Actualités de l'Urgence - APM

AUX URGENCES DU CHU DE LIMOGES, L'UNITÉ DE MÉDECINE SPÉCIALISÉE POUR PERSONNES ÂGÉES FAIT SES PREUVES
LIMOGES, 24 novembre 2017 (APMnews) - Deux ans après sa création, l'unité de médecine d'urgences pour personnes âgées (Mupa), au sein des urgences du CHU de Limoges, a fait la preuve de son efficacité, tant pour les personnes âgées accueillies que pour l'organisation des urgences, ont expliqué à APMnews lors d'une visite au CHU, le Dr Achille Tchalla, chef du service de médecine gériatrique, et le Dr Jean-François Cueille, chef du service des urgences adultes.
La Mupa -première du genre en France- est née très précisément le 17 novembre 2014, après une période agitée aux urgences du CHU de Limoges, qui enregistraient une affluence croissante de personnes âgées tout en souffrant d'un manque d'organisation et de moyens, dénoncé en son temps par les urgentistes (cf dépêche du 21/11/2014 à 18:56).
"L'année 2013 a été terrible, avec un nombre très important de personnes âgées aux urgences, qui y restaient parfois plusieurs jours", a raconté le Dr Achille Tchalla.
Cette unité est née dans un contexte local spécifique, le Limousin se caractérisant par une forte population âgée, a rappelé le gériatre: "Les plus de 75 ans représentaient 13% de la population de la région en 2010, contre 9% en France, et ils représenteront 46% en 2035, contre 39% en France", a-t-il détaillé.
Elle a aussi "bénéficié d'un alignement des planètes favorable", a relevé Jean-François Cueille, citant un vrai "soutien institutionnel", la direction et la communauté médicale du CHU étant convaincues de la nécessité de cette unité. Et puis, "les effectifs de la Mupa ne sont pas comptés dans les effectifs des urgences", a-t-il précisé, ce qui est évidemment un argument non négligeable pour l'acceptation des "Muppistes" au sein de son service.

La Mupa accompagne 3.000 patients par an, dont 500 présentent des troubles neurocognitifs majeurs (TNCM), dont la maladie d'Alzheimer.
Cinq critères pour déterminer l'admission
Avant la Mupa, le CHU de Limoges avait mis en place une équipe mobile de gériatrie aux urgences, mais il n'y avait pas de prise en charge complète et globale de la personne âgée, pas de visibilité sur son parcours ni d’évaluation gériatrique systématique avant le retour à domicile, a relevé le gériatre, toutes choses que l'unité permet désormais.

Les gériatres de la Mupa "ont, en plus, une expertise sur l'urgence 'personnes âgées' mais ils ne sont pas urgentistes", a précisé Achille Tchalla. Les infirmières, elles, "sont formées à la gérontologie"; "elles ont un vrai savoir-faire dédié à la personne âgée. Si elles n'étaient que dans la technique, la Mupa ne fonctionnerait pas", a-t-il insisté.
L'unité fonctionne en semaine de 8h30 à 18h30, avec au minimum une infirmière coordinatrice gériatrique et deux gériatres, pour les patients de plus de 75 ans répondant à certains critères. C'est l'infirmière d'accueil et d'orientation des urgences qui effectue le premier tri et détermine quel patient doit intégrer la Mupa, grâce à un questionnaire qui s'affiche automatiquement sur son écran.
Cinq critères ont été déterminés: la personne de plus de 75 ans est polypathologique; elle n'est pas en urgence vitale; elle ne nécessite pas de surveillance continue; elle ne présente pas d'urgence chirurgicale; elle ne nécessite pas de protocole de soins avec une prise en charge immédiate dans une unité spécialisée. Si le patient correspond à ces critères, après validation par le gériatre, il est automatiquement pris en charge par la Mupa, et repéré comme tel dans le logiciel d'admission.
"La chute est 4 fois plus fréquente chez les patients déments" que chez les autres patients âgés, a donné comme exemple Achille Tchalla. "Ils peuvent donc arriver aux urgences pour une chute, mais étant déments, il peut y avoir des complications. C'est là qu'il faut de l'expertise, savoir, par son comportement, les rassurer, et éviter un certain nombre de risques iatrogènes." Comme les patients âgés polypathologiques ont 7 pathologies en moyenne, l'une d'entre elles peut décompenser aux urgences, indépendamment du problème qui les a amenés à l'hôpital, ce qui peut brouiller les pistes.
De plus, ce sont des patients qui viennent à l'hôpital, qui sortent, "qui reviennent, qui ressortent, qui font l'essuie-glace. Ces patients-là, il faut les identifier dès leur première arrivée aux urgences", a-t-il ajouté.
La filière gériatrique dans la tête dès les urgences
Quand le patient est ainsi orienté, la Mupa prend le relais et décharge donc les urgentistes, même si des allers et retours sont évidemment possibles -d'autant que les patients sont au même endroit- en cas de modification de l'état de santé.

