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21/01 2025
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L'INSTITUT PASTEUR LANCE UN PLAN STRATÉGIQUE SUR CINQ ANS POUR SE PRÉPARER À FAIRE FACE AUX NOUVELLES MENACES INFECTIEUSES

PARIS, 21 janvier 2025 (APMnews) - La nouvelle directrice générale de l'Institut Pasteur de Paris a présenté mardi lors d'une conférence de presse le plan stratégique "Pasteur 2030" élaboré par l'institut, qui a pour objectif de maintenir sa position de premier plan dans la recherche sur les maladies infectieuses et se préparer à faire face aux nouvelles menaces infectieuses que la mondialisation et l'évolution climatique font émerger.

Yasmine Belkaid, arrivée il y a un an à la tête de ce prestigieux institut de recherche vieux de 140 ans, ambitionne de "renforcer [son] rôle de premier institut au monde dans la recherche sur le vivant, contre les maladies infectieuses et pour la santé des populations".

On est actuellement dans un "moment très complexe pour la science, notamment les maladies infectieuses", a-t-elle noté, citant successivement la décision du nouveau président américain, Donald Trump, de se retirer de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) (cf dépêche du 21/01/2025 à 11:51), mettant à mal la lutte contre les maladies infectieuses dans le monde, la baisse des investissements dans la recherche de nombreux gouvernements et notamment en France, la difficulté à communiquer à la population les messages scientifiques dans un contexte de perte de confiance.

Parallèlement, au niveau scientifique, elle a évoqué le changement climatique qui conduit à l'émergence de nouveaux pathogènes, la montée de la résistance aux antimicrobiens, l'augmentation des cancers et des maladies inflammatoires qui peuvent être liés à des agents infectieux.

Face à ces défis, l'Institut Pasteur "a un rôle à jouer". Il a l'avantage d'être une fondation, de droit privé, indépendante, qui peut plus facilement que les organismes de recherche publics être "agile" et réorienter ses priorités de recherche de façon rapide en fonction des besoins. Par ailleurs, le fait de concentrer sur un campus unique de nombreux chercheurs, de différentes disciplines, est un atout pour la nécessaire "transdisciplinarité" permettant de faire émerger des évolutions scientifiques majeures.

Enfin, Yasmine Belkaid a rappelé que l'institut s'inscrit dans un réseau de plus de 30 instituts Pasteur dans le monde, présents sur les cinq continents et en particulier en Afrique, et également dans un réseau scientifique international de centres de recherche.

Quatre grandes priorités scientifiques

Le plan "Pasteur 2030" définit quatre grandes priorités scientifiques:

  • Menaces infectieuses: lutter contre les maladies infectieuses et la résistance aux antibiotiques et autres agents antimicrobiens
  • Transitions environnementales et santé: comprendre l'impact des changements climatiques et des transitions écologiques sur la santé et les maladies
  • Genèse des maladies: étudier les mécanismes sous-jacents des maladies non transmissibles et de l'inflammation
  • Santé et maladie aux âges extrêmes de la vie: explorer la physiologie et les réponses immunitaires aux stades clés de la vie, notamment ceux du développement précoce (en se concentrant sur la relation mère-enfant) et du vieillissement.

Etaient présents lors de cette conférence de presse deux responsables d'unités de l'Institut Pasteur, choisis pour leurs compétences scientifiques reconnues mais aussi parce que leurs travaux représentent, selon la directrice générale, deux axes de recherche particulièrement importants pour l'avenir.

Anna-Bella Failloux, responsable de l'unité Arbovirus et insectes vecteurs, a souligné l'importance du travail sur ces insectes qui transmettent des maladies infectieuses car, avec le réchauffement climatique, ceux-ci se multiplient de plus en plus dans des régions autrefois épargnées. Alors que, parmi d'autres, les risques liés aux virus Zika ou chikungunya augmentent, elle a mentionné à titre d'exemple l'arrivée probable à terme du virus oropouche qui a "émergé en Amérique du Sud et d'ores et déjà est détecté dans les Caraïbes".

Pour étudier ces insectes vecteurs et les maladies qu'ils véhiculent et lutter contre leur propagation, un bâtiment est en cours de construction sur le site de l'Institut Pasteur qui regroupera des équipes travaillant sur ce sujet: le Centre de recherche sur les infections, le climat et l'environnement (ICE). Il bénéficiera notamment d'un laboratoire P3 doté d'un microscope spécial et d'un "insectorium" et devrait ouvrir ses portes dans "deux ans et demi".

