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02/12 2024
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PSYCHIATRIE: CONSOLIDER "LES BASES" QUE SONT CMP ET SECTEUR, ET PARTAGER LA PERMANENCE DES SOINS AVEC LE PRIVÉ (SANDRINE ROUSSEAU)

(Par Valérie LESPEZ, au Congrès français de la psychiatrie)

RENNES, 2 décembre 2024 (APMnews) - Il faut consolider "les bases" de la psychiatrie publique que sont les centres médico-psychologiques (CMP) et le secteur, et que le privé mette, lui aussi, la main à la pâte de la permanence des soins, a préconisé la députée écologiste de Paris, Sandrine Rousseau, dévoilant quelques conclusions de la mission d'information qu'elle corapporte, lors d'une session du Congrès français de psychiatrie, organisé à Rennes et en ligne la semaine dernière.

Les députées Sandrine Rousseau et Nicole Dubré-Chirat (Renaissance, Maine-et-Loire) ont commencé à plancher sur les urgences psychiatriques en janvier, à l'initiative de la première, dans le cadre d'une mission d'information de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale (cf dépêche du 17/01/2024 à 11:47).

En mars, elles avaient partagé avec APMnews leurs premières observations (cf dépêche du 08/03/2024 à 16:40).

Elles devaient rendre leur rapport mi-juin, mais la dissolution de l'Assemblée nationale est passée par là, a rappelé Sandrine Rousseau vendredi, annonçant, en "touch[ant] du bois" vu le contexte (cf dépêche du 28/11/2024 à 15:21), que le rapport sera publié "le 10 décembre".

Sandrine Rousseau au CFP 2024 - Photo: Valérie Lespez
Sandrine Rousseau au CFP 2024 - Photo: Valérie Lespez

La députée a délivré, face à un public attentif et réceptif, quelques-unes des conclusions de ce travail, soulignant que la mission portait sur les urgences car "cela permet d'entrer sur les questions d'amont et d'aval".

Dans le rapport, qui peut être amendé par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, a-t-elle rappelé, "nous disons qu'il y a des difficultés réelles pour la psychiatrie adulte, et un effondrement de la pédopsychiatrie." "Il faut poser ces mots-là d'entrée pour dire à quel point il y a besoin, en face, d'un sursaut, et d'un sursaut qui ne soit pas que organisationnel, mais d'un véritable sursaut de soutien à la psychiatrie", a-t-elle asséné.

"Sur la pédopsychiatrie, il y a des chiffres absolument effray[ants]", a-t-elle émis, citant que "pour les filles de 10 à 19 ans, le taux d'hospitalisation pour des troubles psychiatriques a augmenté de 570% entre 2016 et aujourd'hui". "C'est un chiffre de santé publique qui devrait alarmer la société, ce qui n'est pas le cas", a-t-elle commenté. De même, "un million de personnes de 12 à 25 ans prend des psychotropes. C'est +20% en quatre ans".

Côté adultes, s'"il n'y a pas d'augmentation de l'hospitalisation de même ampleur", "il y a des chiffres inquiétants", comme une hausse de 50% des passages aux urgences pour addiction et intoxication entre 2022 et 2023. "Les taux de traitement pour addiction augmentent à peu près de 15% chaque année", a-t-elle rapporté.

"L'éléphant au milieu du couloir"

Face à "ce besoin de santé publique évident" qualifié d'"éléphant au milieu du couloir", "le système de soins est en grande difficulté", a synthétisé Sandrine Rousseau.

Elle s'est alarmée de la démographie médicale et de la pyramide des âges, notamment en pédopsychiatrie, qui va aboutir à "une difficulté majeure dans les 10 prochaines années". Elle a observé parallèlement que le nombre de psychologues "a presque doublé en 10 ans", mais qu'ils sont "assez peu en appui du service public". Au passage, elle s'est déclarée "partagée" sur Mon soutien psy (cf dépêche du 08/10/2024 à 15:11). "Nous en avons entendu beaucoup de mal de la part des soignants, voire des psychologues eux-mêmes, et vraiment beaucoup de bien de la part des patients..."

Elle a indiqué par ailleurs que sa corapporteure Nicole Dubré-Chirat pariait beaucoup sur les infirmiers de pratique avancée (IPA).

En tout cas, déjà, la démographie médicale "a des conséquences pour les patients, puisque on a constaté un peu partout en France -et dans les régions où il y a moins de psychiatres, c'est encore plus vrai- que trop souvent, la crise est le moment où on entre dans le système psychiatrique".

