Actualités de l'Urgence - APM
AU CH DE SAINT-DENIS, UNE NOUVELLE UNITÉ PSYCHIATRIQUE DE L'EPS VILLE-EVRARD POUR DÉSENGORGER LES URGENCES GÉNÉRALES
SAINT-DENIS (Seine-Saint-Denis), 9 octobre 2023 (APMnews) - Le centre renforcé d'urgences psychiatriques (Crup) de l'établissement public de santé (EPS) Ville-Evrard officiellement inauguré lundi, a ouvert ses portes "le 4 septembre" et doit permettre d'éviter une "stagnation des patients" au sein des services d'urgences générales, ont expliqué les équipes à APMnews, lors d'une visite au sein de l'unité fin août.
Adossée au service des urgences générales de l'hôpital Delafontaine (centre hospitalier de Saint-Denis), cette unité de 765 m² dépend de l'établissement de santé publique de Ville-Evrard, qui a investi 2,3 millions d'euros entre 2021 et 2023 pour sa création.
De grandes baies vitrées laissent entrevoir, depuis le couloir, l'intérieur des salles communes: poste de soins des infirmiers, salle de repos, secrétariat, réfectoire des patients...
Pensé comme une unité de prise en charge de la psychiatrie aiguë, ouverte 24 heures sur 24, le Crup doit permettre de "fluidifier les parcours de prise en charge en évitant, notamment une stagnation aux services des urgences", présente d'entrée de jeu Isabelle Dessales, la directrice communication et information de l'établissement.
"Services d'urgences faméliques"
"C'est un projet que je porte personnellement depuis 10 ans et qui est parti du constat que la prise en charge psychiatrique au sein des urgences générales est dans un état catastrophique", résume le Dr Fayçal Mouaffak psychiatre et chef du pôle à l'EPS Ville Evrard.
"En France, sur 22 millions de passages aux urgences [enregistrés tous les ans] jusqu'à 10% sont motivés par les troubles psychiatriques. Et en face, qu'est-ce qu'on leur propose? Des services d'urgences faméliques avec un médecin, parfois un infirmier et si vraiment, on a de la chance, un médecin et un infirmier", soupire-t-il.
"Quand je suis arrivé en 2016, lorsqu'il y avait une indication d'hospitalisation, les patients pouvaient stagner dans les urgences et ça pouvait durer plusieurs jours", se remémore-t-il ensuite. "Les équipes et les médecins appliquaient alors une stratégie de temporisation. On ne traitait pas vraiment les patients, mais on essayait juste d'éviter qu'ils s'agitent pour ne pas perturber le fonctionnement des services."
Un constat encore plus "alarmant", en Seine-Saint-Denis, "département de tous les superlatifs", insiste-t-il: "C'est le département le plus jeune, le plus pauvre, celui qui crée le plus d'emplois, celui qui a les taux les plus élevés de criminalité", énumère le chef de pôle. "En bref, un terreau formidable pour que la pathologie psychiatrique et les maladies mentales prospèrent."
"Si les équipes hésitent à hospitaliser le patient, on va placer la personne dans l'unité 24 heures", affirme Nadia Cheffi. "Si en revanche, le médecin considère qu'il y a vraiment une indication à l'hospitalisation, on va le placer dans l'unité 72 heures et lui donner les soins adéquats en attendant une hospitalisation ou de trouver une solution alternative qui lui convienne."
"On va surtout travailler sur une sous-population qui représente à peu près 5% des patients, mais qui génère 25 à 30% de l'activité dans les urgences", a précisé Fayçal Mouaffak. "Pour ce public-là, que l'on nomme ici les 'répétiteurs', nous allons proposer aux familles de consulter sans le patient."
Trouver des "alternatives à l'hospitalisation"
Les quelques heures passées aux urgences permettent donc aux équipes de se "coordonner" afin de trouver une orientation adaptée aux patients. "On sollicitera très certainement une assistante sociale, on pourra organiser des groupes de parole, accueillir une psychologue", liste Nadia Cheffi.
"L'objectif est surtout de trouver une alternative à l'hospitalisation qui doit rester la solution d'ultime recours", abonde Fayçal Mouaffak. "Et puis nous n'avons absolument pas vocation à nous substituer au secteur, mais plutôt à être dans la continuité de celui-ci", a-t-il ensuite défendu.
