Actualités de l'Urgence - APM
L'EPSM DE LA SARTHE SOUFFRE D'UN MANQUE CRIANT DE PSYCHIATRES
ALLONNES (Sarthe), 4 août 2023 (APMnews) - L'établissement public de santé mentale (EPSM) de la Sarthe souffre d'un manque criant de psychiatres qui le conduit à mettre en place une organisation dégradée des soins, a expliqué le directeur adjoint vendredi à APMnews.
L'établissement est confronté à des difficultés en ressources humaines depuis plusieurs années. En 2021, un plan blanc avait été déclenché devant l'afflux de patients nécessitant une hospitalisation (cf dépêche du 07/12/2021 à 19:03).
"La pénurie s'est aggravée depuis deux ans avec des départs à la retraite", a indiqué Samuel Rezé-Virfolet, directeur adjoint de l'EPSM, sollicité par APMnews. En outre, l'établissement comptait sur l'intérim et deux médecins intérimaires qui tenaient des unités et sont partis avec l'application de la loi Rist. Il y a aussi quelques départs de psychiatres vers d'autres structures à cause des difficultés d'exercice.
"Sur 70 postes de praticiens hospitaliers (PH) ouverts, nous n'avons actuellement que 9 médecins généralistes et 35 psychiatres, soit 26 postes vacants. En équivalents temps plein (ETP), cela représente plus de 38 ETP manquants (25,5 ETP de psychiatres en poste). Or, nous sommes le seul établissement spécialisé en psychiatrie pour 600.000 habitants dans le département", a-t-il décrit.
"La file active comprend 20.500 patients, ce qui est très dense en activité et beaucoup de Sarthois ne trouvent pas réponse à leurs besoins ou viennent trop tardivement, ce qui induit des situations complexes", a-t-il relaté. La permanence des soins repose sur seulement 18 psychiatres.
En juin, la direction de l'établissement a présenté une réorganisation prévoyant la fermeture de 42 lits pendant l'été car trois unités d'hospitalisation étaient sans médecin. Cinq unités de psychiatrie polyvalente ont pu être maintenues avec un ETP présent du lundi au vendredi.
La mise en œuvre de cette réorganisation a commencé le 19 juin et s'est terminée le 28 juillet, le temps de pouvoir fermer les lits progressivement, a précisé le directeur adjoint.
Des médecins de l'EPSM de la Sarthe ont publié une tribune le 28 juillet pour dénoncer "la situation catastrophique" de la psychiatrie dans le département avec "une dégradation dramatique de l'offre de soins psychiatriques dans la Sarthe". Ils ont évoqué une pénurie médicale d'"un niveau extrême".
Le directeur adjoint liste plusieurs problèmes qui se cumulent, dont un manque de capacitaire.
"Nous avons dû fermer ces lits alors que la demande est forte. Il y a une attente longue pour être hospitalisé", a-t-il reconnu. Les patients sont maintenus à domicile -avec un accompagnement par l'équipe ambulatoire- mais certains passent par les urgences du CH du Mans et cela conduit à une embolisation du service.
Le service d'accès aux soins (SAS) psychiatrique a fonctionné d'août à septembre 2022 mais n'a pu reprendre que le 5 juin 2023, le temps d'avoir les ressources paramédicales. Il y a maintenant un infirmier au Samu du Mans qui peut être sollicité par la régulation de 12h30 à 20h.
Un dispositif ambulatoire a été mis en place pour accompagner la fermeture de lits pour faire attendre les patients à leur domicile. Il comprend des interventions en distanciel avec des appels téléphoniques et en présentiel -le patient vient au centre médico-psychologique (CMP) ou le médecin à domicile. A J3, le patient est réévalué par le psychiatre pour revoir l'indication ou pour orienter le patient en hôpital de jour de soins renforcés.
Actuellement, quatre patients sont dans ce dispositif qui évite le passage aux urgences, a-t-il cité.
Le manque de capacitaire de l'EPSM de la Sarthe a des répercussions sur les urgences du CH du Mans, où des patients attendent plusieurs jours un lit "dans des conditions qui ne sont pas adaptées", a-t-il reconnu.
Il était prévu de délocaliser la zone tampon préhospitalière du Mans à l'EPSM au 1er août, mais cela n'interviendra que début septembre, le temps de trouver les ressources médicales. "L'ARS [agence régionale de santé] nous accompagne", a-t-il rapporté.
