Actualités de l'Urgence - APM

ERREURS DIAGNOSTIQUES AUX URGENCES: LES PROFESSIONNELS RÉPONDENT À LA HAS EN APPELANT À DES "DÉCISIONS POLITIQUES"
Les professionnels de la médecine d'urgence "prennent acte de la publication 'Flash sécurité patient'" du 8 avril de la Haute autorité de santé (HAS) "portant sur les erreurs diagnostiques dans les services d'urgences", déclarent Samu-Urgences de France (SUdF), la Société française de médecine d'urgence (SFMU), le Collège français de médecine d'urgence (CFMU), le Collège national des universitaires de médecine d'urgence (Cnumu) et le Conseil national des universités (CNU).
Ils saluent "cette initiative visant à renforcer la qualité des soins et la sécurité des patients, tout en regrettant la tonalité dramatisante et alarmiste du message, qui pourrait laisser croire à une mise en accusation des professionnels de médecine d'urgence".
Les erreurs en lien avec le diagnostic "représentent la cinquième cause immédiate la plus citée dans les déclarations d'événements indésirables associés aux soins (EIGS) reçues à la HAS et la deuxième seulement si l'on considère uniquement les EIGS liés aux services des urgences", est-il précisé dans cette édition de "Flash sécurité patient".
Le diagnostic "nécessite un ensemble complexe d'étapes pour recueillir, intégrer et interpréter les informations, et chacune est sujette aux erreurs", explique la HAS, donnant trois exemples d'EIGS liés au diagnostic aux urgences.
Les erreurs diagnostiques "sont très souvent multifactorielles, combinant des causes systémiques et cognitives", expose-t-elle, avant d'émettre des recommandations pour diminuer les risques.
La haute autorité préconise ainsi de "sensibiliser les professionnels au risque d'erreurs diagnostiques", "mieux former les professionnels, de façon initiale et continue" et d'améliorer le travail en équipe (notamment s'assurer de la présence et de la disponibilité en continu d'un médecin senior dans les services des urgences et, si la supervision ne peut pas être systématique, formaliser les situations concernées, par exemple pour la sortie des patients ou la validation des comptes rendus d'imagerie).
Elle invite également à "limiter les biais cognitifs" (identifier les situations à risque spécifiques à son environnement de travail, avoir "des prises en charge protocolées"…), mais aussi à "améliorer les processus diagnostiques et les conditions de travail" (favoriser l'utilisation des systèmes d'information comportant des aides au diagnostic, formaliser le circuit d'information des résultats d'examens critiques, s'assurer de l'existence de moyens humains suffisants, d'équipements techniques fonctionnels et de locaux adaptés).
La HAS préconise aussi d'"engager les patients et leurs proches" sur les signes d'alerte.
Pour les professionnels de la médecine d'urgence, les erreurs diagnostiques, "bien que rares", doivent bien faire "l'objet d'une vigilance renforcée". Mais les présenter "comme un phénomène quasi exclusif des services d'urgence, sans mise en perspective avec l'ensemble du système de soins, est méthodologiquement discutable", critiquent-ils.
Ils estiment aussi que "ne pas avoir évoqué la nécessaire adéquation entre la charge en soins et le personnel -médecins et soignants urgentistes- en poste interroge sur le prisme d'analyse choisi par la HAS".
Définir en "priorité" les ratios de soignants par patient aux urgences
"Plutôt que d'y voir une stigmatisation, nous choisissons de prendre cette alerte comme une opportunité, celle de rappeler au ministère de la santé que les conditions d'exercice aux urgences sont un facteur majeur de ces erreurs", répondent les signataires du communiqué.
"Ces conditions relèvent non pas d'un manque d'engagement des professionnels mais bien de décisions (ou non-décisions) politiques", opposent-ils.
Les organisations listent une série de mesures réclamées afin que les recommandations de la HAS puissent être "suivies d'effets".
"Depuis 2017, date de création du diplôme d'études spécialisées en médecine d'urgence (Desmu), nous demandons inlassablement aux gouvernements successifs que sa durée soit portée de quatre à cinq ans, comme dans la majorité des pays européens", soulignent-ils.
