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26/10 2015
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PROCÈS BONNEMAISON: DEUX ANS DE PRISON AVEC SURSIS POUR L'EX-URGENTISTE

(Par Pierre MARTIN, à la cour d'assises d'Angers)

ANGERS, 26 octobre 2015 (APM) - Nicolas Bonnemaison a été reconnu coupable, samedi en appel par la cour d'assises d'Angers, pour avoir volontairement donné la mort à l'une de ses patients, sur les sept cas suspects à l'issue de l'enquête, et a été condamné à deux ans de prison avec sursis.

Ancien responsable de l'unité d'hospitalisation de courte durée (UHCD) du centre hospitalier (CH) de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), Nicolas Bonnemaison était accusé d'avoir empoisonné sept patients en fin de vie entre mars 2010 et juillet 2011. Son procès en première instance, à Pau, avait abouti à son acquittement, rappelle-t-on

Le procès en appel a débuté le lundi 12 octobre par l'interrogatoire de personnalité de l'ancien médecin, puis, le mardi 13 octobre, par le détail de ses souvenirs et de sa position quant aux faits qui lui étaient reprochés.

Plusieurs personnalités du monde de la santé ont ensuite partagé leurs expertises et leurs convictions, parmi lesquels le Pr Régis Aubry, ancien président de l'Observatoire national de la fin de vie (ONFV), et Michèle Delaunay, députée PS de la Gironde, ancienne ministre déléguée aux personnes âgées et à l'autonomie et ancienne cancérologue.

Les dernières plaidoiries se sont tenues vendredi, à l'issue de deux semaines d'audience. Après l'intervention des parties civiles, l'avocat général avait requis cinq ans de prison avec sursis, soit la même peine qu'en première instance, tandis que la défense en avait appelé au "courage" des jurés pour prononcer l'acquittement.

PERPLEXITE GENERALE

Il était environ 16h30 samedi, quand la cour a rendu son verdict, après un peu plus de six heures de délibéré. Quelques minutes plus tôt, la salle d'audience, très agitée, s'était faite moins bruyante à l'arrivée de Nicolas Bonnemaison dans le box des accusés. Lorsque la sonnerie annonçant l'arrivée de la cour a retenti, le silence est devenu total.

La présidente d'audience, Anne Leprieur, a alors rendu un verdict lapidaire. Les jurés ont répondu "oui" aux deux questions relatives au cas de Françoise Iramuno, a-t-elle annoncé, et non aux 12 autres, portant sur les cas des six autres patients. Pierre Iramuno, fils de la défunte, et sa femme s'était constitué partie civile, rappelle-t-on, aux côtés d'Yves Geffroy, lui aussi fils d'un patient décédé.

Les 14 questions se répartissaient en deux interrogations pour chacun des sept défunts. La première portait sur l'intentionnalité de la part de Nicolas Bonnemaison de donner la mort; la seconde devait établir ou non la circonstance aggravante de la vulnérabilité de la victime présumée.

A l'annonce de sa sentence, deux ans de prison avec sursis, le médecin est resté impassible. L'accusé encourait la réclusion criminelle à perpétuité, note-t-on. A l'inverse de la première instance, où des cris de joie et des applaudissements avaient accueillis l'annonce d'acquittement, la salle est restée muette, samedi.

Une fois l'audience levée, seul Pierre Iramuno a laissé s'échapper des larmes, au milieu du public, des journalistes, mais aussi des avocats, tous visiblement perplexes à l'annonce de ce jugement.

"LA MEDECINE, C'EST MA VIE"

Dans la matinée, Nicolas Bonnemaison avait été appelé à dire un dernier mot de défense avant que les jurés ne se retirent pour délibérer. "Je voudrais juste terminer en vous disant que la médecine, c'est ma vie", a-t-il lentement articulé, une pointe d'émotion dans la voix. "Les patients sont ma vie, et ils me manquent."

L'ancien médecin a ensuite évoqué cette patiente de l'UHCD, qu'il avait admise pour un traumatisme crânien le 10 août 2011, alors qu'il était interpellé par les forces de l'ordre. "Je n'ai pas oublié cette dame, et j'espère que ce ne sera pas la dernière" patiente, a-t-il souhaité. Achevant sa courte prise de parole, il a assuré à la cour, comme il l'avait fait en première instance, avoir "agi en médecin" auprès de ces sept patients.

