Actualités de l'Urgence - APM

13/12 2024
Retour

ALZHEIMER: L'ARRIVÉE DU LÉCANÉMAB NÉCESSITE D'ORGANISER UN CIRCUIT RAPIDE POUR RÉDUIRE LES DÉLAIS DIAGNOSTIQUES ET THÉRAPEUTIQUES

(Par Luu-Ly DO-QUANG, au congrès Uspalz)

ISSY-LES-MOULINEAUX (Hauts-de-Seine), 13 décembre 2024 (APMnews) - L'arrivée prochaine du lécanémab (Leqembi*, Biogen et Eisai) en France nécessite d'organiser un circuit rapide pour réduire les délais diagnostiques et thérapeutiques des patients atteints d'une maladie d'Alzheimer qui y seraient candidats, ont souligné deux neurologues lors du Congrès des unités de soins, d'évaluation et de prise en charge Alzheimer (Uspalz) à Issy-les-Moulineaux.

Le comité des médicaments à usage humain (CMUH) de l'Agence européenne du médicament (EMA) a accordé une autorisation de mise sur le marché (AMM) à l'anticorps amyloïde lécanémab en novembre dans le traitement de la maladie d'Alzheimer à un stade précoce (cf dépêche du 14/11/2024 à 18:28) après un refus initial en juillet en raison de risque d'effets secondaires graves (cf dépêche du 26/07/2024 à 14:21).

Les Drs Julien Delrieu du centre mémoire de ressources et de recherche (CMRR) de Toulouse et Nicolas Villain du CMRR de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris (AP-HP) ont donc changé leur intervention prévue tout d'abord sur la décision controversée de l'EMA, au profit d'une réflexion sur la préparation à l'arrivée de ce nouveau traitement.

Le lécanémab est indiqué chez des patients à un stade précoce. L'enjeu est donc de mettre en place une filière de soins rapide car actuellement, selon des chiffres datant de 2017, environ 35% des patients avec une maladie d'Alzheimer reçoivent leur diagnostic en moins de six mois, contre 62% pour ceux atteints d'une sclérose en plaques (SEP) et 68% pour la maladie de Parkinson, a rappelé le Dr Delrieu lors d'une session de la Fédération des centres mémoire.

"Donc clairement, on a un diagnostic qui est lent", a-t-il poursuivi, illustrant son propos par les délais à la Pitié-Salpêtrière qui sont de neuf mois pour la première consultation, de trois-quatre mois pour les examens en hôpital de jour (HDJ) et après les résultats, également trois-quatre mois, ce qui fait un parcours diagnostique en moyenne de 15-18 mois, "ce qui est évidemment compliqué parce que pendant ce temps, les patients s'aggravent".

Une chute du score MMSE peut se produire et en dessous d'un certain seuil, cela "devient un élément limitant pour accéder au traitement". Alors que le résumé des caractéristiques du produit (RCP) européen n'est pas encore publié, il est recommandé aux Etats-Unis, sur la base des essais cliniques de phase III, de traiter des patients avec un score MMSE entre 22 et 30, note-t-on.

Les deux neurologues ont réfléchi à un parcours fast-track de quatre mois au maximum, avec un délai d'un mois à chaque fois pour obtenir une première consultation, ensuite pour le rendez-vous en HDJ puis la consultation d'annonce après avoir tenu la réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) au cours de laquelle l'indication pour le lécanémab est validée ou écartée, et enfin, pour organiser la première perfusion.

"Potentiellement, le médecin généraliste pourra adresser ses patients à cette filière thérapeutique estampillée 'rapide'", a estimé le Dr Delrieu.

Des check-lists à chaque étape

Concrètement, ils proposent des check-lists "pour aller vite et être pragmatique", à dérouler de façon "un peu systématique". Pour l'évaluation clinique, il faut que le patient ne soit pas sous anticoagulant, qu'il ait un phénotype compatible avec une maladie d'Alzheimer et un score MMSE de 22 au minimum. Sur le bilan paraclinique, le bilan biologique doit être compatible et le patient doit avoir fait une IRM cérébrale récente.

"Si tout est vert, il convient de programmer l'HDJ, de faire le prélèvement sanguin en fin de consultation pour doser les biomarqueurs et réaliser le génotypage de l'apolipoprotéine E. C'est aussi là qu'il faut prescrire les examens pour les éventuelles données manquantes", a exposé le Dr Delrieu.

