Actualités de l'Urgence - APM

L'IA POURRAIT AMÉLIORER LE TRIAGE DES PATIENTS AUX URGENCES EN RÉDUISANT LES BIAIS COGNITIFS
Lorsque les patients arrivent aux urgences, le personnel infirmer procède à leur triage, c'est-à-dire collecte des informations pour évaluer rapidement leur état de santé et les catégorise en fonction de leur sévérité sur la base d'une échelle validée, expliquent Ariel Guerra-Adames de l'UMR 1219 Inserm et de l'Inria à l'université de Bordeaux et ses collègues dans Proceedings of Machine Learning Resarch (PMLR).
Mais la prise de décision, en particulier lorsqu'elle doit être rapide comme aux urgences, peut être influencée par les biais cognitifs liés par exemple au sexe, à l'âge, à l'origine ethnique. Il s'agit de raccourcis qui reposent sur des généralités ou des informations incomplètes et peuvent entraîner des choix inconscients, avec un risque de sous-estimation de l'urgence et un retard de prise en charge ou inversement, une surestimation et une mauvaise allocation des ressources.
Afin d'identifier ces biais et réduire leur effet dans la prise en charge aux urgences, l'IA émerge comme un outil particulièrement intéressant, en particulier les grands modèles de langage (LLM, large language models) qui peuvent analyser le langage humain naturel.
Dans cette étude, les chercheurs se sont intéressés en particulier au biais de sexe ou de genre. Ils ont développé un modèle pour reproduire le comportement humain afin de détecter et quantifier ce biais.
Pour cela, ils ont utilisé les dossiers médicaux correspondant à plus de 480.000 entrées au SAU du CHU de Bordeaux entre janvier 2013 et décembre 2021, avec les données démographiques et cliniques des patients ainsi que le score d'urgence. Les informations relatives au personnel infirmier ont également été recueillies (sexe, expérience, ancienneté, formations…).
Après entraînement, le modèle a été testé pour donner un score d'urgence après analyse des dossiers annotés par le personnel infirmier puis le genre des patients dossiers était modifié et les données resoumises au modèle, qui a recalculé le score d'urgence. Le biais lié au genre a ainsi été estimé par la différence entre les deux scores, explique l'Inserm dans un communiqué diffusé la semaine dernière.
Les résultats montrent qu'il existe un biais significatif: la sévérité de l'état du patient tendait à être sous-évaluée lorsqu'il s'agissait d'une femme par rapport au même dossier concernant un homme.
Environ 5% des dossiers sont classés comme étant "moins critiques" lorsque le patient homme initial devient une femme et 1,8% classé comme "plus critiques". Inversement, 6,7% des dossiers des patientes initialement sont "plus critiques" et 2,9% "moins critiques" lorsqu'elles deviennent des patients.
Le biais était d'autant plus marqué que le personnel infirmier était inexpérimenté.
"Ces travaux montrent comment les grands modèles de langage peuvent aider à détecter et à anticiper les biais cognitifs humains, ici dans l'exemple d'un objectif de prise en charge plus équitable et plus efficace aux urgences médicales", commente le coordinateur de cette étude, Emmanuel Lagarde, directeur de recherche à l'Inserm.
L'identification de ces biais peut ensuite aider à développer des interventions et des formations ciblées pour les réduire et améliorer le triage aux urgences.
Ces résultats ont été publiés à l'occasion du congrès Machine Learning for Health (ML4H), qui s'est tenu à la mi-décembre 2024 à Vancouver. Ariel Guerra-Adames y a reçu le prix de la meilleure communication, signale par ailleurs l'Inserm.
Un outil d'aide à la décision utilisant l'IA semble améliorer le flux des patients
Dans NEJM AI, des chercheurs américains ont évalué l'effet d'un outil de triage utilisant l'IA sur notamment la pertinence de ce triage et le flux des patients.
Aux Etats-Unis, c'est principalement l'outil ESI (Emergency Severity Index), qui est utilisé pour hiérarchiser les patients. Il repose principalement sur l'évaluation subjective des patients par le personnel infirmier, rappellent le Dr R. Andrew Taylor de la Yale School of Medicine à New Haven et ses coauteurs.