Gérard Eberl, responsable de l'unité micro-environnement et immunité, s'intéresse quant à lui aux maladies auto-immunes et aux conséquences inflammatoires des infections. Il a rappelé que le système immunitaire est en permanence, dès la grossesse, en contact avec des micro-organismes, y compris certains qui ont un effet positif. Il a également souligné les liens avec les neurosciences, le "mental" jouant un "rôle clé" mais encore insuffisamment connu dans les défenses immunitaires. Ces multiples interactions -également avec la génétique- doivent être mieux comprises pour prévenir les effets à long terme des infections.

Dix projets phares

Dix projets phares sont cités dans le plan à cinq ans. Parmi les projets scientifiques, outre l'ICE, il s'agit en particulier du Centre de recherche en vaccinologie et sur les immunothérapies (CVI). "Ce projet s'inscrit dans les initiatives publiques européennes et nationales visant à coordonner les acteurs de la recherche fondamentale, clinique et translationnelle investis dans ce domaine, en particulier le programme France Vaccin impulsé par l'Etat français", a précisé Yasmine Belkaid.

Sans dire à ce stade quels projets seront développés (cela dépendra notamment des chercheurs que l'institut accueillera), elle a indiqué que ce centre (dans des locaux actuels) mettra en place plusieurs plateformes permettant de développer différents types de vaccins, en fonction des agents pathogènes et des organes infectés.

Par ailleurs, l'Institut Pasteur a rejoint l'initiative "Amplifying Funds in Infection Biology" de l'European Molecular Biology Laboratory (EMBL; centre de recherche financé par l'Union européenne) pour notamment une meilleure compréhension des interactions hôtes-pathogènes. Il a aussi lancé l'Initiative Pasteur de préparation aux pandémies (P3I) pour "renforcer la réactivité" face à de futures pandémies, "améliorer l'intelligence épidémique" grâce en particulier aux 19 centres de référence localisés à Pasteur, et apporter un soutien à l'international avec une "Outbreak Investigation Task Force".

Il y aura également un programme de recherche "mère-enfant" visant à examiner le rôle du microbiome dans le développement neurologique et la maturation du système immunitaire, ainsi que les conséquences sanitaires à long terme du sevrage et des infections au début de la vie. L'institut prévoit aussi la création d'un Centre de découverte et de développement de médicaments (C3D), avec une plateforme de chimie biomédicale, "prévue pour 2026".

Un partenariat a été noué avec l'Institut Imagine et l'Institut Curie pour favoriser les avancées technologiques transformatrices: le programme TOTEM, qui "promeut la recherche interdisciplinaire et les projets impliquant différentes équipes des trois instituts". De plus, l'Institut Pasteur participe à deux instituts hospitalo-universitaires (IHU): InovAND sur les troubles neurodéveloppementaux de l'enfant et reConnect sur le dépistage et la prise en charge des troubles de l'audition et de la parole.

Enfin, à côté des projets scientifiques, dans une volonté de communication vers le grand public pour "renouer avec la société", il y aura une rénovation du musée de l'Institut Pasteur et le lancement d'un programme d'éveil à la science.

Des nouvelles sources de financement à rechercher

Interrogée sur les financements dont dispose l'Institut Pasteur, la directrice générale a indiqué que les moyens, qui sont autour de 300 millions d'euros par an, viennent pour 29,9% de la générosité du public, pour 24,4% de produits et ressources propres, pour 19,5% de contrats de recherche (notamment européens), pour 17,4% de subventions publiques (ce qui ne prend pas en compte les chercheurs des organismes de recherche publics qui travaillent sur le site de Pasteur, NDLR) et pour 8,8% de revenus industriels.

La situation a évolué par rapport à une époque où les financements du ministère de la recherche représentaient jusqu'à 40% du budget, a-t-elle noté. De plus, au vu des difficultés budgétaires actuelles de la France, il y a un risque que ces financements diminuent encore. Par ailleurs, les revenus industriels tendent à diminuer.