"Souvent, les patients sont en rupture avec leur secteur et ce sont ceux-là qui génèrent une suractivité […]. Nous souhaitons donc mettre en place une politique 'd'aller-vers' pour s'assurer que ces patients retrouvent leur secteur et se réinscrivent dans un parcours de soins coordonnés", détaille-t-elle.
Les soignants interviendront donc régulièrement au sein des centres médico-psychologiques (CMP) du département, afin de mener des campagnes de prévention auprès des patients suivis.
Celles-ci pourront notamment être menées hors des murs, mais également via des outils de téléconsultation. "Ce travail permettra aussi de mieux se coordonner avec les autres équipes pour éviter une superposition des thérapeutiques", conclut Fayçal Mouaffak.
Réduire les pratiques coercitives
A la veille de l'arrivée des premiers patients, toute l'équipe était sur le pont pour un dernier contrôle des équipements.
Tandis qu'un technicien fait défiler l'arc-en-ciel d'options de lumières d'une chambre d'isolement située au fond du service, Fayçal Mouaffak raconte: "On a parfois des patients qui nous arrivent dans un état d'agitation tel qu'on est obligé de recourir à la contention […]. Mais pour nous, ce sont des mesures un peu dilatoires du soin donc on essaye de faire en sorte que ce soit le moins fréquent possible".
Si le service dispose de plusieurs chambres d'isolement, "ce sont des chambres de dernier recours", expliquent à l'unisson tous les membres de l'équipe.
Outre l'équipement habituel, toutes disposent d'un hublot dont l'opacité peut être réglée manuellement depuis l'extérieur. "L'objectif est de pouvoir laisser de l'intimité au patient tout en ayant la possibilité de vérifier de temps en temps que tout va bien", explique le Dr Mouaffak: "ça peut paraître être un détail, mais cela peut tout changer".
"On fait le pari que l'accueil des patients, dans une unité respectueuse de sa dignité lui permettra de nouer plus de liens avec les soignants", estime-t-il.
jr/ab/APMnews
Informations professionnelles
- AFMU
- Agenda
- Annonces de postes
- Annuaire de l'urgence
- Audits
- Calculateurs
- Cas cliniques
- Cochrane PEC
- COVID-19
- DynaMed
- E-learning
- Géodes
- Grand public
- Librairie
- Médecine factuelle
- Outils professionnels
- Portail de l'urgence
- Recherche avancée
- Recommandations
- Recommandations SFMU
- Référentiels SFMU
- Textes réglementaires
- UrgencesDPC
- Webinaire
- Weblettre
AU CH DE SAINT-DENIS, UNE NOUVELLE UNITÉ PSYCHIATRIQUE DE L'EPS VILLE-EVRARD POUR DÉSENGORGER LES URGENCES GÉNÉRALES
SAINT-DENIS (Seine-Saint-Denis), 9 octobre 2023 (APMnews) - Le centre renforcé d'urgences psychiatriques (Crup) de l'établissement public de santé (EPS) Ville-Evrard officiellement inauguré lundi, a ouvert ses portes "le 4 septembre" et doit permettre d'éviter une "stagnation des patients" au sein des services d'urgences générales, ont expliqué les équipes à APMnews, lors d'une visite au sein de l'unité fin août.
Adossée au service des urgences générales de l'hôpital Delafontaine (centre hospitalier de Saint-Denis), cette unité de 765 m² dépend de l'établissement de santé publique de Ville-Evrard, qui a investi 2,3 millions d'euros entre 2021 et 2023 pour sa création.
De grandes baies vitrées laissent entrevoir, depuis le couloir, l'intérieur des salles communes: poste de soins des infirmiers, salle de repos, secrétariat, réfectoire des patients...
Pensé comme une unité de prise en charge de la psychiatrie aiguë, ouverte 24 heures sur 24, le Crup doit permettre de "fluidifier les parcours de prise en charge en évitant, notamment une stagnation aux services des urgences", présente d'entrée de jeu Isabelle Dessales, la directrice communication et information de l'établissement.
"Services d'urgences faméliques"
"C'est un projet que je porte personnellement depuis 10 ans et qui est parti du constat que la prise en charge psychiatrique au sein des urgences générales est dans un état catastrophique", résume le Dr Fayçal Mouaffak psychiatre et chef du pôle à l'EPS Ville Evrard.