Selon l'AMM accordée par le CMUH, le lécanémab est indiqué chez les patients avec des troubles cognitifs légers ou une démence légère due à la maladie d'Alzheimer, ne pas être porteurs de l'allèle ApoE4 ou alors une seule copie, ce qui réduit le risque potentiellement grave d'anomalie d'imageries liées à l'amyloïde (ARIA), rappelle-t-on.

Pour prévenir ce risque, une IRM doit être réalisée avant l'initiation du traitement puis avant la cinquième, la septième et 14e dose. Des examens IRM supplémentaires peuvent être nécessaires en cas de symptômes d'ARIA.

Lors de l'HDJ, la check-list prévoit de vérifier les différents critères d'éligibilité au traitement et selon les résultats pour les biomarqueurs sanguins, de réaliser une ponction lombaire ou une tomographie par émission de positons (TEP). Le patient peut ensuite être inscrit pour la prochaine RCP et la consultation d'annonce rapide peut être programmée.

Une troisième check-list est proposée à ce stade pour s'assurer que le patient coche toutes les cases avant de l'adresser à la consultation d'annonce du diagnostic.

Concernant l'administration même du lécanémab, le Dr Villain a rappelé qu'elle se fera en HDJ dans l'attente d'une formulation sous-cutanée qui permettra l'injection à domicile. La perfusion dure une heure puis une surveillance de deux heures est requise au moins pour les premières perfusions, ce qui nécessite un fauteuil ou un lit disponible. Il faut prévoir également un chariot d'urgence pour la gestion de réactions liées à la perfusion, qui sont très fréquentes, ainsi que les éventuelles réactions anaphylactiques.

A ce stade aussi, une check-list pré-thérapeutique est proposée avant toute administration du traitement pour vérifier l'absence des cinq symptômes compatibles avec une ARIA (céphalées, confusion, nausées et vomissements, vertiges, troubles de la vue, troubles de l'équilibre ou de la marche) et réaliser les IRM prévues et vérifier l'absence d'ARIA sur le plan radiologique. Avant l'administration initiale, il faut encore vérifier l'indication et l'absence de contre-indications, a insisté le Dr Villain.

Anticiper la gestion des ARIA

Concernant les IRM en pratique, "il est nécessaire d'anticiper les processus et certaines problématiques". "Il faut d'ores et déjà discuter avec le centre de radiologie avec lequel on a l'habitude de travailler et très probablement, il faudra travailler avec deux ou trois sites."

Le neurologue a souligné l'importance de mettre en place des protocoles standardisés, idéalement sur le même site, pour pouvoir comparer et analyser les images d'un même patient. Pour cela, la Société française de neuroradiologie (SFNR) a commencé un programme de formation.

La gestion des ARIA en pratique dépend de la sévérité radiologique et clinique. En cas d'ARIA symptomatique sévère, il faudra hospitaliser le patient. Son éducation thérapeutique est nécessaire, ainsi que celui de son entourage, pour apprendre à détecter les signes d'ARIA et appeler le Samu, pour une prise en charge dans la même filière que celle des accidents vasculaires cérébraux (AVC).

Des formations sont organisées avec la Société française neurovasculaire (SFNV) pour apprendre à gérer ces patients qui auront des ARIA.

Globalement, l'arrivée en France du lécanémab puis possiblement du donanémab (Kisunla*, Lilly), homologué en juillet aux Etats-Unis (cf dépêche du 03/07/2024 à 18:19), comporte un enjeu d'efficacité, qui passe par une organisation à anticiper et des délais diagnostiques et thérapeutiques à raccourcir, et un enjeu de sécurité, qui nécessite de mettre en place un registre des ARIA, de former les professionnels concernés (radiologues, neurologues vasculaires, urgentistes…), ou encore de prévoir une carte patient, ont conclu les deux spécialistes.

ld/nc/APMnews

Les données APM Santé sont la propriété de APM International. Toute copie, republication ou redistribution des données APM Santé, notamment via la mise en antémémoire, l'encadrement ou des moyens similaires, est expressément interdite sans l'accord préalable écrit de APM. APM ne sera pas responsable des erreurs ou des retards dans les données ou de toutes actions entreprises en fonction de celles-ci ou toutes décisions prises sur la base du service. APM, APM Santé et le logo APM International, sont des marques d'APM International dans le monde. Pour de plus amples informations sur les autres services d'APM, veuillez consulter le site Web public d'APM à l'adresse www.apmnews.com

Copyright © APM-Santé - Tous droits réservés.