"En étant aux urgences, on porte en nous la filière gériatrique", a aussi fait valoir Achille Tchalla. "On a tous les outils en tête, donc on peut intégrer toute la prise en charge, travailler sur la trajectoire de soins, dès ce moment-là. Sans la filière, on ne pourrait pas être aussi efficace", a-t-il reconnu.

L'objectif de la Mupa est de bien orienter le patient dans la filière, de mettre en place un suivi ambulatoire, ainsi d'accompagner le retour à domicile dans les meilleures conditions possibles, et surtout, de ne pas le lâcher dans la nature. Il peut être revu si besoin très rapidement en consultation mémoire ou en hôpital de jour, "lors de consultations programmées beaucoup moins stressantes que de rester en hospitalisation", a ajouté Achille Tchalla.
Une réussite évaluée
La force de la Mupa est aussi qu'elle a été créée d'emblée avec 4 objectifs: un objectif de qualité et de sécurité des soins, évidemment, un objectif de prévention des complications iatrogènes, mais aussi -CHU oblige- des objectifs de formation (avec la création d'un diplôme universitaire "urgences et personnes âgées"), et de recherche et d'innovation, avec notamment la mise en place en cours d'un observatoire.
D'emblée aussi, les équipes ont cherché à évaluer son efficacité et son efficience. Et il n'y a pas d'ambiguïté: l'unité a permis d'améliorer la qualité de la prise en charge et de désemboliser les urgences. Le temps de passage aux urgences a diminué de 3h35, le taux de retour à domicile a augmenté de 40%, le taux de ré-hospitalisation à 48-72 heures a baissé de 50%, ainsi que le taux de ré-hospitalisation non programmée à 30 jours (cf dépêche du 24/11/2016 à 11:47).
De plus, si l'unité permet d'orienter au mieux les patients ayant des troubles neurocognitifs diagnostiqués, elle permet aussi de repérer "ceux qui ne sont pas diagnostiqués, mais chez qui on identifie une fragilité cognitive", a résumé Achille Tchalla.
L'idée d'une "équipe mobile d'intervention rapide"
Bien sûr, la Mupa ne s'est pas faite en un jour. "Ce qui a été difficile, au début, c'était de définir les limites de chacun", a reconnu Jean-François Cueille, qui assure qu'aujourd'hui, "il y a un vrai travail d'équipe, personne ne pique la place de l'autre". Si la création de l'unité et son intégration apparemment réussie au sein des urgences doit visiblement beaucoup aux personnalités de Jean-François Cueille et d'Achille Tchalla, le dispositif, pour être pérenne, ne doit pas reposer seulement "sur les hommes", a prévenu l'urgentiste (cf dépêche du 21/05/2015 à 16:40).

