Actualités de l'Urgence - APM
DÉSERTS MÉDICAUX: L'ASSOCIATION DES PETITES VILLES DE FRANCE APPELLE À UNE RÉGULATION DE L'INSTALLATION DES PRATICIENS
L'APVF organisait jeudi et vendredi son congrès à Amboise (Indre-et-Loire) avec pour thème principal "Petites villes: face aux urgences, le pari de l'intelligence non artificielle". Une table ronde a été consacrée jeudi à la question des déserts médicaux.
L'association alerte depuis le début des années 2000 sur la "désertification médicale". Malheureusement, le phénomène "se poursuit et s'aggrave d'année en année", a déclaré mercredi à APMnews Gustave Richard, conseiller écologie, santé et culture à l'APVF.
Une des manifestations de cette dégradation est la multiplication actuellement d'arrêtés municipaux mettant l'Etat en demeure d'agir pour l'accès aux soins sur un territoire, a-t-il souligné.
Ces arrêtés municipaux, qui émanent le plus souvent de communes rurales, dénoncent la "défaillance de l'Etat en matière de garantie et d'accès aux soins des citoyens". Et même s'ils ont "peu de chances d'aller au bout juridiquement", le "geste politique est fort".
Cela "vient pointer le fait que les élus locaux et les collectivités locales sont de plus en plus obligés de monter au créneau sur les politiques d'accès aux soins", alors "qu'à la base, ce n'est pas le cœur" de leurs missions, a poursuivi Gustave Richard.
Lorsqu'il n'y a plus de médecins sur un territoire, la "première cible du mécontentement des habitants sont les élus locaux". Ils représentent le "premier kilomètre de l'action publique" et sont "un peu à portée de baffes".
Par exemple, à Pibrac (Haute-Garonne) près de Toulouse, la maire socialiste Camille Pouponneau "explique que les habitants viennent la voir directement pour lui demander comment faire face à l'absence de médecin". Ce sont ces expériences qui "poussent les maires à intenter des actions en justice", a souligné Gustave Richard.
Une concurrence parfois "délétère" entre communes pour attirer des médecins
L'APVF propose des solutions pour lutter contre la désertification médicale, au premier rang desquelles un investissement financier des communes pour la création de maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP).
"Nous sommes convaincus que la solution viendra de la coopération accrue entre les médecins et les autres professionnels de santé, avec un maillage de pharmacies qui doit rester important, d'autant plus dans les communes où il n'y a plus de présence médicale", a expliqué Gustave Richard.
Le soutien aux MSP prend souvent la forme d'aides financières pour l'achat ou la location de locaux.
A certains endroits, la "situation est telle que les communes sont dans l'obligation d'apporter un soutien financier à des projets de centres de santé qui sont des structures beaucoup plus coûteuses car elles impliquent un salariat des professionnels de santé".
Le modèle financier des centres de santé est "souvent déficitaire" et "représente un coût important pour les communes", a-t-il observé. Il s'envisage souvent en dernier recours pour attirer des praticiens "quand il n'y a plus d'autres choix".
Gustave Richard évoque par ailleurs un phénomène de concurrence "pervers" qui se produit parfois entre les communes pour attirer des médecins.
"En l'absence de régulation de l'installation des médecins, de plus en plus de collectivités mettent en place des aides pour le financement de locaux." Le problème, "c'est qu'on se retrouve un peu dans une course à l'échalote", a-t-il déploré.
Pour lui, ce "phénomène concurrentiel montre très vite ses limites car ce sont les communes avec le plus de moyens qui réussiront à attirer les médecins".
Face à ces situations de tensions et pour éviter une concurrence délétère entre communes, l'APVF est favorable à la mise en place d'un "système de conventionnement sélectif", a mis en avant Gustave Richard.
L'idée est de "répartir les médecins selon les indicateurs du ministère de la santé qui définissent les zones bien dotées et sous-dotées". D'après ces données, il y a un manque de médecins sur 87% du territoire français, à des degrés différents.
"Sur les 13% restants de zones bien dotées, il faut que les départs de médecins, par exemple à la retraite, ne soient pas remplacés pour qu'il puisse y avoir un nombre proportionnel d'installations dans des zones sous-dotées", a développé le conseiller.
