Actualités de l'Urgence - APM
UN PMSP "DE RUPTURE" POUR REPENSER L'OFFRE HOSPITALIÈRE AU SEIN DU GHT DES VOSGES
EPINAL, 19 novembre 2024 (APMnews) - Le projet médico-soignant partagé (PMSP) du groupement hospitalier de territoire (GHT) des Vosges propose une restructuration importante de son offre hospitalière, basée notamment sur une réorganisation de ses plateaux techniques, ont expliqué début novembre à APMnews le directeur général du GHT, Dominique Cheveau, la directrice stratégie, coopération et projets, Hélène Marion, et la présidente de la commission médicale de groupement (PCMG), la Dr Stéphanie Chevalier.
Le point de départ de la construction du PMSP est l'existence de besoins non couverts sur le territoire en raison d'un manque de soignants, a expliqué Dominique Cheveau, par ailleurs directeur du centre hospitalier (CH) d'Epinal, établissement support du GHT.
"On est plutôt pas mal sur les paramédicaux" en médecine, chirurgie et obstétrique (MCO), avec "seulement 3% de postes vacants", mais au niveau médical, "il faudrait doubler l'effectif présent si on voulait faire tourner tous les plateaux techniques tels qu'ils sont autorisés aujourd'hui", a-t-il estimé.
Selon le document de présentation du PMSP, en 2023, il manquait 40% de médecins au CH d'Epinal, 50% au CH de Remiremont, 49% au CH de Neufchâteau et 21% aux Hôpitaux du massif des Vosges, à Saint-Dié.
"On voit bien que l'équation est impossible à tenir", a souligné le directeur général du GHT, reconnaissant néanmoins "un frémissement positif lié à la loi Rist depuis quelques mois".
Conséquence: "40% de notre activité réalisée sur des patients vosgiens part sur Nancy, faute de réponse adaptée sur le territoire des Vosges", a expliqué Hélène Marion. Soit 42.000 séjours sur les 113.000 générés par le bassin.
"On ne récupérera jamais 40% parce qu'il y a de l'activité de recours au CHU, mais il y a bien 20% d'activité supplémentaire que l'on devrait faire sur le territoire des Vosges", a-t-elle jugé.
Du changement aux urgences et en maternité
En réponse, le GHT a mis au point un PMSP "de rupture", construit autour de l'attractivité des professionnels de santé et des besoins des patients.
Le premier chantier porte sur la restructuration "indispensable" des plateaux techniques en maternité, chirurgie, aux urgences et en cardiologie.
"On sait pertinemment que l'on ne pourra pas maintenir tels qu'ils sont aujourd'hui six services d'urgence et quatre plateaux d'accouchement", a résumé Dominique Cheveau.
"Il faut s'organiser pour optimiser les ressources actuelles", a jugé de son côté Stéphanie Chevalier. "On veut que ce PMSP soit d'envergure pour marquer un grand coup et persuader les usagers, les politiques et tout le monde que l'on ne peut pas avoir tout partout", a-t-elle défendu.
L'objectif est aussi de "renforcer l'intra-GHT" d'Est en Ouest, entre les sillons Toul/Neufchâteau, Epinal/Remiremont et Lunéville/Saint-Dié.
Pour le directeur de l'hôpital spinalien, si les choix définitifs restent à faire, au cours de discussions qui vont être menées dans des groupes de travail thématiques jusqu'en juin 2025, "l'idée serait d'avoir au moins trois services d'accueil des urgences [SAU] et trois antennes d'urgence". Actuellement, le GHT compte cinq SAU.
"L'objectif est d'avoir une stabilité: pas d'ouvrir et de fermer continuellement un service, en changeant les horaires", a ajouté la PCMG, en référence aux fermetures des urgences de Remiremont (cf dépêche du 27/12/2023 à 17:16). "Avec un Smur de nuit, le contrat est clair", a-t-elle observé.
Sur la maternité de Remiremont, où la suspension du service de néonatalogie depuis avril (cf dépêche du 29/04/2024 à 18:20) provoque la colère de l'Association pour la défense, le maintien et l'amélioration de la maternité (Ademat-H), "on a demandé l'arrêt de l'activité de néonatalogie", a expliqué Dominique Cheveau.
"On considère qu'il n'y a pas d'intérêt à avoir une néonatalogie" qui fonctionne pour seulement "12 bébés par an", s'est-il justifié. La direction du GHT a donc demandé un changement de statut de la maternité, pour qu'elle passe d'un niveau 2A à un niveau 1, ce qui reste encore à valider par le conseil de surveillance de l'hôpital et l'agence régionale de santé (ARS) Grand Est.
