Actualités de l'Urgence - APM
L'IGAS RECOMMANDE DE POURSUIVRE L'EXPÉRIMENTATION DES HALTES SOINS ADDICTION ET DE LES INSCRIRE DANS LE DROIT COMMUN
L'IGA et l'Igas avaient été saisies en avril par les ministères de l'intérieur et des Outre-mer, du travail, de la santé et des solidarités et le ministère délégué à la santé et la prévention, d'une mission d'évaluation des HSA en vue d'éclairer le gouvernement quant au maintien, à l'adaptation ou à l'arrêt de ce dispositif.
Dans ce rapport de quelque 230 pages, datant d'octobre et non publié, la mission fait le point sur l'expérimentation et formule sept recommandations.
En France, les HSA sont expérimentées jusqu'à fin 2025, prenant la suite en 2022 des salles de consommation à moindre risque (SCMR), qui avaient été autorisées en 2016 initialement (cf dépêche du 23/09/2021 à 15:54, dépêche du 25/10/2021 à 09:36 et dépêche du 29/03/2016 à 11:24). Elles présentent la particularité de pouvoir y consommer des produits illicites sous la supervision de professionnels dans un objectif de réduction des risques sanitaires (contamination par le VIH et VHC, risques somatiques et surdoses parfois mortelles), rappellent les auteurs.
Depuis 2016, seules deux HSA ont été ouvertes, à Paris et à Strasbourg. Elles accueillent quelque 1.600 personnes, soit moins de 1% des 342.000 usagers problématiques de drogues estimés en France en 2023.
Ainsi, afin d'accompagner la sortie de l'expérimentation législative à échéance, au 31 décembre 2025, l'IGA et l'Igas recommandent, "après avoir entendu les acteurs concernés, dont les services de police et les parquets, de mener à son terme l'expérimentation en cours à Paris et Strasbourg".
"La fermeture de ces deux HSA dégraderait la tranquillité publique, mettrait en danger des usagers aux conditions de vie très précaires et mobiliserait inutilement des forces de police pour gérer les consommations rendues à l'espace public", font valoir les auteurs dans la synthèse de leur rapport.
Bénéfices pour les usagers et l'ordre public
Globalement, ces HSA accompagnent un public "en forte désaffiliation sociale, majoritairement sans domicile fixe". Malgré une file active assez similaire en 2023 (autour de 800 usagers dans chaque salle), il y a huit fois plus de consommations à Paris (194 par jour vs 25 à Strasbourg), où la salle est installée à l'extérieur de l'hôpital Lariboisière (AP-HP). Les usagers de Strasbourg fréquentent globalement moins souvent la salle, qui se situe dans l'enceinte des hôpitaux universitaires (HUS) et propose par ailleurs 20 places d'hébergement.
Ce dispositif d'hébergement permet de mettre à l'abri deux fois plus de femmes en particulier. A Paris, 79% des usagers de la HSA n'ont pas d'hébergement stable et plus de la moitié sont à la rue ou en squat, une situation qui favorise la consommation dans l'espace public et entretient le cycle de l'addiction. "L'hébergement, indispensable à la sortie de l'addiction, se heurte à la saturation des dispositifs", constatent l'IGA et l'Igas.
Autre problématique, la progression continuelle de la cocaïne et la fragilité plus grande des consommateurs de crack (cocaïne base). Cette pression "particulièrement forte à Paris ne peut être jugulée par la HSA" qui est ouverte uniquement aux injecteurs, contrairement à celle de Strasbourg qui accueille aussi les inhalateurs.
Concernant l'impact des HSA sur la tranquillité et l'ordre publics, la mission rapporte que les salles apportent une amélioration en diminuant les consommations de rue: depuis 2016, près de 550.000 injections ont été abritées dans les salles de Paris et Strasbourg et à Paris en particulier, les seringues ramassées autour de la salle sont passées de 150 à moins de 10 par jour.
"Pour autant, des consommations dans l'espace public demeurent" puisque les salles ne sont pas ouvertes 24 heures sur 24, il n'existe qu'une seule HSA à Paris (vs sept à Berlin ou quatre à Hambourg par exemple) et des consommateurs sont exclus pour non-respect des règles et d'autres n'y viennent pas.
