Actualités de l'Urgence - APM
RÉVÉLATIONS SUR DES FRAUDES AUX TABLEAUX DE GARDE DE SAMU, DES "MESURES PRISES" PAR L'AP-HP
L'AP-HP "ne cautionne aucune pratique qui serait contraire à la loi, aux règlements ou à l'éthique. C'est bien pour cette raison que des enquêtes internes sont systématiquement diligentées et des mesures prises si des faits sont confirmés", a répondu l'institution.
Selon un article publié mercredi dans Le Canard enchaîné (cf dépêche du 18/09/2024 à 10:40), "l'histoire a commencé à l'été 2023", quand il aurait été "demandé" au Pr Frédéric Adnet, qui prenait la suite du Pr Pierre Carli à la tête du Samu de Paris, de se pencher notamment sur "la répartition insincère du temps additionnel" des urgentistes.
Le Canard enchaîné explique qu'il a été reproché à des médecins "de s'inscrire au tableau de garde même lorsqu'ils ne bossent pas et de bénéficier, en conséquence, de récup' et de salaires auxquels ils n'ont pas droit".
Le même article rapporte que dans la Seine-Saint-Denis, où le Pr Adnet était précédemment chef du service Samu-Smur et des urgences, deux médecins du Smur pédiatrique auraient "saisi le tribunal administratif de Montreuil en février" 2023, affirmant "que de nombreuses heures de travail ne leur ont pas été payées, car imputées à leurs confrères". Selon l'hebdomadaire, les plaignantes "réclament respectivement 373.746,59 et 303.630,66 euros au titre des réparations".
Le Canard enchaîné écrit avoir eu connaissance d'un rapport d'une "mission d'inspection", remis d'après ses informations "le 18 juin à la direction de l'AP-HP". "On y apprend que des urgentistes bidouillent le tableau de présence", selon l'article.
Le journal décrit des "arrangements" permettant à des médecins de concentrer leur travail sur quelques jours (l'un s'inscrit comme présent alors qu'il ne l'est pas, autorisant un collègue à enchaîner les gardes sans repos, avant que celui-ci ne rende la pareille au premier), afin de "libérer des plages horaires pour leurs activités annexes".
Selon l'hebdomadaire, "au moins quatre toubibs exerçaient auprès d'autres employeurs sans avoir déclaré leur situation à l'AP-HP". Ce qui aurait permis à certains de toucher l'indemnité de service public exclusif tout en exerçant dans le même temps dans le privé.
Interrogé par Le Canard enchaîné, Frédéric Valletoux, ministre délégué démissionnaire de la santé et de la prévention, a soulevé un "enjeu de sécurité pour les patients" lié au cumul d'heures de travail ainsi effectuées. L'article révèle d'ailleurs une note interne datée du 16 juillet, déplorant que "le non-respect du repos de sécurité obligatoire consécutif à toute durée de travail supérieure à 24 heures a mis potentiellement en insécurité les patients pris en charge par le Smur pédiatrique 93".
Dans sa réponse à APMnews, l'AP-HP relate que, "faisant suite à plusieurs alertes, la direction de l'hôpital Necker, qui gère administrativement le Samu 75, a procédé à des vérifications concernant le respect des règles relatives au temps de travail médical, à la déclaration du temps, au repos de sécurité et aux dépenses de permanence des soins du Samu de Paris". Ces vérifications "ont porté sur les exercices 2022 et 2023".
Ces dernières "ont conduit à régulariser la situation d'un des professionnels du Samu de Paris par un rappel de sommes considérées comme indûment perçues à ce titre, ces sommes ont été remboursées", selon l'AP-HP. Le Canard enchaîné fait état de "plusieurs milliers d'euros" ainsi réclamés, somme jugée "ridicule, eu égard à la triche", selon un urgentiste cité anonymement par l'hebdomadaire.
"Aucune nouvelle situation de cette nature n'a depuis été signalée", assure à APMnews l'AP-HP. "Par ailleurs, un rappel des règles relatives au décompte du temps de travail a été fait, en tenant compte des spécificités de l'activité du Samu."
"Un très petit nombre de professionnels"
L'AP-HP ajoute que "les pratiques en question étaient concentrées sur un très petit nombre de professionnels" et qu'"un seul cas est avéré et a fait l'objet de ce recouvrement".
S'agissant des cas révélés au Smur pédiatrique de Seine-Saint-Denis à Montreuil, "à la suite de signalements reçus par le siège de l'AP-HP, une enquête a été diligentée au sein" de ce Smur.
"Elle est en cours de finalisation. Sur le fondement du rapport définitif, si des mesures doivent être prises, elles le seront", affirme l'institution.