"En France, sur 22 millions de passages aux urgences [enregistrés tous les ans] jusqu'à 10% sont motivés par les troubles psychiatriques. Et en face, qu'est-ce qu'on leur propose? Des services d'urgences faméliques avec un médecin, parfois un infirmier et si vraiment, on a de la chance, un médecin et un infirmier", soupire-t-il.
"Quand je suis arrivé en 2016, lorsqu'il y avait une indication d'hospitalisation, les patients pouvaient stagner dans les urgences et ça pouvait durer plusieurs jours", se remémore-t-il ensuite. "Les équipes et les médecins appliquaient alors une stratégie de temporisation. On ne traitait pas vraiment les patients, mais on essayait juste d'éviter qu'ils s'agitent pour ne pas perturber le fonctionnement des services."
Un constat encore plus "alarmant", en Seine-Saint-Denis, "département de tous les superlatifs", insiste-t-il: "C'est le département le plus jeune, le plus pauvre, celui qui crée le plus d'emplois, celui qui a les taux les plus élevés de criminalité", énumère le chef de pôle. "En bref, un terreau formidable pour que la pathologie psychiatrique et les maladies mentales prospèrent."
"Si les équipes hésitent à hospitaliser le patient, on va placer la personne dans l'unité 24 heures", affirme Nadia Cheffi. "Si en revanche, le médecin considère qu'il y a vraiment une indication à l'hospitalisation, on va le placer dans l'unité 72 heures et lui donner les soins adéquats en attendant une hospitalisation ou de trouver une solution alternative qui lui convienne."
"On va surtout travailler sur une sous-population qui représente à peu près 5% des patients, mais qui génère 25 à 30% de l'activité dans les urgences", a précisé Fayçal Mouaffak. "Pour ce public-là, que l'on nomme ici les 'répétiteurs', nous allons proposer aux familles de consulter sans le patient."
Trouver des "alternatives à l'hospitalisation"
Les quelques heures passées aux urgences permettent donc aux équipes de se "coordonner" afin de trouver une orientation adaptée aux patients. "On sollicitera très certainement une assistante sociale, on pourra organiser des groupes de parole, accueillir une psychologue", liste Nadia Cheffi.
"L'objectif est surtout de trouver une alternative à l'hospitalisation qui doit rester la solution d'ultime recours", abonde Fayçal Mouaffak. "Et puis nous n'avons absolument pas vocation à nous substituer au secteur, mais plutôt à être dans la continuité de celui-ci", a-t-il ensuite défendu.
"Souvent, les patients sont en rupture avec leur secteur et ce sont ceux-là qui génèrent une suractivité […]. Nous souhaitons donc mettre en place une politique 'd'aller-vers' pour s'assurer que ces patients retrouvent leur secteur et se réinscrivent dans un parcours de soins coordonnés", détaille-t-elle.
Les soignants interviendront donc régulièrement au sein des centres médico-psychologiques (CMP) du département, afin de mener des campagnes de prévention auprès des patients suivis.
Celles-ci pourront notamment être menées hors des murs, mais également via des outils de téléconsultation. "Ce travail permettra aussi de mieux se coordonner avec les autres équipes pour éviter une superposition des thérapeutiques", conclut Fayçal Mouaffak.
Réduire les pratiques coercitives
A la veille de l'arrivée des premiers patients, toute l'équipe était sur le pont pour un dernier contrôle des équipements.
Tandis qu'un technicien fait défiler l'arc-en-ciel d'options de lumières d'une chambre d'isolement située au fond du service, Fayçal Mouaffak raconte: "On a parfois des patients qui nous arrivent dans un état d'agitation tel qu'on est obligé de recourir à la contention […]. Mais pour nous, ce sont des mesures un peu dilatoires du soin donc on essaye de faire en sorte que ce soit le moins fréquent possible".
Si le service dispose de plusieurs chambres d'isolement, "ce sont des chambres de dernier recours", expliquent à l'unisson tous les membres de l'équipe.
Outre l'équipement habituel, toutes disposent d'un hublot dont l'opacité peut être réglée manuellement depuis l'extérieur. "L'objectif est de pouvoir laisser de l'intimité au patient tout en ayant la possibilité de vérifier de temps en temps que tout va bien", explique le Dr Mouaffak: "ça peut paraître être un détail, mais cela peut tout changer".
"On fait le pari que l'accueil des patients, dans une unité respectueuse de sa dignité lui permettra de nouer plus de liens avec les soignants", estime-t-il.
jr/ab/APMnews