Afin d'améliorer l'ESI, ils ont développé un outil d'aide à la décision utilisant l'IA pour les SAU en routine. Dans cette étude, ils ont mesuré son impact dans trois services, comparant ses performances sur 180 jours avant et après sa mise en œuvre.
L'analyse a porté sur la distribution des 174.648 patients vus aux urgences, dont 83.404 avant et 91.244 après l'utilisation de l'IA, entre ceux de niveaux élevés d'urgence (niveaux 1 et 2 de l'ESI, respectivement patients mourants ou qui ne devraient pas attendre), ceux de niveau modéré (niveau 3, nombreuses ressources nécessaires pour la prise en charge) et ceux de niveaux faibles (niveaux 4 et 5, respectivement une ressource nécessaire et aucune).
Après la mise en œuvre de l'IA, la proportion de cas dont l'urgence était de niveaux faibles a augmenté, de 23,9% à 35,4%, les cas urgents ont diminué, de 27,3% à 24,9%, et les cas de niveau modéré se sont également réduits, de 48,8% à 39,7%.
Parmi les cas de niveaux élevés, la sensibilité de l'identification des patients nécessitant des soins intensifs a progressé avec l'IA, passant de 78,8% à 83,1%, alors que pour le recours à la chirurgie d'urgence post-intervention, elle n'a pas évolué de manière significative, de 41,2% à 39,2%.
Le taux d'hospitalisation des patients de faibles niveaux d'urgence est resté faible, inférieur à 4%.
Enfin, la mise en œuvre de l'IA a été associée à une réduction de délai médian entre l'arrivée au SAU et l'arrivée dans la zone de soins initiale, de 12 min à 8 min. La différence la plus importante a été observée pour les patients nécessitant des soins intensifs, avec une réduction de 17,3% du temps passé aux urgences, entre l'arrivée au SAU et le départ.
L'analyse des données a par ailleurs mis en évidence des différences dans l'évaluation du degré d'urgence par le personnel infirmier et l'IA, suggérant des pistes d'amélioration, observent les chercheurs.
(PMLR, vol. 259, p420-439 et NEJM AI, vol. 2, n°3, publication du 27 février)
ld/nc/APMnews
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L'IA POURRAIT AMÉLIORER LE TRIAGE DES PATIENTS AUX URGENCES EN RÉDUISANT LES BIAIS COGNITIFS
Lorsque les patients arrivent aux urgences, le personnel infirmer procède à leur triage, c'est-à-dire collecte des informations pour évaluer rapidement leur état de santé et les catégorise en fonction de leur sévérité sur la base d'une échelle validée, expliquent Ariel Guerra-Adames de l'UMR 1219 Inserm et de l'Inria à l'université de Bordeaux et ses collègues dans Proceedings of Machine Learning Resarch (PMLR).
Mais la prise de décision, en particulier lorsqu'elle doit être rapide comme aux urgences, peut être influencée par les biais cognitifs liés par exemple au sexe, à l'âge, à l'origine ethnique. Il s'agit de raccourcis qui reposent sur des généralités ou des informations incomplètes et peuvent entraîner des choix inconscients, avec un risque de sous-estimation de l'urgence et un retard de prise en charge ou inversement, une surestimation et une mauvaise allocation des ressources.
Afin d'identifier ces biais et réduire leur effet dans la prise en charge aux urgences, l'IA émerge comme un outil particulièrement intéressant, en particulier les grands modèles de langage (LLM, large language models) qui peuvent analyser le langage humain naturel.
Dans cette étude, les chercheurs se sont intéressés en particulier au biais de sexe ou de genre. Ils ont développé un modèle pour reproduire le comportement humain afin de détecter et quantifier ce biais.
Pour cela, ils ont utilisé les dossiers médicaux correspondant à plus de 480.000 entrées au SAU du CHU de Bordeaux entre janvier 2013 et décembre 2021, avec les données démographiques et cliniques des patients ainsi que le score d'urgence. Les informations relatives au personnel infirmier ont également été recueillies (sexe, expérience, ancienneté, formations…).
Après entraînement, le modèle a été testé pour donner un score d'urgence après analyse des dossiers annotés par le personnel infirmier puis le genre des patients dossiers était modifié et les données resoumises au modèle, qui a recalculé le score d'urgence. Le biais lié au genre a ainsi été estimé par la différence entre les deux scores, explique l'Inserm dans un communiqué diffusé la semaine dernière.