Ce "rééquilibrage" entre zones bien dotées et sous-dotées aurait pour conséquence de diminuer l'engorgement des urgences dans les hôpitaux car, faute de médecins, la population des déserts médicaux est dans l'obligation de se rendre dans ces services.
Une "inégalité profonde" entre les territoires
"Il y a une inégalité profonde dans l'installation des médecins entre les différents territoires français", a déclaré jeudi à APMnews Jean-Pierre Bouquet, maire socialiste de Vitry-le-François (Marne) et référent de l'APVF.
Par exemple, "nous constatons des taux d'installation 25 fois supérieurs dans les Hautes-Alpes et, a contrario, des installations quasiment négatives dans la Creuse ou en Corrèze".
C'est un "problème majeur". La "médecine est financée par les cotisations de tous or nous sommes dans une République: si tout le monde paye, tout le monde doit avoir un accès égal ou du moins acceptable", a plaidé Jean-Pierre Bouquet.
"Il y a donc une rupture d'égalité dans l'accès aux soins" et l'APVF demande une régulation.
"Je ne crois pas que l'assignation de médecins à un poste de travail soit la bonne méthode." En revanche, le "principe d'égalité implique une régulation de l'installation, en particulier pour qu'il n'y ait plus d'installations dans les départements bien dotés", a fait valoir Jean-Pierre Bouquet.
L'association demande par ailleurs un renforcement du rôle des élus locaux dans la gouvernance des agences régionales de santé (ARS). Cette proposition a été "partiellement obtenue" dans la loi du 22 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite "loi 3DS" (cf dépêche du 22/02/2022 à 10:56), a complété Gustave Richard.
L'APVF représente depuis 1990 les communes de 2.500 à 25.000 habitants, pour "promouvoir leur rôle spécifique dans l'aménagement du territoire". Elle compte aujourd'hui près de 1.200 adhérents, présents dans tous les départements de France métropolitaine et d'outre-mer.
syl/cb/APMnews
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DÉSERTS MÉDICAUX: L'ASSOCIATION DES PETITES VILLES DE FRANCE APPELLE À UNE RÉGULATION DE L'INSTALLATION DES PRATICIENS
L'APVF organisait jeudi et vendredi son congrès à Amboise (Indre-et-Loire) avec pour thème principal "Petites villes: face aux urgences, le pari de l'intelligence non artificielle". Une table ronde a été consacrée jeudi à la question des déserts médicaux.
L'association alerte depuis le début des années 2000 sur la "désertification médicale". Malheureusement, le phénomène "se poursuit et s'aggrave d'année en année", a déclaré mercredi à APMnews Gustave Richard, conseiller écologie, santé et culture à l'APVF.
Une des manifestations de cette dégradation est la multiplication actuellement d'arrêtés municipaux mettant l'Etat en demeure d'agir pour l'accès aux soins sur un territoire, a-t-il souligné.
Ces arrêtés municipaux, qui émanent le plus souvent de communes rurales, dénoncent la "défaillance de l'Etat en matière de garantie et d'accès aux soins des citoyens". Et même s'ils ont "peu de chances d'aller au bout juridiquement", le "geste politique est fort".
Cela "vient pointer le fait que les élus locaux et les collectivités locales sont de plus en plus obligés de monter au créneau sur les politiques d'accès aux soins", alors "qu'à la base, ce n'est pas le cœur" de leurs missions, a poursuivi Gustave Richard.
Lorsqu'il n'y a plus de médecins sur un territoire, la "première cible du mécontentement des habitants sont les élus locaux". Ils représentent le "premier kilomètre de l'action publique" et sont "un peu à portée de baffes".
Par exemple, à Pibrac (Haute-Garonne) près de Toulouse, la maire socialiste Camille Pouponneau "explique que les habitants viennent la voir directement pour lui demander comment faire face à l'absence de médecin". Ce sont ces expériences qui "poussent les maires à intenter des actions en justice", a souligné Gustave Richard.