S'agissant des conditions de travail, "cela fait des années que nous alertons les pouvoirs publics sur la surmortalité liée au manque de lits d'aval, facteur majeur démontré de surmortalité, et que nous demandons qu'un indicateur sur les patients brancard soit publié au quotidien".
La situation actuelle "entraîne un engorgement des services et des prises en charge dégradées et elle expose les patients comme les soignants à des risques évitables", pointent les organisations.
"A cela s'ajoute une mise en œuvre encore incomplète des SAS (services d'accès aux soins) et de ses filières spécialisées (psychiatrie, pédiatrie, gériatrie), pourtant cruciales pour améliorer le parcours patient et éviter certains passages aux urgences".
"La principale source de désorganisation médicale reste le sous-effectif, avec environ 40% des postes vacants, obligeant le recours à des remplaçants, à des médecins non qualifiés en médecine d'urgence ou à celui de médecins juniors", déplorent également les représentants de la médecine d'urgence. "Les mesures d'attractivité des carrières hospitalières et d'amélioration des conditions de travail demandées depuis de nombreuses années n'ont jamais trouvé écho."
Quant aux "biais cognitifs", comment les réduire "alors que les médecins urgentistes doivent gérer simultanément des patients, qui sont en nombre toujours plus important, y compris dans des lits-brancards?", interpellent-ils.
"Comment assurer un raisonnement clinique sécurisé et une bonne orientation dans le système de soins lorsque le nombre d'ARM [assistants de régulation médicale] et de médecins n'a pas été dimensionné correctement pour répondre au nombre d'appels reçus par les Samu-SAS?"
"Nous remercions néanmoins la HAS de mettre en lumière" des situations de décès évitables "que nous dénonçons depuis plus d'une décennie", concluent les organisations. "Cela nous permet, à notre tour, de rappeler à l'Etat l'urgence d'agir sur les facteurs structurels qui relèvent de sa compétence exclusive."
Les signataires demandent à la haute autorité de prendre en compte "de manière prioritaire [leur] spécialité pour définir les ratios de soignants nécessaires à l'activité d'urgence, conformément à la loi du 29 janvier " relative à l'instauration d'un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé (cf dépêche du 30/01/2025 à 10:26).
mlb/nc/APMnews
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ERREURS DIAGNOSTIQUES AUX URGENCES: LES PROFESSIONNELS RÉPONDENT À LA HAS EN APPELANT À DES "DÉCISIONS POLITIQUES"
Les professionnels de la médecine d'urgence "prennent acte de la publication 'Flash sécurité patient'" du 8 avril de la Haute autorité de santé (HAS) "portant sur les erreurs diagnostiques dans les services d'urgences", déclarent Samu-Urgences de France (SUdF), la Société française de médecine d'urgence (SFMU), le Collège français de médecine d'urgence (CFMU), le Collège national des universitaires de médecine d'urgence (Cnumu) et le Conseil national des universités (CNU).
Ils saluent "cette initiative visant à renforcer la qualité des soins et la sécurité des patients, tout en regrettant la tonalité dramatisante et alarmiste du message, qui pourrait laisser croire à une mise en accusation des professionnels de médecine d'urgence".
Les erreurs en lien avec le diagnostic "représentent la cinquième cause immédiate la plus citée dans les déclarations d'événements indésirables associés aux soins (EIGS) reçues à la HAS et la deuxième seulement si l'on considère uniquement les EIGS liés aux services des urgences", est-il précisé dans cette édition de "Flash sécurité patient".
Le diagnostic "nécessite un ensemble complexe d'étapes pour recueillir, intégrer et interpréter les informations, et chacune est sujette aux erreurs", explique la HAS, donnant trois exemples d'EIGS liés au diagnostic aux urgences.
Les erreurs diagnostiques "sont très souvent multifactorielles, combinant des causes systémiques et cognitives", expose-t-elle, avant d'émettre des recommandations pour diminuer les risques.
La haute autorité préconise ainsi de "sensibiliser les professionnels au risque d'erreurs diagnostiques", "mieux former les professionnels, de façon initiale et continue" et d'améliorer le travail en équipe (notamment s'assurer de la présence et de la disponibilité en continu d'un médecin senior dans les services des urgences et, si la supervision ne peut pas être systématique, formaliser les situations concernées, par exemple pour la sortie des patients ou la validation des comptes rendus d'imagerie).