Des arrêts maladie
Autre difficulté du moment: des arrêts maladie parmi les médecins de l'EPSM travaillant au sein du pôle de psychiatrie d'urgence au CH du Mans qui fournissent des soins psychiatriques aux patients des urgences si nécessaire et qui surveillent les patients en attente d'un lit. Parmi ces médecins (3 ETP, 4 médecins), deux sont en arrêt maladie et un troisième part en congés vendredi. Il ne restera plus qu'un senior. "Nous sommes en discussion avec l'ARS et d'autres établissements pour s'organiser pour lundi et proposer une organisation dégradée", a indiqué Samuel Rezé-Virfolet.
Ce pôle comprend une unité de court séjour de 10 lits, une équipe mobile de prévention du suicide, le SAS psychiatrique, une plateforme libérale et une équipe mobile qui se rend aux urgences du pôle santé Sarthe-et-Loir (PSSL).
Depuis le 4 juillet 2022, l'ARS a mis en place une cellule régionale d'ordonnancement en psychiatrie (Crop) portée par le CHU de Nantes. Cette cellule est sollicitée pour trouver un lit chaque fois que l'EPSM a un patient en attente d'hospitalisation et des transferts sont organisés. En un an, 150 patients ont été transférés, avec leur consentement, vers un hôpital ayant un lit disponible.
L'ARS mobilisée
La psychiatrie connaît, en Pays de la Loire, une situation de sous-densité importante en médecins psychiatres. Cette situation est amplifiée au niveau du département de la Sarthe. L'EPSM de la Sarthe, seul établissement public autorisé en psychiatrie dans le département, a connu ces dernières années une forte réduction du nombre de ses psychiatres (60 psychiatres en 2014, 30 en 2022). En 2023, le départ de 3 psychiatres l'a obligé à fermer 3 unités soit 42 lits pendant la période estivale, décrit l'ARS, sollicitée par APMnews.
L'agence "reste extrêmement mobilisée: cette situation est suivie quotidiennement par nos équipes, en lien avec l'EPSM et le CH du Mans". "Au-delà de la fermeture de lits à l'EPSM, les parcours des patients en soins psychiatriques sont impactés, notamment au sein du service d'accueil des urgences du CH du Mans, faute de solutions d'hospitalisation en psychiatrie post-urgences", reconnaît-elle.
L'ARS indique avoir renforcé la solidarité régionale en demandant aux autres établissements de la région d'accueillir des patients sarthois. "L'ensemble des acteurs ont également travaillé sous l'égide de l'ARS à la création d'une unité susceptible d'accueillir les patients en sortie du service des urgences et en attente d'hospitalisation. Cette unité sera positionnée début septembre au sein de l'EPSM et fonctionnera avec d'autres psychiatres venant apporter leur soutien à l'EPSM.
Face à l'arrêt le 1er août de 3 psychiatres sur les 4 exerçant dans le pôle psychiatrie urgences (PPU) de l'EPSM qui a accru les tensions, "de nouvelles mesures ont donc été travaillées pour apporter une réponse à la situation de crise: renforcement de l'ordonnancement régional des lits piloté par l'ARS, sécurisation des lignes d'avis de psychiatres par téléconsultation ou en présentiel, renforcement du SAS psychiatrique sarthois, appel à la réserve sanitaire, etc. Ces travaux ont associé les professionnels de l'EPSM, du CH du Mans, et du Centre médico-chirurgical du Mans (CMCM), mais aussi les professionnels des CHU de Nantes, d'Angers et du Cesame [Centre de santé mentale angevin] qui apportent un soutien déterminant."
"Des mesures RH spécifiques d'attractivité sont également mises en place pour le déploiement de ressources médicales en santé mentale, en soutien de l'EPSM de la Sarthe: une charte a été signée à cet effet par la Fédération hospitalière de France (FHF), l'EPSM de la Sarthe et l'ARS", ajoute l'agence. A cet égard, elle salue "l'engagement sans faille et l'investissement des équipes médicales et soignantes de santé et des directions des établissements sarthois et des établissements de la région venant en soutien dans la prise en charge des patients sarthois et dans la recherche de solutions".
En juin, l'ARS Pays de la Loire avait annoncé déjà avoir lancé un plan d'urgence pour la santé mentale, du fait de "l'urgence de la situation". L'objectif est de "sécuriser la prise en charge des patients et de redonner des perspectives aux acteurs du terrain".
