", précise-t-il.

"Cela me fait penser au début des Samu", observe François Ducrocq. "J'ai vu des choses très disparates qui au final, avec le temps, avec les énergies des uns et des autres, grâce aux sociétés savantes aussi, ont fini par s'harmoniser, établir un dénominateur commun."

A noter qu'en septembre, Claire Defives, l'adjointe de la cheffe du bureau santé mentale de la DGOS, avait annoncé le démarrage "en 2025 [d']une réflexion pour homogénéiser les pratiques", évoquant même la possibilité d'"un groupe de travail pour cadrer et voir ce que l'on veut faire de ces SAS psy" (cf dépêche du 20/09/2024 à 18:32)…

Par ailleurs, dans leur tout récent rapport sur les urgences psychiatriques (cf dépêche du 11/12/2024 à 16:23), les députées Nicole Dubré-Chirat (Ensemble pour la République, Maine-et-Loire) et Sandrine Rousseau (Ecologistes, Paris) demandent à "formaliser au niveau national un parcours de prise en charge des urgences psychiatriques, commun à tous les territoires, clair et gradué impliquant la généralisation de la compétence psychiatrique à l'ensemble des SAS", relève-t-on.

vl/nc-ab/APMnews

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