Sollicité par APMnews, Pierre Carli n'avait pas encore donné suite mercredi en fin d'après-midi.
Frédéric Adnet, joint mercredi, a renvoyé vers la direction de l'AP-HP.
Interrogé sur Franceinfo, le Pr Rémi Salomon, président de la commission médicale d'établissement (CME) de l'AP-HP, chef du service de néphrologie pédiatrique de l'hôpital Necker-Enfants malades, a répondu ne pas connaître "précisément" les cas évoqués. "C'est évidemment inacceptable, répréhensible, il faut mettre de l'ordre là-dedans", a-t-il poursuivi.
Contacté, Christophe Prudhomme, urgentiste à l'hôpital Avicenne (AP-HP, Bobigny) et représentant de la CGT santé et action sociale, a confirmé "un certain nombre de dérives".
"Au Samu de Paris, il y a eu une concentration sur quelques individus de rémunérations additionnelles avec des services non faits, pour des sommes très conséquentes", "bien supérieures à ce qui a été demandé de rembourser", a-t-il affirmé.
Mais "il faut différencier ce qui est dans l'intérêt individuel de quelques personnes, comme au Samu de Paris, qui n'ont pas fait le travail et ont touché l'argent, d'arrangements qui permettaient d'offrir une sur-rémunération" à des praticiens "qui n'ont pas fait le travail pour lequel ils étaient inscrits sur la liste, mais ont fait du travail", a-t-il considéré. Il faut donc, selon lui, distinguer les cas "d'enrichissement personnel" des cumuls d'activité.
"Il y a des dérives qui sont liées au fait qu'il faut assurer la continuité du service public", a estimé Christophe Prudhomme, interrogeant à la fois la chaîne des responsabilités dans le contrôle des rémunérations additionnelles et "un problème systémique" généré par le manque d'attractivité et l'insuffisante reconnaissance de la pénibilité de certaines disciplines.
Les dérives découlant d'"arrangements" doivent "se retrouver dans 60% des hôpitaux, et pas seulement dans les Samu, pour toutes les gardes et astreintes", a-t-il estimé.
"Il faut dénoncer les dérives", mais il faut pour cela "dénoncer le problème systémique et que l'on y trouve une réponse", a-t-il jugé.
mlb-gl/ab/APMnews
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RÉVÉLATIONS SUR DES FRAUDES AUX TABLEAUX DE GARDE DE SAMU, DES "MESURES PRISES" PAR L'AP-HP
L'AP-HP "ne cautionne aucune pratique qui serait contraire à la loi, aux règlements ou à l'éthique. C'est bien pour cette raison que des enquêtes internes sont systématiquement diligentées et des mesures prises si des faits sont confirmés", a répondu l'institution.
Selon un article publié mercredi dans Le Canard enchaîné (cf dépêche du 18/09/2024 à 10:40), "l'histoire a commencé à l'été 2023", quand il aurait été "demandé" au Pr Frédéric Adnet, qui prenait la suite du Pr Pierre Carli à la tête du Samu de Paris, de se pencher notamment sur "la répartition insincère du temps additionnel" des urgentistes.
Le Canard enchaîné explique qu'il a été reproché à des médecins "de s'inscrire au tableau de garde même lorsqu'ils ne bossent pas et de bénéficier, en conséquence, de récup' et de salaires auxquels ils n'ont pas droit".
Le même article rapporte que dans la Seine-Saint-Denis, où le Pr Adnet était précédemment chef du service Samu-Smur et des urgences, deux médecins du Smur pédiatrique auraient "saisi le tribunal administratif de Montreuil en février" 2023, affirmant "que de nombreuses heures de travail ne leur ont pas été payées, car imputées à leurs confrères". Selon l'hebdomadaire, les plaignantes "réclament respectivement 373.746,59 et 303.630,66 euros au titre des réparations".
Le Canard enchaîné écrit avoir eu connaissance d'un rapport d'une "mission d'inspection", remis d'après ses informations "le 18 juin à la direction de l'AP-HP". "On y apprend que des urgentistes bidouillent le tableau de présence", selon l'article.
Le journal décrit des "arrangements" permettant à des médecins de concentrer leur travail sur quelques jours (l'un s'inscrit comme présent alors qu'il ne l'est pas, autorisant un collègue à enchaîner les gardes sans repos, avant que celui-ci ne rende la pareille au premier), afin de "libérer des plages horaires pour leurs activités annexes".