Le praticien a été radié de l'ordre des médecins en janvier 2013, décision confirmée en avril 2014 et devenue définitive en décembre 2014 après le rejet d'un pourvoi par le Conseil d'Etat, rappelle-t-on.

QUATRE CONSTATS RETENUES PAR LES JURES

Françoise Iramuno est décédée le 6 avril 2011. Transférée depuis les urgences de Saint-Jean-de-Luz, elle présentait une hémorragie cérébrale, et le neurochirurgien du CH de Bayonne avait jugé impossible de l'opérer. Nicolas Bonnemaison a expliqué au cours de son procès avoir administré de son seul chef de l'Hypnovel* (midazolam, Roche), substance qu'une infirmière a rapporté l'avoir vu prendre dans la pharmacie du service.

Peu de temps après que le médecin ait quitté la chambre, le scope de Françoise Iramuno retentissait pour signaler son décès. Questionné par l'infirmière sur la brutalité des événements, Nicolas Bonnemaison lui aurait simplement répondu: "Elle a dû ressaigner", avant de s'isoler dans son bureau.

L'ancien médecin s'est excusé en première instance de ne pas avoir, à l'époque, rencontré la famille, affirmant qu'il était absent de l'UHCD lorsqu'elle s'est présentée. Il a aussi dit regretter avoir parié avec un aide-soignant un gâteau au chocolat sur le jour auquel le décès se produirait, arguant qu'il s'agissait de lui montrer que son état, apparemment stable, se dégradait en réalité.

Après lecture des motivations ayant poussé les jurés à condamner Nicolas Bonnemaison sur le cas de Françoise Iramuno, les avocats de la partie civile et de la défense ont rapporté que quatre constats y étaient principalement évoqués. Le premier porte sur la survenue rapide du décès après l'entrée de l'ancien médecin dans la chambre. Le deuxième s'appuie sur la concordance des témoignages des témoins oculaires, tandis que le troisième relève l'absence d'information et de communication de la part de l'ancien médecin, que ce soit à destination des soignants ou de la famille, ainsi que l'absence de mention écrite dans le dossier médical. Les jurés sembleraient enfin avoir retenu contre Nicolas Bonnemaison son pari avec l'aide-soignant.

Contrairement à deux autres cas, il n'y avait pas, pour Françoise Iramuno, de suspicion sur l'usage d'un curare (Norcuron*, bromure de vécuronium, MSD), note-t-on.

NICOLAS BONNEMAISON EST "SOULAGE"

Les avocats des parties civiles et de la défense se sont exprimés à la fin de l'audience, devant une forêt de micros et de caméras postés sur les marches de la salle d'audience.

Me Valérie Garmandia et Me Bernard-Franck Macéra ont fait part de leur soulagement, ainsi que celui de leurs clients, les époux Iramuno. Ils ont estimé que l'ancien médecin avait pu agir par "compassion", mais que ce sentiment est "parfois simultané avec une intention d'homicide". Evoquant "une peine clémente", Me Macéra a reconnu dans cette affaire la condamnation d'un "empoisonneur pas comme les autres".

"Nous acceptons" le jugement, ont assuré de leurs côtés les avocats de Nicolas Bonnemaison. Il "a bien agi en médecin, même si, pour un cas, on peut toujours se poser la question", a analysé Me Arnaud Dupin. Son collègue, Me Benoit Ducos-Ader, a quant à lui anticipé des réactions de la part du corps médical, l'Hypnovel* utilisé par Nicolas Bonnemaison dans le cas de Françoise Iramuno étant un produit "reconnu pour la fin de vie".

"On a voulu sauver l'institution judiciaire et peut-être un peu l''establishment' ordinal, c'est un peu pitoyable", a-t-il finalement lâché.