Informations professionnelles

13/12 2024
Retour

ALZHEIMER: L'ARRIVÉE DU LÉCANÉMAB NÉCESSITE D'ORGANISER UN CIRCUIT RAPIDE POUR RÉDUIRE LES DÉLAIS DIAGNOSTIQUES ET THÉRAPEUTIQUES

(Par Luu-Ly DO-QUANG, au congrès Uspalz)

ISSY-LES-MOULINEAUX (Hauts-de-Seine), 13 décembre 2024 (APMnews) - L'arrivée prochaine du lécanémab (Leqembi*, Biogen et Eisai) en France nécessite d'organiser un circuit rapide pour réduire les délais diagnostiques et thérapeutiques des patients atteints d'une maladie d'Alzheimer qui y seraient candidats, ont souligné deux neurologues lors du Congrès des unités de soins, d'évaluation et de prise en charge Alzheimer (Uspalz) à Issy-les-Moulineaux.

Le comité des médicaments à usage humain (CMUH) de l'Agence européenne du médicament (EMA) a accordé une autorisation de mise sur le marché (AMM) à l'anticorps amyloïde lécanémab en novembre dans le traitement de la maladie d'Alzheimer à un stade précoce (cf dépêche du 14/11/2024 à 18:28) après un refus initial en juillet en raison de risque d'effets secondaires graves (cf dépêche du 26/07/2024 à 14:21).

Les Drs Julien Delrieu du centre mémoire de ressources et de recherche (CMRR) de Toulouse et Nicolas Villain du CMRR de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris (AP-HP) ont donc changé leur intervention prévue tout d'abord sur la décision controversée de l'EMA, au profit d'une réflexion sur la préparation à l'arrivée de ce nouveau traitement.

Le lécanémab est indiqué chez des patients à un stade précoce. L'enjeu est donc de mettre en place une filière de soins rapide car actuellement, selon des chiffres datant de 2017, environ 35% des patients avec une maladie d'Alzheimer reçoivent leur diagnostic en moins de six mois, contre 62% pour ceux atteints d'une sclérose en plaques (SEP) et 68% pour la maladie de Parkinson, a rappelé le Dr Delrieu lors d'une session de la Fédération des centres mémoire.

"Donc clairement, on a un diagnostic qui est lent", a-t-il poursuivi, illustrant son propos par les délais à la Pitié-Salpêtrière qui sont de neuf mois pour la première consultation, de trois-quatre mois pour les examens en hôpital de jour (HDJ) et après les résultats, également trois-quatre mois, ce qui fait un parcours diagnostique en moyenne de 15-18 mois, "ce qui est évidemment compliqué parce que pendant ce temps, les patients s'aggravent".

Une chute du score MMSE peut se produire et en dessous d'un certain seuil, cela "devient un élément limitant pour accéder au traitement". Alors que le résumé des caractéristiques du produit (RCP) européen n'est pas encore publié, il est recommandé aux Etats-Unis, sur la base des essais cliniques de phase III, de traiter des patients avec un score MMSE entre 22 et 30, note-t-on.

Les deux neurologues ont réfléchi à un parcours fast-track de quatre mois au maximum, avec un délai d'un mois à chaque fois pour obtenir une première consultation, ensuite pour le rendez-vous en HDJ puis la consultation d'annonce après avoir tenu la réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) au cours de laquelle l'indication pour le lécanémab est validée ou écartée, et enfin, pour organiser la première perfusion.

"Potentiellement, le médecin généraliste pourra adresser ses patients à cette filière thérapeutique estampillée 'rapide'", a estimé le Dr Delrieu.

Des check-lists à chaque étape

Concrètement, ils proposent des check-lists "pour aller vite et être pragmatique", à dérouler de façon "un peu systématique". Pour l'évaluation clinique, il faut que le patient ne soit pas sous anticoagulant, qu'il ait un phénotype compatible avec une maladie d'Alzheimer et un score MMSE de 22 au minimum. Sur le bilan paraclinique, le bilan biologique doit être compatible et le patient doit avoir fait une IRM cérébrale récente.