Par ailleurs, "les salles n'engendrent pas de délinquance, voire sont susceptibles de faire baisser le nombre de délits commis par leurs usagers". A Paris, où la salle est à l'extérieur de l'hôpital, "de nombreux riverains estiment que la HSA améliore le quartier et réclament son maintien", même si elle "agrège des mécontentements" car les nuisances de ce quartier restent supérieures à d'autres de la capitale, indépendamment de la HSA. Le Conseil d'Etat avait rejeté un recours contre cette HSA déposée par des associations de riverains, rappelle-t-on (cf dépêche du 03/10/2023 à 12:20).
Enfin, la mission considère que la fin prématurée de l'expérimentation "interviendrait à contretemps, dans un contexte de disponibilité accrue des stupéfiants, alors que les professionnels de l'addictologie alertent sur 'la vague qui monte' et sur des besoins de prise en charge exponentiels dans les années à venir".
Envisager d'ouvrir de nouveaux espaces de consommation supervisée
Ainsi, elle recommande d'"inscrire dans le droit commun les HSA" à l'issue de l'expérimentation, "sans préjudice des conclusions de l'évaluation scientifique attendue pour le premier semestre 2025".
Les auteurs rappellent déjà que des études internationales, et plus récemment une évaluation française de l'Inserm en 2021 (cf dépêche du 07/05/2021 à 19:08), "attestent de la plus-value sanitaire des HSA pour l'usager" (consommation supervisée, limitation des pratiques d'injection dangereuses et du partage de matériel, réduction des risques infectieux, des surdoses et des affections somatiques) ainsi qu'"en termes de bénéfices collectifs" (réduction du risque de passage aux urgences et des coûts associés).
"Pour l'avenir", il s'agirait de "prévoir, en droit, la possibilité d'ouvrir de nouveaux espaces de consommation supervisée, dont l'opportunité devra être appréciée sur la base des plusieurs conditions de réussite identifiées par la mission, tenant à la fois à la qualité du diagnostic préalable et aux modalités du projet".
En outre, le législateur a d'ores et déjà prévu la possibilité d'une consommation supervisée dans d'autres types de lieux que les HSA autonomes. Le cahier des charges de l'expérimentation permet l'ouverture d'un espace de consommation supervisée au sein des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues (Caarud) et des centres de soin, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa), rappelle la mission (cf dépêche du 25/10/2021 à 09:36). Des unités mobiles ont également été prévues en complément des structures fixes pour des publics très désaffiliés.
La mission relève par ailleurs que les HSA assurent un "rôle de vigies des habitudes de consommation et des nouvelles tendances", citant la montée en puissance du fentanyl observée grâce à la HSA de Strasbourg, et recommande de les intégrer pleinement dans les dispositifs de veille sanitaire pilotés par l'Observatoire français des drogues et tendances addictives (OFDT).
Concernant le crack, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) pourrait mener une évaluation scientifique d'une consommation supervisée afin d'en établir les éventuels bénéfices pour l'usager et la tranquillité publique avant d'envisager une adaptation de la HSA ou d'autres structures spécifiques.
Faire piloter par chaque ARS concernée un diagnostic local
Il conviendrait également de confier à la Mildeca et l'OFDT la mission d''identifier périodiquement les problématiques de consommation de stupéfiants dans l'espace public susceptible de répondre au cahier des charges des HSA pour les signaler, par l'intermédiaire de la direction générale de la santé (DGS), aux agences régionales de santé (ARS) concernées.
Celles-ci "doivent assumer pleinement leur rôle de pilote de la réponse sanitaire", estiment l'IGA et l'Igas, observant qu'actuellement, l'initiative d'un projet revient aux municipalités et associations volontaires, "ce qui ne permet ni de répondre à tous les besoins potentiels, ni de dépasser les oppositions locales".
Les ARS doivent piloter un diagnostic local, "objectivant les enjeux, nuisances, délinquance et troubles à l'ordre public, sans préjuger du point de sortie", et à l'issue de ce diagnostic, la mission énumère les conditions de la réussite d'un projet d'espace de consommation supervisée: une structure avec une capacité d'accueil adaptée et évolutive, proche à la fois d'un hôpital et des lieux de consommation et de nuisances, facilement accessible pour les usagers, intégré dans une filière de soins médico-sociale et un dialogue avec les riverains.