"Un travail de master II a été réalisé pour montrer, pendant 6 mois, quel pourrait être l'impact de la présence d'un pharmacien clinicien au sein de la Mupa", a détaillé Achille Tchalla. "Cette intervention a montré un intérêt considérable et nous souhaitons aller plus loin. On va avoir une deuxième interne en pharmacie qui va nous permettre d'évaluer l'impact d'une consultation médicamenteuse dès les urgences", a-t-il avancé.
"On pense aussi coupler la télémédecine à cette activité", a-t-il assuré. Ainsi, dans le cadre du groupement hospitalier de territoire (GHT) du Limousin, pourraient être organisées à partir de la Mupa des consultations non programmées pour d'autres hôpitaux, des médecins généralistes ou des Ehpad.
Autre idée actuellement examinée, la création d'une "équipe mobile d'intervention rapide", ainsi que l'a défini le gériatre, qui pourrait, dans la semaine ou les deux semaines suivant le passage aux urgences, se rendre chez les patients "pour conforter le maintien à domicile".
Il est par ailleurs envisagé que la Mupa fonctionne aussi le week-end.
La Mupa du CHU de Limoges a été lauréate de l'édition 2017 du prix de la Fondation Médéric Alzheimer et de la Fédération hospitalière de France (FHF) "Hospitalisation en services non gériatriques et aux urgences des personnes atteintes de troubles cognitifs: pour un meilleur accueil et une nouvelle prise en charge" (cf dépêche du 17/05/2017 à 15:25).
vl/ab/APMnews
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AUX URGENCES DU CHU DE LIMOGES, L'UNITÉ DE MÉDECINE SPÉCIALISÉE POUR PERSONNES ÂGÉES FAIT SES PREUVES
LIMOGES, 24 novembre 2017 (APMnews) - Deux ans après sa création, l'unité de médecine d'urgences pour personnes âgées (Mupa), au sein des urgences du CHU de Limoges, a fait la preuve de son efficacité, tant pour les personnes âgées accueillies que pour l'organisation des urgences, ont expliqué à APMnews lors d'une visite au CHU, le Dr Achille Tchalla, chef du service de médecine gériatrique, et le Dr Jean-François Cueille, chef du service des urgences adultes.
La Mupa -première du genre en France- est née très précisément le 17 novembre 2014, après une période agitée aux urgences du CHU de Limoges, qui enregistraient une affluence croissante de personnes âgées tout en souffrant d'un manque d'organisation et de moyens, dénoncé en son temps par les urgentistes (cf dépêche du 21/11/2014 à 18:56).
"L'année 2013 a été terrible, avec un nombre très important de personnes âgées aux urgences, qui y restaient parfois plusieurs jours", a raconté le Dr Achille Tchalla.
Cette unité est née dans un contexte local spécifique, le Limousin se caractérisant par une forte population âgée, a rappelé le gériatre: "Les plus de 75 ans représentaient 13% de la population de la région en 2010, contre 9% en France, et ils représenteront 46% en 2035, contre 39% en France", a-t-il détaillé.
Elle a aussi "bénéficié d'un alignement des planètes favorable", a relevé Jean-François Cueille, citant un vrai "soutien institutionnel", la direction et la communauté médicale du CHU étant convaincues de la nécessité de cette unité. Et puis, "les effectifs de la Mupa ne sont pas comptés dans les effectifs des urgences", a-t-il précisé, ce qui est évidemment un argument non négligeable pour l'acceptation des "Muppistes" au sein de son service.

La Mupa accompagne 3.000 patients par an, dont 500 présentent des troubles neurocognitifs majeurs (TNCM), dont la maladie d'Alzheimer.
Cinq critères pour déterminer l'admission
Avant la Mupa, le CHU de Limoges avait mis en place une équipe mobile de gériatrie aux urgences, mais il n'y avait pas de prise en charge complète et globale de la personne âgée, pas de visibilité sur son parcours ni d’évaluation gériatrique systématique avant le retour à domicile, a relevé le gériatre, toutes choses que l'unité permet désormais.

Les gériatres de la Mupa "ont, en plus, une expertise sur l'urgence 'personnes âgées' mais ils ne sont pas urgentistes", a précisé Achille Tchalla. Les infirmières, elles, "sont formées à la gérontologie"; "elles ont un vrai savoir-faire dédié à la personne âgée. Si elles n'étaient que dans la technique, la Mupa ne fonctionnerait pas", a-t-il insisté.
L'unité fonctionne en semaine de 8h30 à 18h30, avec au minimum une infirmière coordinatrice gériatrique et deux gériatres, pour les patients de plus de 75 ans répondant à certains critères. C'est l'infirmière d'accueil et d'orientation des urgences qui effectue le premier tri et détermine quel patient doit intégrer la Mupa, grâce à un questionnaire qui s'affiche automatiquement sur son écran.
Cinq critères ont été déterminés: la personne de plus de 75 ans est polypathologique; elle n'est pas en urgence vitale; elle ne nécessite pas de surveillance continue; elle ne présente pas d'urgence chirurgicale; elle ne nécessite pas de protocole de soins avec une prise en charge immédiate dans une unité spécialisée. Si le patient correspond à ces critères, après validation par le gériatre, il est automatiquement pris en charge par la Mupa, et repéré comme tel dans le logiciel d'admission.
"La chute est 4 fois plus fréquente chez les patients déments" que chez les autres patients âgés, a donné comme exemple Achille Tchalla. "Ils peuvent donc arriver aux urgences pour une chute, mais étant déments, il peut y avoir des complications. C'est là qu'il faut de l'expertise, savoir, par son comportement, les rassurer, et éviter un certain nombre de risques iatrogènes." Comme les patients âgés polypathologiques ont 7 pathologies en moyenne, l'une d'entre elles peut décompenser aux urgences, indépendamment du problème qui les a amenés à l'hôpital, ce qui peut brouiller les pistes.
De plus, ce sont des patients qui viennent à l'hôpital, qui sortent, "qui reviennent, qui ressortent, qui font l'essuie-glace. Ces patients-là, il faut les identifier dès leur première arrivée aux urgences", a-t-il ajouté.
La filière gériatrique dans la tête dès les urgences
Quand le patient est ainsi orienté, la Mupa prend le relais et décharge donc les urgentistes, même si des allers et retours sont évidemment possibles -d'autant que les patients sont au même endroit- en cas de modification de l'état de santé.