"Le corollaire, c'est que l'urgence devient le pivot du tout, ce qui est complètement à contre-courant de ce qu'il conviendrait de faire", s'est-elle désolée.

Sans surprise, la députée s'est inquiétée des difficultés d'accès aux CMP, avec des délais d'attente "en moyenne sur le territoire de deux à quatre mois pour l'adulte, de huit à 12 mois pour l'adolescent et l'enfant". "Douze mois pour un adolescent... Autant dire que c'est quasiment le priver de soins et le conduire à une perte de chance", a-t-elle commenté.

Elle a également dit un mot concernant "la contention et des soins sans consentement qui augmentent". "Il y a des médecins de ville, particulièrement dans les départements ruraux, qui nous ont dit recourir à l'hospitalisation sous contrainte pour permettre à leurs patients d'avoir un accès aux soins !"

Enfin, Sandrine Rousseau s'est déclarée soucieuse pour deux publics en particulier, "les personnes âgées qui sont [...] mal ciblées par l'organisation actuelle" et les enfants. Elle a "poussé un cri d'alerte" sur la situation de l'éducation nationale, où "il manque un médecin scolaire sur deux", où "les psychologues ont été réorientés vers l'orientation professionnelle", ce qui laisse peu de temps pour la prise en compte de la santé mentale, sans parler de la "situation cataclysmique" de l'aide sociale à l'enfance (ASE), et des difficultés d'accès aux soins des "mineurs isolés [MNA]".

"Une stratégie à assumer entre virage ambulatoire et hospitalisation"

La députée s'est ensuite attelée à décrire "des solutions", prévenant qu'"il n'y en a pas de miraculeuses".

Il faut, a-t-elle ainsi insisté, "la consolidation des briques de base que sont les CMP et le secteur, aujourd'hui largement fragilisés".

"Il y a quand même une décision à prendre, une stratégie à assumer, entre virage ambulatoire et hospitalisation", a-t-elle émis. Il y a moins de lits et "il y a beaucoup d'équipes mobiles ou de prises en charge ambulatoires, qui relèvent de réponses à des appels à projets. Elles sont intéressantes parce qu'elles ciblent une population en particulier, mais souvent peinent, même quand elles sont efficaces, à être généralisées", a-t-elle avancé. "A la fin, on a plein de petites touches, de pépites, mais qui complexifient l'offre de soins", a-t-elle assuré, regrettant ainsi "une absence de cohérence et de lisibilité".

La députée appelle ainsi à "une stratégie nationale sur les équipes mobiles, parce qu'il y a besoin d'une forme de rationalisation".

Sandrine Rousseau s'est par ailleurs étonnée de la baisse de 9.000 lits depuis 2008 dans les hôpitaux publics... et, dans le même temps, de la hausse de 3.000 lits dans le privé, pointant "une différenciation très nette entre la gravité des cas accueillis dans le public et le privé", et notant donc "un glissement vers le privé, mais pas avec les mêmes soins ni les mêmes pathologies".

De plus, "aujourd'hui, la permanence des soins est quasiment exclusivement assurée par le public", alors que, parallèlement, "la psychiatrie est la spécialité médicale qui rapporte le plus au secteur privé lucratif, avec des taux de marge de 9%, quand le résultat net est de moins de 4% pour la chirurgie", a-t-elle observé. "Cela pose quand même question, compte tenu de ce qu'on voit dans le public."

"La répartition des pathologies et des charges [...] est un sujet", a-t-elle insisté.

"Nous préconisons le partage de la permanence des soins. Pour moi, c'est impossible de continuer à ce que le public, seul, prenne tout en en charge", a-t-elle avancé.

"Un sursaut pour la formation"

Sandrine Rousseau s'est fortement inquiétée de "la dégradation conséquente des conditions de travail" dans le public. "On a vu vraiment des situations de souffrance au travail extrêmement importante. [...] On a entendu des personnels infirmiers nous dire qu'ils préféraient des organisations en 12h parce que, comme ça, ils sont moins présents à l'hôpital et ont vraiment du temps pour eux... C'est une manière de fuir le milieu hospitalier, ce qui quand même est un sujet."

"On a vu des cas de violences", a-t-elle également rapporté.

"Il y a aussi une violence institutionnelle. J'ai vu des psychiatres en grande souffrance qui n'arrivaient pas à répondre à la demande. Il y a une perte de sens au travail", s'est-elle désolée, soulignant que "c'est un facteur de fuite du [secteur] public".