Selon l'hebdomadaire, "au moins quatre toubibs exerçaient auprès d'autres employeurs sans avoir déclaré leur situation à l'AP-HP". Ce qui aurait permis à certains de toucher l'indemnité de service public exclusif tout en exerçant dans le même temps dans le privé.
Interrogé par Le Canard enchaîné, Frédéric Valletoux, ministre délégué démissionnaire de la santé et de la prévention, a soulevé un "enjeu de sécurité pour les patients" lié au cumul d'heures de travail ainsi effectuées. L'article révèle d'ailleurs une note interne datée du 16 juillet, déplorant que "le non-respect du repos de sécurité obligatoire consécutif à toute durée de travail supérieure à 24 heures a mis potentiellement en insécurité les patients pris en charge par le Smur pédiatrique 93".
Dans sa réponse à APMnews, l'AP-HP relate que, "faisant suite à plusieurs alertes, la direction de l'hôpital Necker, qui gère administrativement le Samu 75, a procédé à des vérifications concernant le respect des règles relatives au temps de travail médical, à la déclaration du temps, au repos de sécurité et aux dépenses de permanence des soins du Samu de Paris". Ces vérifications "ont porté sur les exercices 2022 et 2023".
Ces dernières "ont conduit à régulariser la situation d'un des professionnels du Samu de Paris par un rappel de sommes considérées comme indûment perçues à ce titre, ces sommes ont été remboursées", selon l'AP-HP. Le Canard enchaîné fait état de "plusieurs milliers d'euros" ainsi réclamés, somme jugée "ridicule, eu égard à la triche", selon un urgentiste cité anonymement par l'hebdomadaire.
"Aucune nouvelle situation de cette nature n'a depuis été signalée", assure à APMnews l'AP-HP. "Par ailleurs, un rappel des règles relatives au décompte du temps de travail a été fait, en tenant compte des spécificités de l'activité du Samu."
"Un très petit nombre de professionnels"
L'AP-HP ajoute que "les pratiques en question étaient concentrées sur un très petit nombre de professionnels" et qu'"un seul cas est avéré et a fait l'objet de ce recouvrement".
S'agissant des cas révélés au Smur pédiatrique de Seine-Saint-Denis à Montreuil, "à la suite de signalements reçus par le siège de l'AP-HP, une enquête a été diligentée au sein" de ce Smur.
"Elle est en cours de finalisation. Sur le fondement du rapport définitif, si des mesures doivent être prises, elles le seront", affirme l'institution.
Sollicité par APMnews, Pierre Carli n'avait pas encore donné suite mercredi en fin d'après-midi.
Frédéric Adnet, joint mercredi, a renvoyé vers la direction de l'AP-HP.
Interrogé sur Franceinfo, le Pr Rémi Salomon, président de la commission médicale d'établissement (CME) de l'AP-HP, chef du service de néphrologie pédiatrique de l'hôpital Necker-Enfants malades, a répondu ne pas connaître "précisément" les cas évoqués. "C'est évidemment inacceptable, répréhensible, il faut mettre de l'ordre là-dedans", a-t-il poursuivi.
Contacté, Christophe Prudhomme, urgentiste à l'hôpital Avicenne (AP-HP, Bobigny) et représentant de la CGT santé et action sociale, a confirmé "un certain nombre de dérives".
"Au Samu de Paris, il y a eu une concentration sur quelques individus de rémunérations additionnelles avec des services non faits, pour des sommes très conséquentes", "bien supérieures à ce qui a été demandé de rembourser", a-t-il affirmé.
Mais "il faut différencier ce qui est dans l'intérêt individuel de quelques personnes, comme au Samu de Paris, qui n'ont pas fait le travail et ont touché l'argent, d'arrangements qui permettaient d'offrir une sur-rémunération" à des praticiens "qui n'ont pas fait le travail pour lequel ils étaient inscrits sur la liste, mais ont fait du travail", a-t-il considéré. Il faut donc, selon lui, distinguer les cas "d'enrichissement personnel" des cumuls d'activité.
"Il y a des dérives qui sont liées au fait qu'il faut assurer la continuité du service public", a estimé Christophe Prudhomme, interrogeant à la fois la chaîne des responsabilités dans le contrôle des rémunérations additionnelles et "un problème systémique" généré par le manque d'attractivité et l'insuffisante reconnaissance de la pénibilité de certaines disciplines.
Les dérives découlant d'"arrangements" doivent "se retrouver dans 60% des hôpitaux, et pas seulement dans les Samu, pour toutes les gardes et astreintes", a-t-il estimé.
"Il faut dénoncer les dérives", mais il faut pour cela "dénoncer le problème systémique et que l'on y trouve une réponse", a-t-il jugé.
mlb-gl/ab/APMnews