En revanche, "il faut sacraliser Epinal, qui a une maternité de niveau 2B" et Saint-Dié "compte tenu de son bassin de population et de son isolement" puis les deux autres maternités "en fonction de nos ressources médicales", a-t-il poursuivi.
Bras de fer autour de la cardiologie interventionnelle
En chirurgie, le PMSP penche en faveur du développement d'équipes territoriales, notamment en urologie, en orthopédie-traumatologie, en chirurgie viscérale, en ORL et en ophtalmologie.
"Deux orientations sont possibles: soit on spécialise les sites en fonction des spécialités chirurgicales, soit en fonction du mode de prise en charge", a schématisé le directeur général du GHT. Cette spécialisation des sites et des plateaux techniques est également un moyen de gagner en attractivité, a soutenu Hélène Marion.
La direction du GHT se bat en outre pour avoir une autorisation de cardiologie interventionnelle sur son territoire, qui en est pour l'instant dépourvu.
"En cardiologie interventionnelle, on est la zone blanche la plus importante de France", a déploré Dominique Cheveau, regrettant l'absence d'autorisation sur un bassin de 360.000 habitants, tandis que Nancy en possède trois, pour 500.000 habitants. "On ne demande pas une quatrième autorisation, mais simplement qu'il y en ait deux à Nancy et une à Epinal", a-t-il mis en exergue.
Un recours contre les objectifs quantifiés de l'offre de soins (Oqos) du projet régional de santé (PRS) qui fixent les implantations d'activité a ainsi été déposé au tribunal administratif par le conseil de surveillance du CH d'Epinal, a-t-il annoncé.
"La difficulté, c'est que sur les trois autorisations nancéennes, deux sont privées et une seulement est portée par le CHU", a constaté Stéphanie Chevalier.
"Une question de survie"
Globalement, le PMSP a été validé par l'ensemble des CME du GHT, mais aussi par l'ensemble des comités des usagers, a mis en avant Dominique Cheveau, vantant un travail mené sur plusieurs mois pour convaincre ces acteurs.
"C'est plutôt incroyable ce qui a été fait sur ce PMSP, c'est totalement contre-culturel", a-t-il décrit. A son arrivée à la tête de l'établissement d'Epinal il y a cinq ans, "il y avait une très forte culture de fiefs".
"On pourrait peut-être trouver ce consensus collectif étonnant […] mais il est lié à une prise de conscience des professionnels de santé de la nécessité de restructurer pour optimiser les ressources, notamment médicales, qui deviennent rares", a commenté Hélène Marion.
Plusieurs projets, qui dépassent le cadre du PMSP, illustrent cette volonté de travailler ensemble au sein du GHT: l'hôpital de Lamarche va fusionner avec le CH de Neufchâteau au 1er janvier, et le conseil de surveillance du CH de Neufchâteau a demandé à être en direction commune avec les hôpitaux d'Epinal et de Remiremont.
Si les CME ont toutes validé le PMSP, le conseil de surveillance de Remiremont s'y est opposé et celui du CH de la Haute Vallée de la Moselle, à Thillot, s'est abstenu. "C'est compliqué pour le conseil de surveillance de Remiremont de valider [ce PMSP], compte tenu de la pression de l'Ademat-H, qui est totalement opposée à ce travail et qui veut maintenir un hôpital complet sur Remiremont", a détaillé Dominique Cheveau.
Par ailleurs, "l'ARS est extrêmement intéressée par ce travail, parce qu'en fin de compte, on fait une proposition conjointe de régulation de l'offre, ce qui est assez original", a-t-il avancé. "Ce n'est pas trop le rôle d'un PMSP, mais pour nous, c'est une question de survie: si on ne va pas là-dedans, ce sont les quatre hôpitaux qui vont petit à petit mourir", a-t-il prévenu.
Les décisions ne sont toutefois pas encore prises. "L'objectif c'est qu'entre mars et juin, les groupes de travail donnent leurs conclusions sur les orientations générales et fassent des propositions sur leur offre et les schémas d'organisation" afin de dresser en début d'été prochain un nouveau "schéma départemental de l'offre hospitalière", a fait valoir le directeur général du GHT vosgien.
Il a néanmoins répété l'urgence de la situation, évoquant les finances "extrêmement mauvaises" du GHT qui comprend "quatre établissements concurrentiels, sans compter la clinique privée spinalienne de la Ligne Bleue, qui font à peu près tous la même chose".