Escorté par un essaim de journalistes, sous les hourras et applaudissements de ses soutiens, Nicolas Bonnemaison a quitté le palais de justice d'Angers le bras autour du cou de Julie Bonnemaison, sa femme. Sollicité de toute part, il n'a laissé s'échapper qu'un seul mot: "Soulagé".

pm/vl/APM polsan

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(Par Pierre MARTIN, à la cour d'assises d'Angers)

ANGERS, 26 octobre 2015 (APM) - Nicolas Bonnemaison a été reconnu coupable, samedi en appel par la cour d'assises d'Angers, pour avoir volontairement donné la mort à l'une de ses patients, sur les sept cas suspects à l'issue de l'enquête, et a été condamné à deux ans de prison avec sursis.

Ancien responsable de l'unité d'hospitalisation de courte durée (UHCD) du centre hospitalier (CH) de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), Nicolas Bonnemaison était accusé d'avoir empoisonné sept patients en fin de vie entre mars 2010 et juillet 2011. Son procès en première instance, à Pau, avait abouti à son acquittement, rappelle-t-on

Le procès en appel a débuté le lundi 12 octobre par l'interrogatoire de personnalité de l'ancien médecin, puis, le mardi 13 octobre, par le détail de ses souvenirs et de sa position quant aux faits qui lui étaient reprochés.

Plusieurs personnalités du monde de la santé ont ensuite partagé leurs expertises et leurs convictions, parmi lesquels le Pr Régis Aubry, ancien président de l'Observatoire national de la fin de vie (ONFV), et Michèle Delaunay, députée PS de la Gironde, ancienne ministre déléguée aux personnes âgées et à l'autonomie et ancienne cancérologue.

Les dernières plaidoiries se sont tenues vendredi, à l'issue de deux semaines d'audience. Après l'intervention des parties civiles, l'avocat général avait requis cinq ans de prison avec sursis, soit la même peine qu'en première instance, tandis que la défense en avait appelé au "courage" des jurés pour prononcer l'acquittement.

PERPLEXITE GENERALE

Il était environ 16h30 samedi, quand la cour a rendu son verdict, après un peu plus de six heures de délibéré. Quelques minutes plus tôt, la salle d'audience, très agitée, s'était faite moins bruyante à l'arrivée de Nicolas Bonnemaison dans le box des accusés. Lorsque la sonnerie annonçant l'arrivée de la cour a retenti, le silence est devenu total.

La présidente d'audience, Anne Leprieur, a alors rendu un verdict lapidaire. Les jurés ont répondu "oui" aux deux questions relatives au cas de Françoise Iramuno, a-t-elle annoncé, et non aux 12 autres, portant sur les cas des six autres patients. Pierre Iramuno, fils de la défunte, et sa femme s'était constitué partie civile, rappelle-t-on, aux côtés d'Yves Geffroy, lui aussi fils d'un patient décédé.

Les 14 questions se répartissaient en deux interrogations pour chacun des sept défunts. La première portait sur l'intentionnalité de la part de Nicolas Bonnemaison de donner la mort; la seconde devait établir ou non la circonstance aggravante de la vulnérabilité de la victime présumée.

A l'annonce de sa sentence, deux ans de prison avec sursis, le médecin est resté impassible. L'accusé encourait la réclusion criminelle à perpétuité, note-t-on. A l'inverse de la première instance, où des cris de joie et des applaudissements avaient accueillis l'annonce d'acquittement, la salle est restée muette, samedi.

Une fois l'audience levée, seul Pierre Iramuno a laissé s'échapper des larmes, au milieu du public, des journalistes, mais aussi des avocats, tous visiblement perplexes à l'annonce de ce jugement.

"LA MEDECINE, C'EST MA VIE"

Dans la matinée, Nicolas Bonnemaison avait été appelé à dire un dernier mot de défense avant que les jurés ne se retirent pour délibérer. "Je voudrais juste terminer en vous disant que la médecine, c'est ma vie", a-t-il lentement articulé, une pointe d'émotion dans la voix. "Les patients sont ma vie, et ils me manquent."

L'ancien médecin a ensuite évoqué cette patiente de l'UHCD, qu'il avait admise pour un traumatisme crânien le 10 août 2011, alors qu'il était interpellé par les forces de l'ordre. "Je n'ai pas oublié cette dame, et j'espère que ce ne sera pas la dernière" patiente, a-t-il souhaité. Achevant sa courte prise de parole, il a assuré à la cour, comme il l'avait fait en première instance, avoir "agi en médecin" auprès de ces sept patients.