Les résultats montrent qu'il existe un biais significatif: la sévérité de l'état du patient tendait à être sous-évaluée lorsqu'il s'agissait d'une femme par rapport au même dossier concernant un homme.
Environ 5% des dossiers sont classés comme étant "moins critiques" lorsque le patient homme initial devient une femme et 1,8% classé comme "plus critiques". Inversement, 6,7% des dossiers des patientes initialement sont "plus critiques" et 2,9% "moins critiques" lorsqu'elles deviennent des patients.
Le biais était d'autant plus marqué que le personnel infirmier était inexpérimenté.
"Ces travaux montrent comment les grands modèles de langage peuvent aider à détecter et à anticiper les biais cognitifs humains, ici dans l'exemple d'un objectif de prise en charge plus équitable et plus efficace aux urgences médicales", commente le coordinateur de cette étude, Emmanuel Lagarde, directeur de recherche à l'Inserm.
L'identification de ces biais peut ensuite aider à développer des interventions et des formations ciblées pour les réduire et améliorer le triage aux urgences.
Ces résultats ont été publiés à l'occasion du congrès Machine Learning for Health (ML4H), qui s'est tenu à la mi-décembre 2024 à Vancouver. Ariel Guerra-Adames y a reçu le prix de la meilleure communication, signale par ailleurs l'Inserm.
Un outil d'aide à la décision utilisant l'IA semble améliorer le flux des patients
Dans NEJM AI, des chercheurs américains ont évalué l'effet d'un outil de triage utilisant l'IA sur notamment la pertinence de ce triage et le flux des patients.
Aux Etats-Unis, c'est principalement l'outil ESI (Emergency Severity Index), qui est utilisé pour hiérarchiser les patients. Il repose principalement sur l'évaluation subjective des patients par le personnel infirmier, rappellent le Dr R. Andrew Taylor de la Yale School of Medicine à New Haven et ses coauteurs.
Afin d'améliorer l'ESI, ils ont développé un outil d'aide à la décision utilisant l'IA pour les SAU en routine. Dans cette étude, ils ont mesuré son impact dans trois services, comparant ses performances sur 180 jours avant et après sa mise en œuvre.
L'analyse a porté sur la distribution des 174.648 patients vus aux urgences, dont 83.404 avant et 91.244 après l'utilisation de l'IA, entre ceux de niveaux élevés d'urgence (niveaux 1 et 2 de l'ESI, respectivement patients mourants ou qui ne devraient pas attendre), ceux de niveau modéré (niveau 3, nombreuses ressources nécessaires pour la prise en charge) et ceux de niveaux faibles (niveaux 4 et 5, respectivement une ressource nécessaire et aucune).
Après la mise en œuvre de l'IA, la proportion de cas dont l'urgence était de niveaux faibles a augmenté, de 23,9% à 35,4%, les cas urgents ont diminué, de 27,3% à 24,9%, et les cas de niveau modéré se sont également réduits, de 48,8% à 39,7%.
Parmi les cas de niveaux élevés, la sensibilité de l'identification des patients nécessitant des soins intensifs a progressé avec l'IA, passant de 78,8% à 83,1%, alors que pour le recours à la chirurgie d'urgence post-intervention, elle n'a pas évolué de manière significative, de 41,2% à 39,2%.
Le taux d'hospitalisation des patients de faibles niveaux d'urgence est resté faible, inférieur à 4%.
Enfin, la mise en œuvre de l'IA a été associée à une réduction de délai médian entre l'arrivée au SAU et l'arrivée dans la zone de soins initiale, de 12 min à 8 min. La différence la plus importante a été observée pour les patients nécessitant des soins intensifs, avec une réduction de 17,3% du temps passé aux urgences, entre l'arrivée au SAU et le départ.
L'analyse des données a par ailleurs mis en évidence des différences dans l'évaluation du degré d'urgence par le personnel infirmier et l'IA, suggérant des pistes d'amélioration, observent les chercheurs.
(PMLR, vol. 259, p420-439 et NEJM AI, vol. 2, n°3, publication du 27 février)
ld/nc/APMnews