Le déficit global au niveau du GHT serait compris entre 30 et 40 millions d'euros (M€), hors aides ARS, sur un budget d'environ 600 M€.
mg/ab/APMnews
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UN PMSP "DE RUPTURE" POUR REPENSER L'OFFRE HOSPITALIÈRE AU SEIN DU GHT DES VOSGES
EPINAL, 19 novembre 2024 (APMnews) - Le projet médico-soignant partagé (PMSP) du groupement hospitalier de territoire (GHT) des Vosges propose une restructuration importante de son offre hospitalière, basée notamment sur une réorganisation de ses plateaux techniques, ont expliqué début novembre à APMnews le directeur général du GHT, Dominique Cheveau, la directrice stratégie, coopération et projets, Hélène Marion, et la présidente de la commission médicale de groupement (PCMG), la Dr Stéphanie Chevalier.
Le point de départ de la construction du PMSP est l'existence de besoins non couverts sur le territoire en raison d'un manque de soignants, a expliqué Dominique Cheveau, par ailleurs directeur du centre hospitalier (CH) d'Epinal, établissement support du GHT.
"On est plutôt pas mal sur les paramédicaux" en médecine, chirurgie et obstétrique (MCO), avec "seulement 3% de postes vacants", mais au niveau médical, "il faudrait doubler l'effectif présent si on voulait faire tourner tous les plateaux techniques tels qu'ils sont autorisés aujourd'hui", a-t-il estimé.
Selon le document de présentation du PMSP, en 2023, il manquait 40% de médecins au CH d'Epinal, 50% au CH de Remiremont, 49% au CH de Neufchâteau et 21% aux Hôpitaux du massif des Vosges, à Saint-Dié.
"On voit bien que l'équation est impossible à tenir", a souligné le directeur général du GHT, reconnaissant néanmoins "un frémissement positif lié à la loi Rist depuis quelques mois".
Conséquence: "40% de notre activité réalisée sur des patients vosgiens part sur Nancy, faute de réponse adaptée sur le territoire des Vosges", a expliqué Hélène Marion. Soit 42.000 séjours sur les 113.000 générés par le bassin.
"On ne récupérera jamais 40% parce qu'il y a de l'activité de recours au CHU, mais il y a bien 20% d'activité supplémentaire que l'on devrait faire sur le territoire des Vosges", a-t-elle jugé.
Du changement aux urgences et en maternité
En réponse, le GHT a mis au point un PMSP "de rupture", construit autour de l'attractivité des professionnels de santé et des besoins des patients.
Le premier chantier porte sur la restructuration "indispensable" des plateaux techniques en maternité, chirurgie, aux urgences et en cardiologie.
"On sait pertinemment que l'on ne pourra pas maintenir tels qu'ils sont aujourd'hui six services d'urgence et quatre plateaux d'accouchement", a résumé Dominique Cheveau.
"Il faut s'organiser pour optimiser les ressources actuelles", a jugé de son côté Stéphanie Chevalier. "On veut que ce PMSP soit d'envergure pour marquer un grand coup et persuader les usagers, les politiques et tout le monde que l'on ne peut pas avoir tout partout", a-t-elle défendu.
L'objectif est aussi de "renforcer l'intra-GHT" d'Est en Ouest, entre les sillons Toul/Neufchâteau, Epinal/Remiremont et Lunéville/Saint-Dié.
Pour le directeur de l'hôpital spinalien, si les choix définitifs restent à faire, au cours de discussions qui vont être menées dans des groupes de travail thématiques jusqu'en juin 2025, "l'idée serait d'avoir au moins trois services d'accueil des urgences [SAU] et trois antennes d'urgence". Actuellement, le GHT compte cinq SAU.
"L'objectif est d'avoir une stabilité: pas d'ouvrir et de fermer continuellement un service, en changeant les horaires", a ajouté la PCMG, en référence aux fermetures des urgences de Remiremont (cf dépêche du 27/12/2023 à 17:16). "Avec un Smur de nuit, le contrat est clair", a-t-elle observé.
Sur la maternité de Remiremont, où la suspension du service de néonatalogie depuis avril (cf dépêche du 29/04/2024 à 18:20) provoque la colère de l'Association pour la défense, le maintien et l'amélioration de la maternité (Ademat-H), "on a demandé l'arrêt de l'activité de néonatalogie", a expliqué Dominique Cheveau.
"On considère qu'il n'y a pas d'intérêt à avoir une néonatalogie" qui fonctionne pour seulement "12 bébés par an", s'est-il justifié. La direction du GHT a donc demandé un changement de statut de la maternité, pour qu'elle passe d'un niveau 2A à un niveau 1, ce qui reste encore à valider par le conseil de surveillance de l'hôpital et l'agence régionale de santé (ARS) Grand Est.