Il y a donc un travail important de recherche de nouvelles sources de financement, ce qui passe notamment par une augmentation des partenariats au niveau européen et par un appel à la philanthropie non plus seulement en France mais aussi au niveau international.

fb/ab/APMnews

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PARIS, 21 janvier 2025 (APMnews) - La nouvelle directrice générale de l'Institut Pasteur de Paris a présenté mardi lors d'une conférence de presse le plan stratégique "Pasteur 2030" élaboré par l'institut, qui a pour objectif de maintenir sa position de premier plan dans la recherche sur les maladies infectieuses et se préparer à faire face aux nouvelles menaces infectieuses que la mondialisation et l'évolution climatique font émerger.

Yasmine Belkaid, arrivée il y a un an à la tête de ce prestigieux institut de recherche vieux de 140 ans, ambitionne de "renforcer [son] rôle de premier institut au monde dans la recherche sur le vivant, contre les maladies infectieuses et pour la santé des populations".

On est actuellement dans un "moment très complexe pour la science, notamment les maladies infectieuses", a-t-elle noté, citant successivement la décision du nouveau président américain, Donald Trump, de se retirer de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) (cf dépêche du 21/01/2025 à 11:51), mettant à mal la lutte contre les maladies infectieuses dans le monde, la baisse des investissements dans la recherche de nombreux gouvernements et notamment en France, la difficulté à communiquer à la population les messages scientifiques dans un contexte de perte de confiance.

Parallèlement, au niveau scientifique, elle a évoqué le changement climatique qui conduit à l'émergence de nouveaux pathogènes, la montée de la résistance aux antimicrobiens, l'augmentation des cancers et des maladies inflammatoires qui peuvent être liés à des agents infectieux.

Face à ces défis, l'Institut Pasteur "a un rôle à jouer". Il a l'avantage d'être une fondation, de droit privé, indépendante, qui peut plus facilement que les organismes de recherche publics être "agile" et réorienter ses priorités de recherche de façon rapide en fonction des besoins. Par ailleurs, le fait de concentrer sur un campus unique de nombreux chercheurs, de différentes disciplines, est un atout pour la nécessaire "transdisciplinarité" permettant de faire émerger des évolutions scientifiques majeures.

Enfin, Yasmine Belkaid a rappelé que l'institut s'inscrit dans un réseau de plus de 30 instituts Pasteur dans le monde, présents sur les cinq continents et en particulier en Afrique, et également dans un réseau scientifique international de centres de recherche.

Quatre grandes priorités scientifiques

Le plan "Pasteur 2030" définit quatre grandes priorités scientifiques:

  • Menaces infectieuses: lutter contre les maladies infectieuses et la résistance aux antibiotiques et autres agents antimicrobiens
  • Transitions environnementales et santé: comprendre l'impact des changements climatiques et des transitions écologiques sur la santé et les maladies
  • Genèse des maladies: étudier les mécanismes sous-jacents des maladies non transmissibles et de l'inflammation
  • Santé et maladie aux âges extrêmes de la vie: explorer la physiologie et les réponses immunitaires aux stades clés de la vie, notamment ceux du développement précoce (en se concentrant sur la relation mère-enfant) et du vieillissement.

Etaient présents lors de cette conférence de presse deux responsables d'unités de l'Institut Pasteur, choisis pour leurs compétences scientifiques reconnues mais aussi parce que leurs travaux représentent, selon la directrice générale, deux axes de recherche particulièrement importants pour l'avenir.

Anna-Bella Failloux, responsable de l'unité Arbovirus et insectes vecteurs, a souligné l'importance du travail sur ces insectes qui transmettent des maladies infectieuses car, avec le réchauffement climatique, ceux-ci se multiplient de plus en plus dans des régions autrefois épargnées. Alors que, parmi d'autres, les risques liés aux virus Zika ou chikungunya augmentent, elle a mentionné à titre d'exemple l'arrivée probable à terme du virus oropouche qui a "émergé en Amérique du Sud et d'ores et déjà est détecté dans les Caraïbes".

Pour étudier ces insectes vecteurs et les maladies qu'ils véhiculent et lutter contre leur propagation, un bâtiment est en cours de construction sur le site de l'Institut Pasteur qui regroupera des équipes travaillant sur ce sujet: le Centre de recherche sur les infections, le climat et l'environnement (ICE). Il bénéficiera notamment d'un laboratoire P3 doté d'un microscope spécial et d'un "insectorium" et devrait ouvrir ses portes dans "deux ans et demi".