Le praticien a été radié de l'ordre des médecins en janvier 2013, décision confirmée en avril 2014 et devenue définitive en décembre 2014 après le rejet d'un pourvoi par le Conseil d'Etat, rappelle-t-on.

QUATRE CONSTATS RETENUES PAR LES JURES

Françoise Iramuno est décédée le 6 avril 2011. Transférée depuis les urgences de Saint-Jean-de-Luz, elle présentait une hémorragie cérébrale, et le neurochirurgien du CH de Bayonne avait jugé impossible de l'opérer. Nicolas Bonnemaison a expliqué au cours de son procès avoir administré de son seul chef de l'Hypnovel* (midazolam, Roche), substance qu'une infirmière a rapporté l'avoir vu prendre dans la pharmacie du service.

Peu de temps après que le médecin ait quitté la chambre, le scope de Françoise Iramuno retentissait pour signaler son décès. Questionné par l'infirmière sur la brutalité des événements, Nicolas Bonnemaison lui aurait simplement répondu: "Elle a dû ressaigner", avant de s'isoler dans son bureau.

L'ancien médecin s'est excusé en première instance de ne pas avoir, à l'époque, rencontré la famille, affirmant qu'il était absent de l'UHCD lorsqu'elle s'est présentée. Il a aussi dit regretter avoir parié avec un aide-soignant un gâteau au chocolat sur le jour auquel le décès se produirait, arguant qu'il s'agissait de lui montrer que son état, apparemment stable, se dégradait en réalité.

Après lecture des motivations ayant poussé les jurés à condamner Nicolas Bonnemaison sur le cas de Françoise Iramuno, les avocats de la partie civile et de la défense ont rapporté que quatre constats y étaient principalement évoqués. Le premier porte sur la survenue rapide du décès après l'entrée de l'ancien médecin dans la chambre. Le deuxième s'appuie sur la concordance des témoignages des témoins oculaires, tandis que le troisième relève l'absence d'information et de communication de la part de l'ancien médecin, que ce soit à destination des soignants ou de la famille, ainsi que l'absence de mention écrite dans le dossier médical. Les jurés sembleraient enfin avoir retenu contre Nicolas Bonnemaison son pari avec l'aide-soignant.

Contrairement à deux autres cas, il n'y avait pas, pour Françoise Iramuno, de suspicion sur l'usage d'un curare (Norcuron*, bromure de vécuronium, MSD), note-t-on.

NICOLAS BONNEMAISON EST "SOULAGE"

Les avocats des parties civiles et de la défense se sont exprimés à la fin de l'audience, devant une forêt de micros et de caméras postés sur les marches de la salle d'audience.

Me Valérie Garmandia et Me Bernard-Franck Macéra ont fait part de leur soulagement, ainsi que celui de leurs clients, les époux Iramuno. Ils ont estimé que l'ancien médecin avait pu agir par "compassion", mais que ce sentiment est "parfois simultané avec une intention d'homicide". Evoquant "une peine clémente", Me Macéra a reconnu dans cette affaire la condamnation d'un "empoisonneur pas comme les autres".

"Nous acceptons" le jugement, ont assuré de leurs côtés les avocats de Nicolas Bonnemaison. Il "a bien agi en médecin, même si, pour un cas, on peut toujours se poser la question", a analysé Me Arnaud Dupin. Son collègue, Me Benoit Ducos-Ader, a quant à lui anticipé des réactions de la part du corps médical, l'Hypnovel* utilisé par Nicolas Bonnemaison dans le cas de Françoise Iramuno étant un produit "reconnu pour la fin de vie".

"On a voulu sauver l'institution judiciaire et peut-être un peu l''establishment' ordinal, c'est un peu pitoyable", a-t-il finalement lâché.

Escorté par un essaim de journalistes, sous les hourras et applaudissements de ses soutiens, Nicolas Bonnemaison a quitté le palais de justice d'Angers le bras autour du cou de Julie Bonnemaison, sa femme. Sollicité de toute part, il n'a laissé s'échapper qu'un seul mot: "Soulagé".

pm/vl/APM polsan

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