"Si tout est vert, il convient de programmer l'HDJ, de faire le prélèvement sanguin en fin de consultation pour doser les biomarqueurs et réaliser le génotypage de l'apolipoprotéine E. C'est aussi là qu'il faut prescrire les examens pour les éventuelles données manquantes", a exposé le Dr Delrieu.

Selon l'AMM accordée par le CMUH, le lécanémab est indiqué chez les patients avec des troubles cognitifs légers ou une démence légère due à la maladie d'Alzheimer, ne pas être porteurs de l'allèle ApoE4 ou alors une seule copie, ce qui réduit le risque potentiellement grave d'anomalie d'imageries liées à l'amyloïde (ARIA), rappelle-t-on.

Pour prévenir ce risque, une IRM doit être réalisée avant l'initiation du traitement puis avant la cinquième, la septième et 14e dose. Des examens IRM supplémentaires peuvent être nécessaires en cas de symptômes d'ARIA.

Lors de l'HDJ, la check-list prévoit de vérifier les différents critères d'éligibilité au traitement et selon les résultats pour les biomarqueurs sanguins, de réaliser une ponction lombaire ou une tomographie par émission de positons (TEP). Le patient peut ensuite être inscrit pour la prochaine RCP et la consultation d'annonce rapide peut être programmée.

Une troisième check-list est proposée à ce stade pour s'assurer que le patient coche toutes les cases avant de l'adresser à la consultation d'annonce du diagnostic.

Concernant l'administration même du lécanémab, le Dr Villain a rappelé qu'elle se fera en HDJ dans l'attente d'une formulation sous-cutanée qui permettra l'injection à domicile. La perfusion dure une heure puis une surveillance de deux heures est requise au moins pour les premières perfusions, ce qui nécessite un fauteuil ou un lit disponible. Il faut prévoir également un chariot d'urgence pour la gestion de réactions liées à la perfusion, qui sont très fréquentes, ainsi que les éventuelles réactions anaphylactiques.

A ce stade aussi, une check-list pré-thérapeutique est proposée avant toute administration du traitement pour vérifier l'absence des cinq symptômes compatibles avec une ARIA (céphalées, confusion, nausées et vomissements, vertiges, troubles de la vue, troubles de l'équilibre ou de la marche) et réaliser les IRM prévues et vérifier l'absence d'ARIA sur le plan radiologique. Avant l'administration initiale, il faut encore vérifier l'indication et l'absence de contre-indications, a insisté le Dr Villain.

Anticiper la gestion des ARIA

Concernant les IRM en pratique, "il est nécessaire d'anticiper les processus et certaines problématiques". "Il faut d'ores et déjà discuter avec le centre de radiologie avec lequel on a l'habitude de travailler et très probablement, il faudra travailler avec deux ou trois sites."

Le neurologue a souligné l'importance de mettre en place des protocoles standardisés, idéalement sur le même site, pour pouvoir comparer et analyser les images d'un même patient. Pour cela, la Société française de neuroradiologie (SFNR) a commencé un programme de formation.

La gestion des ARIA en pratique dépend de la sévérité radiologique et clinique. En cas d'ARIA symptomatique sévère, il faudra hospitaliser le patient. Son éducation thérapeutique est nécessaire, ainsi que celui de son entourage, pour apprendre à détecter les signes d'ARIA et appeler le Samu, pour une prise en charge dans la même filière que celle des accidents vasculaires cérébraux (AVC).

Des formations sont organisées avec la Société française neurovasculaire (SFNV) pour apprendre à gérer ces patients qui auront des ARIA.

Globalement, l'arrivée en France du lécanémab puis possiblement du donanémab (Kisunla*, Lilly), homologué en juillet aux Etats-Unis (cf dépêche du 03/07/2024 à 18:19), comporte un enjeu d'efficacité, qui passe par une organisation à anticiper et des délais diagnostiques et thérapeutiques à raccourcir, et un enjeu de sécurité, qui nécessite de mettre en place un registre des ARIA, de former les professionnels concernés (radiologues, neurologues vasculaires, urgentistes…), ou encore de prévoir une carte patient, ont conclu les deux spécialistes.

ld/nc/APMnews

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies pour réaliser des statistiques de visites.