En revanche, "il faut sacraliser Epinal, qui a une maternité de niveau 2B" et Saint-Dié "compte tenu de son bassin de population et de son isolement" puis les deux autres maternités "en fonction de nos ressources médicales", a-t-il poursuivi.
Bras de fer autour de la cardiologie interventionnelle
En chirurgie, le PMSP penche en faveur du développement d'équipes territoriales, notamment en urologie, en orthopédie-traumatologie, en chirurgie viscérale, en ORL et en ophtalmologie.
"Deux orientations sont possibles: soit on spécialise les sites en fonction des spécialités chirurgicales, soit en fonction du mode de prise en charge", a schématisé le directeur général du GHT. Cette spécialisation des sites et des plateaux techniques est également un moyen de gagner en attractivité, a soutenu Hélène Marion.
La direction du GHT se bat en outre pour avoir une autorisation de cardiologie interventionnelle sur son territoire, qui en est pour l'instant dépourvu.
"En cardiologie interventionnelle, on est la zone blanche la plus importante de France", a déploré Dominique Cheveau, regrettant l'absence d'autorisation sur un bassin de 360.000 habitants, tandis que Nancy en possède trois, pour 500.000 habitants. "On ne demande pas une quatrième autorisation, mais simplement qu'il y en ait deux à Nancy et une à Epinal", a-t-il mis en exergue.
Un recours contre les objectifs quantifiés de l'offre de soins (Oqos) du projet régional de santé (PRS) qui fixent les implantations d'activité a ainsi été déposé au tribunal administratif par le conseil de surveillance du CH d'Epinal, a-t-il annoncé.
"La difficulté, c'est que sur les trois autorisations nancéennes, deux sont privées et une seulement est portée par le CHU", a constaté Stéphanie Chevalier.
"Une question de survie"
Globalement, le PMSP a été validé par l'ensemble des CME du GHT, mais aussi par l'ensemble des comités des usagers, a mis en avant Dominique Cheveau, vantant un travail mené sur plusieurs mois pour convaincre ces acteurs.
"C'est plutôt incroyable ce qui a été fait sur ce PMSP, c'est totalement contre-culturel", a-t-il décrit. A son arrivée à la tête de l'établissement d'Epinal il y a cinq ans, "il y avait une très forte culture de fiefs".
"On pourrait peut-être trouver ce consensus collectif étonnant […] mais il est lié à une prise de conscience des professionnels de santé de la nécessité de restructurer pour optimiser les ressources, notamment médicales, qui deviennent rares", a commenté Hélène Marion.
Plusieurs projets, qui dépassent le cadre du PMSP, illustrent cette volonté de travailler ensemble au sein du GHT: l'hôpital de Lamarche va fusionner avec le CH de Neufchâteau au 1er janvier, et le conseil de surveillance du CH de Neufchâteau a demandé à être en direction commune avec les hôpitaux d'Epinal et de Remiremont.
Si les CME ont toutes validé le PMSP, le conseil de surveillance de Remiremont s'y est opposé et celui du CH de la Haute Vallée de la Moselle, à Thillot, s'est abstenu. "C'est compliqué pour le conseil de surveillance de Remiremont de valider [ce PMSP], compte tenu de la pression de l'Ademat-H, qui est totalement opposée à ce travail et qui veut maintenir un hôpital complet sur Remiremont", a détaillé Dominique Cheveau.
Par ailleurs, "l'ARS est extrêmement intéressée par ce travail, parce qu'en fin de compte, on fait une proposition conjointe de régulation de l'offre, ce qui est assez original", a-t-il avancé. "Ce n'est pas trop le rôle d'un PMSP, mais pour nous, c'est une question de survie: si on ne va pas là-dedans, ce sont les quatre hôpitaux qui vont petit à petit mourir", a-t-il prévenu.
Les décisions ne sont toutefois pas encore prises. "L'objectif c'est qu'entre mars et juin, les groupes de travail donnent leurs conclusions sur les orientations générales et fassent des propositions sur leur offre et les schémas d'organisation" afin de dresser en début d'été prochain un nouveau "schéma départemental de l'offre hospitalière", a fait valoir le directeur général du GHT vosgien.
Il a néanmoins répété l'urgence de la situation, évoquant les finances "extrêmement mauvaises" du GHT qui comprend "quatre établissements concurrentiels, sans compter la clinique privée spinalienne de la Ligne Bleue, qui font à peu près tous la même chose".
Le déficit global au niveau du GHT serait compris entre 30 et 40 millions d'euros (M€), hors aides ARS, sur un budget d'environ 600 M€.
mg/ab/APMnews