Gérard Eberl, responsable de l'unité micro-environnement et immunité, s'intéresse quant à lui aux maladies auto-immunes et aux conséquences inflammatoires des infections. Il a rappelé que le système immunitaire est en permanence, dès la grossesse, en contact avec des micro-organismes, y compris certains qui ont un effet positif. Il a également souligné les liens avec les neurosciences, le "mental" jouant un "rôle clé" mais encore insuffisamment connu dans les défenses immunitaires. Ces multiples interactions -également avec la génétique- doivent être mieux comprises pour prévenir les effets à long terme des infections.

Dix projets phares

Dix projets phares sont cités dans le plan à cinq ans. Parmi les projets scientifiques, outre l'ICE, il s'agit en particulier du Centre de recherche en vaccinologie et sur les immunothérapies (CVI). "Ce projet s'inscrit dans les initiatives publiques européennes et nationales visant à coordonner les acteurs de la recherche fondamentale, clinique et translationnelle investis dans ce domaine, en particulier le programme France Vaccin impulsé par l'Etat français", a précisé Yasmine Belkaid.

Sans dire à ce stade quels projets seront développés (cela dépendra notamment des chercheurs que l'institut accueillera), elle a indiqué que ce centre (dans des locaux actuels) mettra en place plusieurs plateformes permettant de développer différents types de vaccins, en fonction des agents pathogènes et des organes infectés.

Par ailleurs, l'Institut Pasteur a rejoint l'initiative "Amplifying Funds in Infection Biology" de l'European Molecular Biology Laboratory (EMBL; centre de recherche financé par l'Union européenne) pour notamment une meilleure compréhension des interactions hôtes-pathogènes. Il a aussi lancé l'Initiative Pasteur de préparation aux pandémies (P3I) pour "renforcer la réactivité" face à de futures pandémies, "améliorer l'intelligence épidémique" grâce en particulier aux 19 centres de référence localisés à Pasteur, et apporter un soutien à l'international avec une "Outbreak Investigation Task Force".

Il y aura également un programme de recherche "mère-enfant" visant à examiner le rôle du microbiome dans le développement neurologique et la maturation du système immunitaire, ainsi que les conséquences sanitaires à long terme du sevrage et des infections au début de la vie. L'institut prévoit aussi la création d'un Centre de découverte et de développement de médicaments (C3D), avec une plateforme de chimie biomédicale, "prévue pour 2026".

Un partenariat a été noué avec l'Institut Imagine et l'Institut Curie pour favoriser les avancées technologiques transformatrices: le programme TOTEM, qui "promeut la recherche interdisciplinaire et les projets impliquant différentes équipes des trois instituts". De plus, l'Institut Pasteur participe à deux instituts hospitalo-universitaires (IHU): InovAND sur les troubles neurodéveloppementaux de l'enfant et reConnect sur le dépistage et la prise en charge des troubles de l'audition et de la parole.

Enfin, à côté des projets scientifiques, dans une volonté de communication vers le grand public pour "renouer avec la société", il y aura une rénovation du musée de l'Institut Pasteur et le lancement d'un programme d'éveil à la science.

Des nouvelles sources de financement à rechercher

Interrogée sur les financements dont dispose l'Institut Pasteur, la directrice générale a indiqué que les moyens, qui sont autour de 300 millions d'euros par an, viennent pour 29,9% de la générosité du public, pour 24,4% de produits et ressources propres, pour 19,5% de contrats de recherche (notamment européens), pour 17,4% de subventions publiques (ce qui ne prend pas en compte les chercheurs des organismes de recherche publics qui travaillent sur le site de Pasteur, NDLR) et pour 8,8% de revenus industriels.

La situation a évolué par rapport à une époque où les financements du ministère de la recherche représentaient jusqu'à 40% du budget, a-t-elle noté. De plus, au vu des difficultés budgétaires actuelles de la France, il y a un risque que ces financements diminuent encore. Par ailleurs, les revenus industriels tendent à diminuer.

Il y a donc un travail important de recherche de nouvelles sources de financement, ce qui passe notamment par une augmentation des partenariats au niveau européen et par un appel à la philanthropie non plus seulement en France mais aussi au niveau international.

fb/ab/APMnews

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