"L'hôpital public en psychiatrie tient grâce davantage à un militantisme du service public des personnes qui y sont, que par un soutien structurel et organisationnel à l'activité de psychiatrie.", a-t-elle alerté.

Dans le rapport est demandé un audit des conditions de travail, a-t-elle précisé.

Par ailleurs, il faut "un sursaut sur la formation des médecins généralistes, des infirmiers et des autres spécialités", a-t-elle sollicité, prenant les exemples des médecins généralistes dont 30% de la patientèle souffre de troubles et qui sont souvent démunis, et de ces "enfants sujets à des pathologies psychiatriques dans des services de pédiatrie", lesquels "ne sont ni organisés ni dimensionnés pour accueillir, par exemple, des enfants suicidants".

Un plan équivalent au plan cancer

Plus généralement, "Nicole Dubré-Chirat et moi pensons qu'il faut un IHU [institut hospitalo-universitaire] de la psychiatrie, et un plan équivalent au plan cancer", a synthétisé Sandrine Rousseau.

Il faut "une consolidation" et "une articulation" entre l'organisation des soins, la recherche et les innovations, ces deux derniers aspects devant venir "en appui du parcours de soins", a-t-elle détaillé.

"C'est une révolution à faire, qui se fera par une organisation du parcours de soins, par un soutien financier aux personnels et aux structures, par la réouverture de lits. Cela se fera aussi par une déstigmatisation profonde des troubles de santé mentale, psychiques et psychiatriques dans la population", a souligné Sandrine Rousseau.

"Je sais que la santé mentale, ce n'est pas la psychiatrie, mais à force de ne pas regarder la santé mentale, nous compliquons la situation dans la psychiatrie", a-t-elle aussi estimé. Et à l'inverse, "nous alertons dans le rapport, et nous allons alerter Michel Barnier lui-même [le premier ministre] car nous sommes en train d'organiser une rencontre avec lui sur ce sujet" de la grande cause nationale 2025 sur la santé mentale (cf dépêche du 22/09/2024 à 21:52), pour savoir "ce qu'il y a pour la psychiatrie" (cf dépêche du 25/09/2024 à 16:44, dépêche du 11/10/2024 à 15:07).

vl/jyp/APMnews

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PSYCHIATRIE: CONSOLIDER "LES BASES" QUE SONT CMP ET SECTEUR, ET PARTAGER LA PERMANENCE DES SOINS AVEC LE PRIVÉ (SANDRINE ROUSSEAU)

(Par Valérie LESPEZ, au Congrès français de la psychiatrie)

RENNES, 2 décembre 2024 (APMnews) - Il faut consolider "les bases" de la psychiatrie publique que sont les centres médico-psychologiques (CMP) et le secteur, et que le privé mette, lui aussi, la main à la pâte de la permanence des soins, a préconisé la députée écologiste de Paris, Sandrine Rousseau, dévoilant quelques conclusions de la mission d'information qu'elle corapporte, lors d'une session du Congrès français de psychiatrie, organisé à Rennes et en ligne la semaine dernière.

Les députées Sandrine Rousseau et Nicole Dubré-Chirat (Renaissance, Maine-et-Loire) ont commencé à plancher sur les urgences psychiatriques en janvier, à l'initiative de la première, dans le cadre d'une mission d'information de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale (cf dépêche du 17/01/2024 à 11:47).

En mars, elles avaient partagé avec APMnews leurs premières observations (cf dépêche du 08/03/2024 à 16:40).

Elles devaient rendre leur rapport mi-juin, mais la dissolution de l'Assemblée nationale est passée par là, a rappelé Sandrine Rousseau vendredi, annonçant, en "touch[ant] du bois" vu le contexte (cf dépêche du 28/11/2024 à 15:21), que le rapport sera publié "le 10 décembre".

Sandrine Rousseau au CFP 2024 - Photo: Valérie Lespez
Sandrine Rousseau au CFP 2024 - Photo: Valérie Lespez

La députée a délivré, face à un public attentif et réceptif, quelques-unes des conclusions de ce travail, soulignant que la mission portait sur les urgences car "cela permet d'entrer sur les questions d'amont et d'aval".

Dans le rapport, qui peut être amendé par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, a-t-elle rappelé, "nous disons qu'il y a des difficultés réelles pour la psychiatrie adulte, et un effondrement de la pédopsychiatrie." "Il faut poser ces mots-là d'entrée pour dire à quel point il y a besoin, en face, d'un sursaut, et d'un sursaut qui ne soit pas que organisationnel, mais d'un véritable sursaut de soutien à la psychiatrie", a-t-elle asséné.