"Enfin, la politique publique de réduction des risques, dont les HSA sont parties intégrantes, doit bénéficier d'un portage assumé et univoque à tous les niveaux", conclut la mission.
ld/ab/APMnews
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L'IGA et l'Igas avaient été saisies en avril par les ministères de l'intérieur et des Outre-mer, du travail, de la santé et des solidarités et le ministère délégué à la santé et la prévention, d'une mission d'évaluation des HSA en vue d'éclairer le gouvernement quant au maintien, à l'adaptation ou à l'arrêt de ce dispositif.
Dans ce rapport de quelque 230 pages, datant d'octobre et non publié, la mission fait le point sur l'expérimentation et formule sept recommandations.
En France, les HSA sont expérimentées jusqu'à fin 2025, prenant la suite en 2022 des salles de consommation à moindre risque (SCMR), qui avaient été autorisées en 2016 initialement (cf dépêche du 23/09/2021 à 15:54, dépêche du 25/10/2021 à 09:36 et dépêche du 29/03/2016 à 11:24). Elles présentent la particularité de pouvoir y consommer des produits illicites sous la supervision de professionnels dans un objectif de réduction des risques sanitaires (contamination par le VIH et VHC, risques somatiques et surdoses parfois mortelles), rappellent les auteurs.
Depuis 2016, seules deux HSA ont été ouvertes, à Paris et à Strasbourg. Elles accueillent quelque 1.600 personnes, soit moins de 1% des 342.000 usagers problématiques de drogues estimés en France en 2023.
Ainsi, afin d'accompagner la sortie de l'expérimentation législative à échéance, au 31 décembre 2025, l'IGA et l'Igas recommandent, "après avoir entendu les acteurs concernés, dont les services de police et les parquets, de mener à son terme l'expérimentation en cours à Paris et Strasbourg".
"La fermeture de ces deux HSA dégraderait la tranquillité publique, mettrait en danger des usagers aux conditions de vie très précaires et mobiliserait inutilement des forces de police pour gérer les consommations rendues à l'espace public", font valoir les auteurs dans la synthèse de leur rapport.
Bénéfices pour les usagers et l'ordre public
Globalement, ces HSA accompagnent un public "en forte désaffiliation sociale, majoritairement sans domicile fixe". Malgré une file active assez similaire en 2023 (autour de 800 usagers dans chaque salle), il y a huit fois plus de consommations à Paris (194 par jour vs 25 à Strasbourg), où la salle est installée à l'extérieur de l'hôpital Lariboisière (AP-HP). Les usagers de Strasbourg fréquentent globalement moins souvent la salle, qui se situe dans l'enceinte des hôpitaux universitaires (HUS) et propose par ailleurs 20 places d'hébergement.
Ce dispositif d'hébergement permet de mettre à l'abri deux fois plus de femmes en particulier. A Paris, 79% des usagers de la HSA n'ont pas d'hébergement stable et plus de la moitié sont à la rue ou en squat, une situation qui favorise la consommation dans l'espace public et entretient le cycle de l'addiction. "L'hébergement, indispensable à la sortie de l'addiction, se heurte à la saturation des dispositifs", constatent l'IGA et l'Igas.
Autre problématique, la progression continuelle de la cocaïne et la fragilité plus grande des consommateurs de crack (cocaïne base). Cette pression "particulièrement forte à Paris ne peut être jugulée par la HSA" qui est ouverte uniquement aux injecteurs, contrairement à celle de Strasbourg qui accueille aussi les inhalateurs.
Concernant l'impact des HSA sur la tranquillité et l'ordre publics, la mission rapporte que les salles apportent une amélioration en diminuant les consommations de rue: depuis 2016, près de 550.000 injections ont été abritées dans les salles de Paris et Strasbourg et à Paris en particulier, les seringues ramassées autour de la salle sont passées de 150 à moins de 10 par jour.
"Pour autant, des consommations dans l'espace public demeurent" puisque les salles ne sont pas ouvertes 24 heures sur 24, il n'existe qu'une seule HSA à Paris (vs sept à Berlin ou quatre à Hambourg par exemple) et des consommateurs sont exclus pour non-respect des règles et d'autres n'y viennent pas.