Une concurrence parfois "délétère" entre communes pour attirer des médecins
L'APVF propose des solutions pour lutter contre la désertification médicale, au premier rang desquelles un investissement financier des communes pour la création de maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP).
"Nous sommes convaincus que la solution viendra de la coopération accrue entre les médecins et les autres professionnels de santé, avec un maillage de pharmacies qui doit rester important, d'autant plus dans les communes où il n'y a plus de présence médicale", a expliqué Gustave Richard.
Le soutien aux MSP prend souvent la forme d'aides financières pour l'achat ou la location de locaux.
A certains endroits, la "situation est telle que les communes sont dans l'obligation d'apporter un soutien financier à des projets de centres de santé qui sont des structures beaucoup plus coûteuses car elles impliquent un salariat des professionnels de santé".
Le modèle financier des centres de santé est "souvent déficitaire" et "représente un coût important pour les communes", a-t-il observé. Il s'envisage souvent en dernier recours pour attirer des praticiens "quand il n'y a plus d'autres choix".
Gustave Richard évoque par ailleurs un phénomène de concurrence "pervers" qui se produit parfois entre les communes pour attirer des médecins.
"En l'absence de régulation de l'installation des médecins, de plus en plus de collectivités mettent en place des aides pour le financement de locaux." Le problème, "c'est qu'on se retrouve un peu dans une course à l'échalote", a-t-il déploré.
Pour lui, ce "phénomène concurrentiel montre très vite ses limites car ce sont les communes avec le plus de moyens qui réussiront à attirer les médecins".
Face à ces situations de tensions et pour éviter une concurrence délétère entre communes, l'APVF est favorable à la mise en place d'un "système de conventionnement sélectif", a mis en avant Gustave Richard.
L'idée est de "répartir les médecins selon les indicateurs du ministère de la santé qui définissent les zones bien dotées et sous-dotées". D'après ces données, il y a un manque de médecins sur 87% du territoire français, à des degrés différents.
"Sur les 13% restants de zones bien dotées, il faut que les départs de médecins, par exemple à la retraite, ne soient pas remplacés pour qu'il puisse y avoir un nombre proportionnel d'installations dans des zones sous-dotées", a développé le conseiller.
Ce "rééquilibrage" entre zones bien dotées et sous-dotées aurait pour conséquence de diminuer l'engorgement des urgences dans les hôpitaux car, faute de médecins, la population des déserts médicaux est dans l'obligation de se rendre dans ces services.
Une "inégalité profonde" entre les territoires
"Il y a une inégalité profonde dans l'installation des médecins entre les différents territoires français", a déclaré jeudi à APMnews Jean-Pierre Bouquet, maire socialiste de Vitry-le-François (Marne) et référent de l'APVF.
Par exemple, "nous constatons des taux d'installation 25 fois supérieurs dans les Hautes-Alpes et, a contrario, des installations quasiment négatives dans la Creuse ou en Corrèze".
C'est un "problème majeur". La "médecine est financée par les cotisations de tous or nous sommes dans une République: si tout le monde paye, tout le monde doit avoir un accès égal ou du moins acceptable", a plaidé Jean-Pierre Bouquet.
"Il y a donc une rupture d'égalité dans l'accès aux soins" et l'APVF demande une régulation.
"Je ne crois pas que l'assignation de médecins à un poste de travail soit la bonne méthode." En revanche, le "principe d'égalité implique une régulation de l'installation, en particulier pour qu'il n'y ait plus d'installations dans les départements bien dotés", a fait valoir Jean-Pierre Bouquet.
L'association demande par ailleurs un renforcement du rôle des élus locaux dans la gouvernance des agences régionales de santé (ARS). Cette proposition a été "partiellement obtenue" dans la loi du 22 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite "loi 3DS" (cf dépêche du 22/02/2022 à 10:56), a complété Gustave Richard.
L'APVF représente depuis 1990 les communes de 2.500 à 25.000 habitants, pour "promouvoir leur rôle spécifique dans l'aménagement du territoire". Elle compte aujourd'hui près de 1.200 adhérents, présents dans tous les départements de France métropolitaine et d'outre-mer.
syl/cb/APMnews