"Sur la pédopsychiatrie, il y a des chiffres absolument effray[ants]", a-t-elle émis, citant que "pour les filles de 10 à 19 ans, le taux d'hospitalisation pour des troubles psychiatriques a augmenté de 570% entre 2016 et aujourd'hui". "C'est un chiffre de santé publique qui devrait alarmer la société, ce qui n'est pas le cas", a-t-elle commenté. De même, "un million de personnes de 12 à 25 ans prend des psychotropes. C'est +20% en quatre ans".

Côté adultes, s'"il n'y a pas d'augmentation de l'hospitalisation de même ampleur", "il y a des chiffres inquiétants", comme une hausse de 50% des passages aux urgences pour addiction et intoxication entre 2022 et 2023. "Les taux de traitement pour addiction augmentent à peu près de 15% chaque année", a-t-elle rapporté.

"L'éléphant au milieu du couloir"

Face à "ce besoin de santé publique évident" qualifié d'"éléphant au milieu du couloir", "le système de soins est en grande difficulté", a synthétisé Sandrine Rousseau.

Elle s'est alarmée de la démographie médicale et de la pyramide des âges, notamment en pédopsychiatrie, qui va aboutir à "une difficulté majeure dans les 10 prochaines années". Elle a observé parallèlement que le nombre de psychologues "a presque doublé en 10 ans", mais qu'ils sont "assez peu en appui du service public". Au passage, elle s'est déclarée "partagée" sur Mon soutien psy (cf dépêche du 08/10/2024 à 15:11). "Nous en avons entendu beaucoup de mal de la part des soignants, voire des psychologues eux-mêmes, et vraiment beaucoup de bien de la part des patients..."

Elle a indiqué par ailleurs que sa corapporteure Nicole Dubré-Chirat pariait beaucoup sur les infirmiers de pratique avancée (IPA).

En tout cas, déjà, la démographie médicale "a des conséquences pour les patients, puisque on a constaté un peu partout en France -et dans les régions où il y a moins de psychiatres, c'est encore plus vrai- que trop souvent, la crise est le moment où on entre dans le système psychiatrique".

"Le corollaire, c'est que l'urgence devient le pivot du tout, ce qui est complètement à contre-courant de ce qu'il conviendrait de faire", s'est-elle désolée.

Sans surprise, la députée s'est inquiétée des difficultés d'accès aux CMP, avec des délais d'attente "en moyenne sur le territoire de deux à quatre mois pour l'adulte, de huit à 12 mois pour l'adolescent et l'enfant". "Douze mois pour un adolescent... Autant dire que c'est quasiment le priver de soins et le conduire à une perte de chance", a-t-elle commenté.

Elle a également dit un mot concernant "la contention et des soins sans consentement qui augmentent". "Il y a des médecins de ville, particulièrement dans les départements ruraux, qui nous ont dit recourir à l'hospitalisation sous contrainte pour permettre à leurs patients d'avoir un accès aux soins !"

Enfin, Sandrine Rousseau s'est déclarée soucieuse pour deux publics en particulier, "les personnes âgées qui sont [...] mal ciblées par l'organisation actuelle" et les enfants. Elle a "poussé un cri d'alerte" sur la situation de l'éducation nationale, où "il manque un médecin scolaire sur deux", où "les psychologues ont été réorientés vers l'orientation professionnelle", ce qui laisse peu de temps pour la prise en compte de la santé mentale, sans parler de la "situation cataclysmique" de l'aide sociale à l'enfance (ASE), et des difficultés d'accès aux soins des "mineurs isolés [MNA]".

"Une stratégie à assumer entre virage ambulatoire et hospitalisation"

La députée s'est ensuite attelée à décrire "des solutions", prévenant qu'"il n'y en a pas de miraculeuses".

Il faut, a-t-elle ainsi insisté, "la consolidation des briques de base que sont les CMP et le secteur, aujourd'hui largement fragilisés".

"Il y a quand même une décision à prendre, une stratégie à assumer, entre virage ambulatoire et hospitalisation", a-t-elle émis. Il y a moins de lits et "il y a beaucoup d'équipes mobiles ou de prises en charge ambulatoires, qui relèvent de réponses à des appels à projets. Elles sont intéressantes parce qu'elles ciblent une population en particulier, mais souvent peinent, même quand elles sont efficaces, à être généralisées", a-t-elle avancé. "A la fin, on a plein de petites touches, de pépites, mais qui complexifient l'offre de soins", a-t-elle assuré, regrettant ainsi "une absence de cohérence et de lisibilité".