Par ailleurs, "les salles n'engendrent pas de délinquance, voire sont susceptibles de faire baisser le nombre de délits commis par leurs usagers". A Paris, où la salle est à l'extérieur de l'hôpital, "de nombreux riverains estiment que la HSA améliore le quartier et réclament son maintien", même si elle "agrège des mécontentements" car les nuisances de ce quartier restent supérieures à d'autres de la capitale, indépendamment de la HSA. Le Conseil d'Etat avait rejeté un recours contre cette HSA déposée par des associations de riverains, rappelle-t-on (cf dépêche du 03/10/2023 à 12:20).
Enfin, la mission considère que la fin prématurée de l'expérimentation "interviendrait à contretemps, dans un contexte de disponibilité accrue des stupéfiants, alors que les professionnels de l'addictologie alertent sur 'la vague qui monte' et sur des besoins de prise en charge exponentiels dans les années à venir".
Envisager d'ouvrir de nouveaux espaces de consommation supervisée
Ainsi, elle recommande d'"inscrire dans le droit commun les HSA" à l'issue de l'expérimentation, "sans préjudice des conclusions de l'évaluation scientifique attendue pour le premier semestre 2025".
Les auteurs rappellent déjà que des études internationales, et plus récemment une évaluation française de l'Inserm en 2021 (cf dépêche du 07/05/2021 à 19:08), "attestent de la plus-value sanitaire des HSA pour l'usager" (consommation supervisée, limitation des pratiques d'injection dangereuses et du partage de matériel, réduction des risques infectieux, des surdoses et des affections somatiques) ainsi qu'"en termes de bénéfices collectifs" (réduction du risque de passage aux urgences et des coûts associés).
"Pour l'avenir", il s'agirait de "prévoir, en droit, la possibilité d'ouvrir de nouveaux espaces de consommation supervisée, dont l'opportunité devra être appréciée sur la base des plusieurs conditions de réussite identifiées par la mission, tenant à la fois à la qualité du diagnostic préalable et aux modalités du projet".
En outre, le législateur a d'ores et déjà prévu la possibilité d'une consommation supervisée dans d'autres types de lieux que les HSA autonomes. Le cahier des charges de l'expérimentation permet l'ouverture d'un espace de consommation supervisée au sein des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues (Caarud) et des centres de soin, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa), rappelle la mission (cf dépêche du 25/10/2021 à 09:36). Des unités mobiles ont également été prévues en complément des structures fixes pour des publics très désaffiliés.
La mission relève par ailleurs que les HSA assurent un "rôle de vigies des habitudes de consommation et des nouvelles tendances", citant la montée en puissance du fentanyl observée grâce à la HSA de Strasbourg, et recommande de les intégrer pleinement dans les dispositifs de veille sanitaire pilotés par l'Observatoire français des drogues et tendances addictives (OFDT).
Concernant le crack, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) pourrait mener une évaluation scientifique d'une consommation supervisée afin d'en établir les éventuels bénéfices pour l'usager et la tranquillité publique avant d'envisager une adaptation de la HSA ou d'autres structures spécifiques.
Faire piloter par chaque ARS concernée un diagnostic local
Il conviendrait également de confier à la Mildeca et l'OFDT la mission d''identifier périodiquement les problématiques de consommation de stupéfiants dans l'espace public susceptible de répondre au cahier des charges des HSA pour les signaler, par l'intermédiaire de la direction générale de la santé (DGS), aux agences régionales de santé (ARS) concernées.
Celles-ci "doivent assumer pleinement leur rôle de pilote de la réponse sanitaire", estiment l'IGA et l'Igas, observant qu'actuellement, l'initiative d'un projet revient aux municipalités et associations volontaires, "ce qui ne permet ni de répondre à tous les besoins potentiels, ni de dépasser les oppositions locales".
Les ARS doivent piloter un diagnostic local, "objectivant les enjeux, nuisances, délinquance et troubles à l'ordre public, sans préjuger du point de sortie", et à l'issue de ce diagnostic, la mission énumère les conditions de la réussite d'un projet d'espace de consommation supervisée: une structure avec une capacité d'accueil adaptée et évolutive, proche à la fois d'un hôpital et des lieux de consommation et de nuisances, facilement accessible pour les usagers, intégré dans une filière de soins médico-sociale et un dialogue avec les riverains.
"Enfin, la politique publique de réduction des risques, dont les HSA sont parties intégrantes, doit bénéficier d'un portage assumé et univoque à tous les niveaux", conclut la mission.
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