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24/03 2025
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PAS DE CORRÉLATION ENTRE L'ACCESSIBILITÉ DE L'OFFRE DE SOINS DE VILLE ET LES RECOURS FRÉQUENTS AUX URGENCES

(Par Geoffroy LANG)

TROYES, 24 mars 2025 (APMnews) - Le recours fréquent aux urgences hospitalières n'est pas lié à la densité de l'offre de soins de ville, selon les premiers résultats d'une étude du pôle territorial santé publique et performance des Hôpitaux Champagne Sud (Troyes) menée avec l'agence régionale de santé (ARS) Grand Est.

Cette étude observationnelle menée à partir du système national des données de santé (SDNS) entre 2017 et 2021 sur 94.504.158 passages aux urgences a été conduite dans le cadre d'une commande de la direction générale de l'offre de soins (DGOS) à l'ARS Grand Est pour développer un outil de cartographie des usagers fréquents des urgences (UFU) afin de permettre un pilotage à l'échelle territoriale.

Les UFU sont caractérisés par deux définitions dans la littérature scientifique: trois passages ou plus aux urgences au cours d'une période de 12 mois, ou cinq passages ou plus sur une période analogue, a expliqué le docteur Dr Stéphane Sanchez, responsable de l'unité de recherche clinique et recherche en soins du CH de Troyes, joint lundi par APMnews.

"Il n'y a pas d'étude pour mettre en regard la densité médicale d'un territoire et le nombre d'UFU, donc le premier objectif était de décrire les facteurs associés au fait d'être UFU sur une période donnée [2017-2021]", a-t-il exposé. Le second objectif était de déterminer ce qui pouvait être associé à la croissance du nombre d'UFU sur un territoire.

L'étude s'est notamment attachée à scruter les caractéristiques potentiellement associées à la probabilité d'un recours fréquent aux urgences, en intégrant notamment deux indicateurs composites dans les analyses:

  • l'indice socio-économique du lieu de résidence ou "French Deprivation Index" (FDEP, traduit par "indice français de désavantage social")
  • l'accessibilité potentielle localisée (APL).

Le premier, le FDEP, développé en 2009 par une équipe française, mesure le facteur de désavantage social en agglomérant quatre variables à l'échelle de chaque code postal français: la proportion de bacheliers sur la commune, la proportion d'ouvriers, le revenu médian et le taux de chômage.

Il est "souvent corrélé" à des consommations de soins et à des taux d'hospitalisation plus élevés, note le Dr Sanchez.

Le second, l'APL, un indicateur développé par l'Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes) et la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), vise à affiner la mesure de la densité de l'offre de soins sur un territoire pour permettre "de déterminer plus précisément l'adéquation entre l'offre de soins et la demande".

"C'est un indicateur moins fruste que la densité médicale, par exemple sur la volumétrie d'activité des médecins, qui n'ont pas tous la même densité de consultations", a développé Stéphane Sanchez. "Pour chaque professionnel de santé, on regarde son nombre de consultations et de visites. Le cas échéant, c'est converti en ETP [équivalents temps plein]".

"Ce qui permet, derrière, d'avoir un indicateur de plus ou moins bonne disponibilité de l'offre de soins sur une commune, au regard de ce qui est réellement consommé en soins et de son accessibilité géographique réelle", a-t-il complété.

Des résultats contre-intuitifs sur l'adéquation entre offre et demande de soins

Les premiers résultats de l'étude UFU, dans l'attente de la finalisation d'analyses secondaires, notamment sur les personnes âgées, et d'une publication scientifique, ont fait apparaître plusieurs constats à rebours de certains préconçus: un nombre élevé d'UFU en Ile-de-France ou un nombre d'UFU qui décroît sur le temps de l'étude.

"On n'est pas sur un phénomène qui explose", note le responsable de l'unité de recherche clinique et recherche en soins du CH de Troyes.

Il apparaît également que les UFU vivent en moyenne "un petit peu plus près" d'un service d'urgence que la moyenne de l'ensemble des usagers.