Ce plan d'urgence cherche à renforcer la psychiatrie de secteur et à agir en amont et en périphérie de l'hospitalisation.
sl/ab/APMnews
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ALLONNES (Sarthe), 4 août 2023 (APMnews) - L'établissement public de santé mentale (EPSM) de la Sarthe souffre d'un manque criant de psychiatres qui le conduit à mettre en place une organisation dégradée des soins, a expliqué le directeur adjoint vendredi à APMnews.
L'établissement est confronté à des difficultés en ressources humaines depuis plusieurs années. En 2021, un plan blanc avait été déclenché devant l'afflux de patients nécessitant une hospitalisation (cf dépêche du 07/12/2021 à 19:03).
"La pénurie s'est aggravée depuis deux ans avec des départs à la retraite", a indiqué Samuel Rezé-Virfolet, directeur adjoint de l'EPSM, sollicité par APMnews. En outre, l'établissement comptait sur l'intérim et deux médecins intérimaires qui tenaient des unités et sont partis avec l'application de la loi Rist. Il y a aussi quelques départs de psychiatres vers d'autres structures à cause des difficultés d'exercice.
"Sur 70 postes de praticiens hospitaliers (PH) ouverts, nous n'avons actuellement que 9 médecins généralistes et 35 psychiatres, soit 26 postes vacants. En équivalents temps plein (ETP), cela représente plus de 38 ETP manquants (25,5 ETP de psychiatres en poste). Or, nous sommes le seul établissement spécialisé en psychiatrie pour 600.000 habitants dans le département", a-t-il décrit.
"La file active comprend 20.500 patients, ce qui est très dense en activité et beaucoup de Sarthois ne trouvent pas réponse à leurs besoins ou viennent trop tardivement, ce qui induit des situations complexes", a-t-il relaté. La permanence des soins repose sur seulement 18 psychiatres.
En juin, la direction de l'établissement a présenté une réorganisation prévoyant la fermeture de 42 lits pendant l'été car trois unités d'hospitalisation étaient sans médecin. Cinq unités de psychiatrie polyvalente ont pu être maintenues avec un ETP présent du lundi au vendredi.
La mise en œuvre de cette réorganisation a commencé le 19 juin et s'est terminée le 28 juillet, le temps de pouvoir fermer les lits progressivement, a précisé le directeur adjoint.
Des médecins de l'EPSM de la Sarthe ont publié une tribune le 28 juillet pour dénoncer "la situation catastrophique" de la psychiatrie dans le département avec "une dégradation dramatique de l'offre de soins psychiatriques dans la Sarthe". Ils ont évoqué une pénurie médicale d'"un niveau extrême".
Le directeur adjoint liste plusieurs problèmes qui se cumulent, dont un manque de capacitaire.
"Nous avons dû fermer ces lits alors que la demande est forte. Il y a une attente longue pour être hospitalisé", a-t-il reconnu. Les patients sont maintenus à domicile -avec un accompagnement par l'équipe ambulatoire- mais certains passent par les urgences du CH du Mans et cela conduit à une embolisation du service.
Le service d'accès aux soins (SAS) psychiatrique a fonctionné d'août à septembre 2022 mais n'a pu reprendre que le 5 juin 2023, le temps d'avoir les ressources paramédicales. Il y a maintenant un infirmier au Samu du Mans qui peut être sollicité par la régulation de 12h30 à 20h.
Un dispositif ambulatoire a été mis en place pour accompagner la fermeture de lits pour faire attendre les patients à leur domicile. Il comprend des interventions en distanciel avec des appels téléphoniques et en présentiel -le patient vient au centre médico-psychologique (CMP) ou le médecin à domicile. A J3, le patient est réévalué par le psychiatre pour revoir l'indication ou pour orienter le patient en hôpital de jour de soins renforcés.
Actuellement, quatre patients sont dans ce dispositif qui évite le passage aux urgences, a-t-il cité.
Le manque de capacitaire de l'EPSM de la Sarthe a des répercussions sur les urgences du CH du Mans, où des patients attendent plusieurs jours un lit "dans des conditions qui ne sont pas adaptées", a-t-il reconnu.
Il était prévu de délocaliser la zone tampon préhospitalière du Mans à l'EPSM au 1er août, mais cela n'interviendra que début septembre, le temps de trouver les ressources médicales. "L'ARS [agence régionale de santé] nous accompagne", a-t-il rapporté.