Elle invite également à "limiter les biais cognitifs" (identifier les situations à risque spécifiques à son environnement de travail, avoir "des prises en charge protocolées"…), mais aussi à "améliorer les processus diagnostiques et les conditions de travail" (favoriser l'utilisation des systèmes d'information comportant des aides au diagnostic, formaliser le circuit d'information des résultats d'examens critiques, s'assurer de l'existence de moyens humains suffisants, d'équipements techniques fonctionnels et de locaux adaptés).
La HAS préconise aussi d'"engager les patients et leurs proches" sur les signes d'alerte.
Pour les professionnels de la médecine d'urgence, les erreurs diagnostiques, "bien que rares", doivent bien faire "l'objet d'une vigilance renforcée". Mais les présenter "comme un phénomène quasi exclusif des services d'urgence, sans mise en perspective avec l'ensemble du système de soins, est méthodologiquement discutable", critiquent-ils.
Ils estiment aussi que "ne pas avoir évoqué la nécessaire adéquation entre la charge en soins et le personnel -médecins et soignants urgentistes- en poste interroge sur le prisme d'analyse choisi par la HAS".
Définir en "priorité" les ratios de soignants par patient aux urgences
"Plutôt que d'y voir une stigmatisation, nous choisissons de prendre cette alerte comme une opportunité, celle de rappeler au ministère de la santé que les conditions d'exercice aux urgences sont un facteur majeur de ces erreurs", répondent les signataires du communiqué.
"Ces conditions relèvent non pas d'un manque d'engagement des professionnels mais bien de décisions (ou non-décisions) politiques", opposent-ils.
Les organisations listent une série de mesures réclamées afin que les recommandations de la HAS puissent être "suivies d'effets".
"Depuis 2017, date de création du diplôme d'études spécialisées en médecine d'urgence (Desmu), nous demandons inlassablement aux gouvernements successifs que sa durée soit portée de quatre à cinq ans, comme dans la majorité des pays européens", soulignent-ils.
S'agissant des conditions de travail, "cela fait des années que nous alertons les pouvoirs publics sur la surmortalité liée au manque de lits d'aval, facteur majeur démontré de surmortalité, et que nous demandons qu'un indicateur sur les patients brancard soit publié au quotidien".
La situation actuelle "entraîne un engorgement des services et des prises en charge dégradées et elle expose les patients comme les soignants à des risques évitables", pointent les organisations.
"A cela s'ajoute une mise en œuvre encore incomplète des SAS (services d'accès aux soins) et de ses filières spécialisées (psychiatrie, pédiatrie, gériatrie), pourtant cruciales pour améliorer le parcours patient et éviter certains passages aux urgences".
"La principale source de désorganisation médicale reste le sous-effectif, avec environ 40% des postes vacants, obligeant le recours à des remplaçants, à des médecins non qualifiés en médecine d'urgence ou à celui de médecins juniors", déplorent également les représentants de la médecine d'urgence. "Les mesures d'attractivité des carrières hospitalières et d'amélioration des conditions de travail demandées depuis de nombreuses années n'ont jamais trouvé écho."
Quant aux "biais cognitifs", comment les réduire "alors que les médecins urgentistes doivent gérer simultanément des patients, qui sont en nombre toujours plus important, y compris dans des lits-brancards?", interpellent-ils.
"Comment assurer un raisonnement clinique sécurisé et une bonne orientation dans le système de soins lorsque le nombre d'ARM [assistants de régulation médicale] et de médecins n'a pas été dimensionné correctement pour répondre au nombre d'appels reçus par les Samu-SAS?"
"Nous remercions néanmoins la HAS de mettre en lumière" des situations de décès évitables "que nous dénonçons depuis plus d'une décennie", concluent les organisations. "Cela nous permet, à notre tour, de rappeler à l'Etat l'urgence d'agir sur les facteurs structurels qui relèvent de sa compétence exclusive."
Les signataires demandent à la haute autorité de prendre en compte "de manière prioritaire [leur] spécialité pour définir les ratios de soignants nécessaires à l'activité d'urgence, conformément à la loi du 29 janvier " relative à l'instauration d'un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé (cf dépêche du 30/01/2025 à 10:26).
mlb/nc/APMnews