"En étant aux urgences, on porte en nous la filière gériatrique", a aussi fait valoir Achille Tchalla. "On a tous les outils en tête, donc on peut intégrer toute la prise en charge, travailler sur la trajectoire de soins, dès ce moment-là. Sans la filière, on ne pourrait pas être aussi efficace", a-t-il reconnu.

L'objectif de la Mupa est de bien orienter le patient dans la filière, de mettre en place un suivi ambulatoire, ainsi d'accompagner le retour à domicile dans les meilleures conditions possibles, et surtout, de ne pas le lâcher dans la nature. Il peut être revu si besoin très rapidement en consultation mémoire ou en hôpital de jour, "lors de consultations programmées beaucoup moins stressantes que de rester en hospitalisation", a ajouté Achille Tchalla.
Une réussite évaluée
La force de la Mupa est aussi qu'elle a été créée d'emblée avec 4 objectifs: un objectif de qualité et de sécurité des soins, évidemment, un objectif de prévention des complications iatrogènes, mais aussi -CHU oblige- des objectifs de formation (avec la création d'un diplôme universitaire "urgences et personnes âgées"), et de recherche et d'innovation, avec notamment la mise en place en cours d'un observatoire.
D'emblée aussi, les équipes ont cherché à évaluer son efficacité et son efficience. Et il n'y a pas d'ambiguïté: l'unité a permis d'améliorer la qualité de la prise en charge et de désemboliser les urgences. Le temps de passage aux urgences a diminué de 3h35, le taux de retour à domicile a augmenté de 40%, le taux de ré-hospitalisation à 48-72 heures a baissé de 50%, ainsi que le taux de ré-hospitalisation non programmée à 30 jours (cf dépêche du 24/11/2016 à 11:47).
De plus, si l'unité permet d'orienter au mieux les patients ayant des troubles neurocognitifs diagnostiqués, elle permet aussi de repérer "ceux qui ne sont pas diagnostiqués, mais chez qui on identifie une fragilité cognitive", a résumé Achille Tchalla.
L'idée d'une "équipe mobile d'intervention rapide"
Bien sûr, la Mupa ne s'est pas faite en un jour. "Ce qui a été difficile, au début, c'était de définir les limites de chacun", a reconnu Jean-François Cueille, qui assure qu'aujourd'hui, "il y a un vrai travail d'équipe, personne ne pique la place de l'autre". Si la création de l'unité et son intégration apparemment réussie au sein des urgences doit visiblement beaucoup aux personnalités de Jean-François Cueille et d'Achille Tchalla, le dispositif, pour être pérenne, ne doit pas reposer seulement "sur les hommes", a prévenu l'urgentiste (cf dépêche du 21/05/2015 à 16:40).

"Un travail de master II a été réalisé pour montrer, pendant 6 mois, quel pourrait être l'impact de la présence d'un pharmacien clinicien au sein de la Mupa", a détaillé Achille Tchalla. "Cette intervention a montré un intérêt considérable et nous souhaitons aller plus loin. On va avoir une deuxième interne en pharmacie qui va nous permettre d'évaluer l'impact d'une consultation médicamenteuse dès les urgences", a-t-il avancé.
"On pense aussi coupler la télémédecine à cette activité", a-t-il assuré. Ainsi, dans le cadre du groupement hospitalier de territoire (GHT) du Limousin, pourraient être organisées à partir de la Mupa des consultations non programmées pour d'autres hôpitaux, des médecins généralistes ou des Ehpad.
Autre idée actuellement examinée, la création d'une "équipe mobile d'intervention rapide", ainsi que l'a défini le gériatre, qui pourrait, dans la semaine ou les deux semaines suivant le passage aux urgences, se rendre chez les patients "pour conforter le maintien à domicile".
Il est par ailleurs envisagé que la Mupa fonctionne aussi le week-end.
La Mupa du CHU de Limoges a été lauréate de l'édition 2017 du prix de la Fondation Médéric Alzheimer et de la Fédération hospitalière de France (FHF) "Hospitalisation en services non gériatriques et aux urgences des personnes atteintes de troubles cognitifs: pour un meilleur accueil et une nouvelle prise en charge" (cf dépêche du 17/05/2017 à 15:25).
vl/ab/APMnews