L'usage fréquent des urgences hospitalières semble également constituer un "comportement lié au milieu social": "On retrouve plus d'UFU dans le quintil qui est plus défavorisé socialement, et avec des dépenses de ville plus élevées."

Si seulement 5% des territoires étudiés (à l'échelle des établissements publics de coopération intercommunale, EPCI) présentent une hausse des UFU sur la période, cette hausse est plus marquée dans le nord de la France.

L'étude fait affleurer une variation en fonction du genre des usagers, avec "un effet plutôt associé au sexe féminin", tandis que l'âge constitue également un déterminant avec des UFU plus nombreux chez les patients de moins de 2 ans ou de plus de 75 ans.

En revanche, l'étude tend à démontrer qu'il n'existe pas de lien entre l'évolution du pourcentage d'UFU et la densité de l'offre de soins sur un territoire (caractérisée par l'évolution de l'APL).

"Cela veut dire que dans nos modèles, l'offre de soins n'est pas nécessairement corrélée à la quantité d'usagers fréquents sur un territoire", a souligné le Dr Sanchez, en notant que ces conclusions rejoignaient l'approche du dispositif d'accompagnement pour les utilisateurs multiples des urgences (Daum), lancé en novembre 2022 à Nancy.

Ce dispositif, soutenu par le CHU de Nancy et le dispositif d'appui à la coordination de Meurthe-et-Moselle (DAC 54), s'est attaché à identifier les UFU du service d'urgence du CHU pour leur proposer des parcours de soins plus adaptés à leurs besoins (cf dépêche du 22/02/2024 à 18:06).

"Quelque part, cela conforte l'intérêt d'une approche individuelle dans le cadre d'interventions spécifiques pour accompagner ces UFU, probablement des gens qui ne trouvent pas de réponses adaptées entre la ville et l'hôpital", a observé le Dr Sanchez. "Des dispositifs d'accompagnement individuels sont la solution pour les usagers fréquents des urgences, plus que la densité médicale", a-t-il ajouté.

gl/lb/APMnews

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(Par Geoffroy LANG)

TROYES, 24 mars 2025 (APMnews) - Le recours fréquent aux urgences hospitalières n'est pas lié à la densité de l'offre de soins de ville, selon les premiers résultats d'une étude du pôle territorial santé publique et performance des Hôpitaux Champagne Sud (Troyes) menée avec l'agence régionale de santé (ARS) Grand Est.

Cette étude observationnelle menée à partir du système national des données de santé (SDNS) entre 2017 et 2021 sur 94.504.158 passages aux urgences a été conduite dans le cadre d'une commande de la direction générale de l'offre de soins (DGOS) à l'ARS Grand Est pour développer un outil de cartographie des usagers fréquents des urgences (UFU) afin de permettre un pilotage à l'échelle territoriale.

Les UFU sont caractérisés par deux définitions dans la littérature scientifique: trois passages ou plus aux urgences au cours d'une période de 12 mois, ou cinq passages ou plus sur une période analogue, a expliqué le docteur Dr Stéphane Sanchez, responsable de l'unité de recherche clinique et recherche en soins du CH de Troyes, joint lundi par APMnews.

"Il n'y a pas d'étude pour mettre en regard la densité médicale d'un territoire et le nombre d'UFU, donc le premier objectif était de décrire les facteurs associés au fait d'être UFU sur une période donnée [2017-2021]", a-t-il exposé. Le second objectif était de déterminer ce qui pouvait être associé à la croissance du nombre d'UFU sur un territoire.

L'étude s'est notamment attachée à scruter les caractéristiques potentiellement associées à la probabilité d'un recours fréquent aux urgences, en intégrant notamment deux indicateurs composites dans les analyses:

  • l'indice socio-économique du lieu de résidence ou "French Deprivation Index" (FDEP, traduit par "indice français de désavantage social")
  • l'accessibilité potentielle localisée (APL).