La députée appelle ainsi à "une stratégie nationale sur les équipes mobiles, parce qu'il y a besoin d'une forme de rationalisation".

Sandrine Rousseau s'est par ailleurs étonnée de la baisse de 9.000 lits depuis 2008 dans les hôpitaux publics... et, dans le même temps, de la hausse de 3.000 lits dans le privé, pointant "une différenciation très nette entre la gravité des cas accueillis dans le public et le privé", et notant donc "un glissement vers le privé, mais pas avec les mêmes soins ni les mêmes pathologies".

De plus, "aujourd'hui, la permanence des soins est quasiment exclusivement assurée par le public", alors que, parallèlement, "la psychiatrie est la spécialité médicale qui rapporte le plus au secteur privé lucratif, avec des taux de marge de 9%, quand le résultat net est de moins de 4% pour la chirurgie", a-t-elle observé. "Cela pose quand même question, compte tenu de ce qu'on voit dans le public."

"La répartition des pathologies et des charges [...] est un sujet", a-t-elle insisté.

"Nous préconisons le partage de la permanence des soins. Pour moi, c'est impossible de continuer à ce que le public, seul, prenne tout en en charge", a-t-elle avancé.

"Un sursaut pour la formation"

Sandrine Rousseau s'est fortement inquiétée de "la dégradation conséquente des conditions de travail" dans le public. "On a vu vraiment des situations de souffrance au travail extrêmement importante. [...] On a entendu des personnels infirmiers nous dire qu'ils préféraient des organisations en 12h parce que, comme ça, ils sont moins présents à l'hôpital et ont vraiment du temps pour eux... C'est une manière de fuir le milieu hospitalier, ce qui quand même est un sujet."

"On a vu des cas de violences", a-t-elle également rapporté.

"Il y a aussi une violence institutionnelle. J'ai vu des psychiatres en grande souffrance qui n'arrivaient pas à répondre à la demande. Il y a une perte de sens au travail", s'est-elle désolée, soulignant que "c'est un facteur de fuite du [secteur] public".

"L'hôpital public en psychiatrie tient grâce davantage à un militantisme du service public des personnes qui y sont, que par un soutien structurel et organisationnel à l'activité de psychiatrie.", a-t-elle alerté.

Dans le rapport est demandé un audit des conditions de travail, a-t-elle précisé.

Par ailleurs, il faut "un sursaut sur la formation des médecins généralistes, des infirmiers et des autres spécialités", a-t-elle sollicité, prenant les exemples des médecins généralistes dont 30% de la patientèle souffre de troubles et qui sont souvent démunis, et de ces "enfants sujets à des pathologies psychiatriques dans des services de pédiatrie", lesquels "ne sont ni organisés ni dimensionnés pour accueillir, par exemple, des enfants suicidants".

Un plan équivalent au plan cancer

Plus généralement, "Nicole Dubré-Chirat et moi pensons qu'il faut un IHU [institut hospitalo-universitaire] de la psychiatrie, et un plan équivalent au plan cancer", a synthétisé Sandrine Rousseau.

Il faut "une consolidation" et "une articulation" entre l'organisation des soins, la recherche et les innovations, ces deux derniers aspects devant venir "en appui du parcours de soins", a-t-elle détaillé.

"C'est une révolution à faire, qui se fera par une organisation du parcours de soins, par un soutien financier aux personnels et aux structures, par la réouverture de lits. Cela se fera aussi par une déstigmatisation profonde des troubles de santé mentale, psychiques et psychiatriques dans la population", a souligné Sandrine Rousseau.

"Je sais que la santé mentale, ce n'est pas la psychiatrie, mais à force de ne pas regarder la santé mentale, nous compliquons la situation dans la psychiatrie", a-t-elle aussi estimé. Et à l'inverse, "nous alertons dans le rapport, et nous allons alerter Michel Barnier lui-même [le premier ministre] car nous sommes en train d'organiser une rencontre avec lui sur ce sujet" de la grande cause nationale 2025 sur la santé mentale (cf dépêche du 22/09/2024 à 21:52), pour savoir "ce qu'il y a pour la psychiatrie" (cf dépêche du 25/09/2024 à 16:44, dépêche du 11/10/2024 à 15:07).

vl/jyp/APMnews

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