Des arrêts maladie
Autre difficulté du moment: des arrêts maladie parmi les médecins de l'EPSM travaillant au sein du pôle de psychiatrie d'urgence au CH du Mans qui fournissent des soins psychiatriques aux patients des urgences si nécessaire et qui surveillent les patients en attente d'un lit. Parmi ces médecins (3 ETP, 4 médecins), deux sont en arrêt maladie et un troisième part en congés vendredi. Il ne restera plus qu'un senior. "Nous sommes en discussion avec l'ARS et d'autres établissements pour s'organiser pour lundi et proposer une organisation dégradée", a indiqué Samuel Rezé-Virfolet.
Ce pôle comprend une unité de court séjour de 10 lits, une équipe mobile de prévention du suicide, le SAS psychiatrique, une plateforme libérale et une équipe mobile qui se rend aux urgences du pôle santé Sarthe-et-Loir (PSSL).
Depuis le 4 juillet 2022, l'ARS a mis en place une cellule régionale d'ordonnancement en psychiatrie (Crop) portée par le CHU de Nantes. Cette cellule est sollicitée pour trouver un lit chaque fois que l'EPSM a un patient en attente d'hospitalisation et des transferts sont organisés. En un an, 150 patients ont été transférés, avec leur consentement, vers un hôpital ayant un lit disponible.
L'ARS mobilisée
La psychiatrie connaît, en Pays de la Loire, une situation de sous-densité importante en médecins psychiatres. Cette situation est amplifiée au niveau du département de la Sarthe. L'EPSM de la Sarthe, seul établissement public autorisé en psychiatrie dans le département, a connu ces dernières années une forte réduction du nombre de ses psychiatres (60 psychiatres en 2014, 30 en 2022). En 2023, le départ de 3 psychiatres l'a obligé à fermer 3 unités soit 42 lits pendant la période estivale, décrit l'ARS, sollicitée par APMnews.
L'agence "reste extrêmement mobilisée: cette situation est suivie quotidiennement par nos équipes, en lien avec l'EPSM et le CH du Mans". "Au-delà de la fermeture de lits à l'EPSM, les parcours des patients en soins psychiatriques sont impactés, notamment au sein du service d'accueil des urgences du CH du Mans, faute de solutions d'hospitalisation en psychiatrie post-urgences", reconnaît-elle.
L'ARS indique avoir renforcé la solidarité régionale en demandant aux autres établissements de la région d'accueillir des patients sarthois. "L'ensemble des acteurs ont également travaillé sous l'égide de l'ARS à la création d'une unité susceptible d'accueillir les patients en sortie du service des urgences et en attente d'hospitalisation. Cette unité sera positionnée début septembre au sein de l'EPSM et fonctionnera avec d'autres psychiatres venant apporter leur soutien à l'EPSM.
Face à l'arrêt le 1er août de 3 psychiatres sur les 4 exerçant dans le pôle psychiatrie urgences (PPU) de l'EPSM qui a accru les tensions, "de nouvelles mesures ont donc été travaillées pour apporter une réponse à la situation de crise: renforcement de l'ordonnancement régional des lits piloté par l'ARS, sécurisation des lignes d'avis de psychiatres par téléconsultation ou en présentiel, renforcement du SAS psychiatrique sarthois, appel à la réserve sanitaire, etc. Ces travaux ont associé les professionnels de l'EPSM, du CH du Mans, et du Centre médico-chirurgical du Mans (CMCM), mais aussi les professionnels des CHU de Nantes, d'Angers et du Cesame [Centre de santé mentale angevin] qui apportent un soutien déterminant."
"Des mesures RH spécifiques d'attractivité sont également mises en place pour le déploiement de ressources médicales en santé mentale, en soutien de l'EPSM de la Sarthe: une charte a été signée à cet effet par la Fédération hospitalière de France (FHF), l'EPSM de la Sarthe et l'ARS", ajoute l'agence. A cet égard, elle salue "l'engagement sans faille et l'investissement des équipes médicales et soignantes de santé et des directions des établissements sarthois et des établissements de la région venant en soutien dans la prise en charge des patients sarthois et dans la recherche de solutions".
En juin, l'ARS Pays de la Loire avait annoncé déjà avoir lancé un plan d'urgence pour la santé mentale, du fait de "l'urgence de la situation". L'objectif est de "sécuriser la prise en charge des patients et de redonner des perspectives aux acteurs du terrain".
Ce plan d'urgence cherche à renforcer la psychiatrie de secteur et à agir en amont et en périphérie de l'hospitalisation.
sl/ab/APMnews