Le premier, le FDEP, développé en 2009 par une équipe française, mesure le facteur de désavantage social en agglomérant quatre variables à l'échelle de chaque code postal français: la proportion de bacheliers sur la commune, la proportion d'ouvriers, le revenu médian et le taux de chômage.

Il est "souvent corrélé" à des consommations de soins et à des taux d'hospitalisation plus élevés, note le Dr Sanchez.

Le second, l'APL, un indicateur développé par l'Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes) et la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), vise à affiner la mesure de la densité de l'offre de soins sur un territoire pour permettre "de déterminer plus précisément l'adéquation entre l'offre de soins et la demande".

"C'est un indicateur moins fruste que la densité médicale, par exemple sur la volumétrie d'activité des médecins, qui n'ont pas tous la même densité de consultations", a développé Stéphane Sanchez. "Pour chaque professionnel de santé, on regarde son nombre de consultations et de visites. Le cas échéant, c'est converti en ETP [équivalents temps plein]".

"Ce qui permet, derrière, d'avoir un indicateur de plus ou moins bonne disponibilité de l'offre de soins sur une commune, au regard de ce qui est réellement consommé en soins et de son accessibilité géographique réelle", a-t-il complété.

Des résultats contre-intuitifs sur l'adéquation entre offre et demande de soins

Les premiers résultats de l'étude UFU, dans l'attente de la finalisation d'analyses secondaires, notamment sur les personnes âgées, et d'une publication scientifique, ont fait apparaître plusieurs constats à rebours de certains préconçus: un nombre élevé d'UFU en Ile-de-France ou un nombre d'UFU qui décroît sur le temps de l'étude.

"On n'est pas sur un phénomène qui explose", note le responsable de l'unité de recherche clinique et recherche en soins du CH de Troyes.

Il apparaît également que les UFU vivent en moyenne "un petit peu plus près" d'un service d'urgence que la moyenne de l'ensemble des usagers.

L'usage fréquent des urgences hospitalières semble également constituer un "comportement lié au milieu social": "On retrouve plus d'UFU dans le quintil qui est plus défavorisé socialement, et avec des dépenses de ville plus élevées."

Si seulement 5% des territoires étudiés (à l'échelle des établissements publics de coopération intercommunale, EPCI) présentent une hausse des UFU sur la période, cette hausse est plus marquée dans le nord de la France.

L'étude fait affleurer une variation en fonction du genre des usagers, avec "un effet plutôt associé au sexe féminin", tandis que l'âge constitue également un déterminant avec des UFU plus nombreux chez les patients de moins de 2 ans ou de plus de 75 ans.

En revanche, l'étude tend à démontrer qu'il n'existe pas de lien entre l'évolution du pourcentage d'UFU et la densité de l'offre de soins sur un territoire (caractérisée par l'évolution de l'APL).

"Cela veut dire que dans nos modèles, l'offre de soins n'est pas nécessairement corrélée à la quantité d'usagers fréquents sur un territoire", a souligné le Dr Sanchez, en notant que ces conclusions rejoignaient l'approche du dispositif d'accompagnement pour les utilisateurs multiples des urgences (Daum), lancé en novembre 2022 à Nancy.

Ce dispositif, soutenu par le CHU de Nancy et le dispositif d'appui à la coordination de Meurthe-et-Moselle (DAC 54), s'est attaché à identifier les UFU du service d'urgence du CHU pour leur proposer des parcours de soins plus adaptés à leurs besoins (cf dépêche du 22/02/2024 à 18:06).

"Quelque part, cela conforte l'intérêt d'une approche individuelle dans le cadre d'interventions spécifiques pour accompagner ces UFU, probablement des gens qui ne trouvent pas de réponses adaptées entre la ville et l'hôpital", a observé le Dr Sanchez. "Des dispositifs d'accompagnement individuels sont la solution pour les usagers fréquents des urgences, plus que la densité médicale", a-t-il ajouté.

gl/lb/APMnews